Le 7 novembre 2017 | Mis à jour le 3 juillet 2018

Un chef-d’œuvre orientaliste d’Henri Rousseau vendu à Marseille : décryptage

par Diane Zorzi

Conservée dans une collection marseillaise depuis les années 1980, cette huile sur toile est l’une des pièces maîtresses du peintre orientaliste Henri Emilien Rousseau (1875-1933). Elle a été adjugée 210 000 euros par Maîtres Philippe Bonnaz et Renaud Mazzella samedi 18 novembre 2017 à Marseille. Zoom sur un chef-d’œuvre orientaliste…

 

Les toiles orientalistes peuplées de cavaliers arabes parcourent l’œuvre d’Henri Emilien Rousseau. « Avec Etienne Dinet ou Jacques Majorelle, il est une figure majeure de la deuxième grande vogue orientaliste qui a suivi celle d’Eugène Delacroix, Eugène Fromentin ou encore Jean-Léon Gérôme », explique Maître Renaud Mazzella. Titulaire d’une bourse de voyage obtenue au Salon des Artistes Français en 1900, ce peintre aixois rejoint la Tunisie et l’Algérie, avant de faire du Maroc sa terre de prédilection. « A l’époque où il réalise cette toile, en 1926, son talent est reconnu sur les deux rives de la Méditerranée. »

 

 

 

Un rare portrait du Sultan du Maroc

Au faîte de sa gloire, Henri Emilien Rousseau, promu Chevalier de la Légion d’honneur en 1919, obtient l’autorisation d’accéder à la cour royale du Maroc. « C’est un privilège rarissime qui lui permet de portraiturer le Sultan Moulay Youssef », détaille le commissaire-priseur. A cette époque, la représentation humaine est l’objet de bien des controverses au Maroc, comme dans la plupart des dynasties islamiques. « Et il faut noter qu’elle l’est d’autant plus lorsqu’il s’agit de personnalités royales. En effet, le Sultan est considéré comme une personnalité descendant directement de la famille du prophète. Sa représentation est donc problématique. » Au terme de longues discussions, il est toutefois consenti qu’Henri Emilien Rousseau peigne le Sultan à l’occasion d’une harka. « Il s’agissait d’une tournée itinérante qui devait permettre au pouvoir central de maintenir l’unité nationale en rappelant sa prééminence. » Le peintre offre plusieurs représentations de l’événement. « Un autre tableau, un peu plus grand et figurant cette même scène a été adjugé plus de 390 000 euros à Casablanca au Maroc en 2009. Mais le Sultan apparaît de profil, au contraire de cette œuvre où il est détaillé et fait face au spectateur. » Moulay Youssef y est placé au centre de la toile. Il domine la composition, affublé du vêtement blanc traditionnel, et apparaît en majesté, entouré de son escorte.

 

 

 

Une technique aboutie

« La composition définitive reprend les codes posés par Delacroix dans une peinture de 1845 conservée au musée des Augustins de Toulouse et représentant Moulay Abd er Rahman, Sultan du Maroc. Mais Henri Emilien Rousseau adopte un style beaucoup plus mouvementé ». Dans le sillage du non finito – ce rendu inachevé qu’explore dans nombre de ses toiles le chantre du romantisme français, Delacroix – l’œuvre marie une touche nerveuse et agitée, à un grand souci du détail. Avec une extrême précision, ce passionné de chevaux représente alors avec soin le pelage et l’agitation de ses élégantes montures, que précède, en tête du cortège, un lévrier arabe. « Cette œuvre présente une technique parfaitement aboutie, s’enthousiasme le commissaire-priseur. Adjugée 210 000 euros, elle est une pièce maîtresse de son travail. Elle réunit sa passion pour les chevaux et un sujet exceptionnel. C’est certainement le chef-d’œuvre de sa vie ! »

 

 

 

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