Le 1 juin 2025 | Mis à jour le 9 juin 2025

Un chef-d’œuvre oublié de Rodin s’envole à plus d’un million d’euros à Villandry

par Diane Zorzi

Demeuré dans l’ombre depuis plus d’un siècle, un marbre inédit d’Auguste Rodin s’est envolé à 1,066 million d’euros le 8 juin au château de Villandry lors de la 37e vente Garden Party des Rouillac. Un record mondial pour ce sujet en marbre représentant Le Désespoir. 

 

Mise à jour après vente, 9 juin. Le Désespoir de Rodin a été adjugé 1 066 000 d’euros le 8 juin au Château de Villandry, pulvérisant le précédent record établi à New York en 1990 pour une autre version du même sujet qui avait trouvé preneur autour de 700 000 euros. L’Å“uvre a été remportée par un jeune banquier de la côte ouest des Etats-Unis, à l’issue d’une bataille d’enchères d’une vingtaine de minutes opposant un amateur chinois, un amateur suisse et deux collectionneurs américains. Avec cette adjudication, Aymeric et Philippe Rouillac enregistre leur 16e enchère millionnaire. 

 

C’est un piano droit ordinaire, dans une maison de famille, qui servait de piédestal à ce que l’on pensait être une copie sans grande valeur. La sculpture attirait les regards, sans jamais éveiller le moindre soupçon. Jusqu’à ce jour de 2024 où Aymeric Rouillac, en visite dans la région de Vierzon, remarque la qualité d’exécution de cette figure féminine repliée sur elle-même. Son Å“il exercé l’incite à débuter de plus amples recherches. Les archives bientôt lui révèlent l’ampleur de la découverte : il s’agit d’un exemplaire inédit en marbre du Désespoir d’Auguste Rodin (1840-1917), sculpté vers 1892-1893. Une redécouverte majeure, tant les marbres du maître sont rares sur le marché.

 

Une sculpture de Rodin oubliée depuis plus d’un siècle

Le Comité Rodin n’a recensé à ce jour que cinq exemplaires connus en marbre de cette figure. La présente version correspond très probablement au n°179 du catalogue de la vente Alexandre Blanc des 3 et 4 décembre 1906. Cette pièce serait ensuite passée entre les mains du marchand Eugène Fischhof, pour rejoindre la collection de Paul Louis Chevalier, éminent commissaire-priseur parisien actif au tournant du XXe siècle. Ami de Rodin et intermédiaire régulier de ses ventes, Chevalier aurait acquis l’œuvre avant sa disparition prématurée à l’âge de 55 ans. Transmise par voie successorale, la sculpture disparaît alors des radars, jusqu’à sa récente redécouverte. Cette provenance, appuyée par des documents épistolaires entre Rodin et le collectionneur Léopold Blondin (archives du musée Rodin), conforte l’attribution. L’œuvre a depuis été formellement authentifiée par le Comité Rodin, qui y voit une version exécutée dans l’atelier du maître entre 1892 et 1893, dans le sillage immédiat de La Porte de l’Enfer.

 

Auguste Rodin (Français, 1840-1917),  Le Désespoir, c. 1892-93 Marbre. Signé « A.Rodin » sur le côté gauche. Modèle créé vers 1890, exécuté entre 1892 et 1893. Haut. 28,5 Larg. 15 Prof. 25 cm. Estimation : 500 000 – 700 000 euros. 

 

Le Désespoir, une figure de La Porte de l’Enfer

Nous sommes en 1880, l’État commande à Rodin une porte monumentale en bronze, destinée au futur musée des Arts décoratifs et inspirée de la Divine Comédie de Dante Alighieri. Ce projet, baptisé La Porte de l’Enfer, mobilise Rodin pendant plus d’une décennie. Il y modèle près de deux cents figures, réparties sur six mètres de haut. Parmi les âmes damnées, deux femmes expriment avec grâce le sentiment du désespoir. « Le génie et l’audace de Rodin sont, avec ces deux figures, manifestes, détaillent les commissaires-priseurs Aymeric et Philippe Rouillac. L’attitude originale des deux personnages vient renouveler la représentation allégorique traditionnelle de ce sentiment que l’on retrouve couramment dans la sculpture funéraire. »

Notre modèle correspond à la figure située dans la partie supérieure gauche de la porte. Il donne à voir une femme assise, la jambe droite pliée et saisie par les deux mains, dans un mouvement acrobatique autant que méditatif. Rodin exposa à Vienne en 1897 cette figure isolée sous le nom de L’Ombre se tenant le pied, en deux versions, l’une en plâtre et l’autre en bronze. « Traditionnellement daté autour de 1890, Le Désespoir connait un véritable succès, poursuivent les commissaires-priseurs. La belle fortune critique de l’œuvre et les commandes qui en découlent sont sans doute dues au fait que cette figure, isolée et sortie du contexte de La Porte de l’Enfer, s’éloigne quelque peu de l’idée première du sentiment du désespoir. La douce attitude de la jeune femme présente quelque chose qui pourrait s’apparenter au relâchement d’une danseuse dans l’intimité. » L’Å“uvre sera déclinée en plusieurs matériaux : plâtre, bronze, pierre calcaire et marbre.

 

Un marbre rarissime sur le marché

Le marbre occupe une place particulière dans l’Å“uvre de Rodin. Inspiré par Michel-Ange, l’artiste considère ce matériau comme un vecteur privilégié pour explorer la sensualité du corps, mais ne l’emploie qu’à de rares occasions, tant et si bien que ce matériau représente moins d’un pour cent de son corpus.

Rodin faisait venir ses blocs des carrières toscanes, notamment de Carrare, et confiait leur ébauche à ses praticiens, avant d’y apposer sa touche. « On sait que Rodin demandait à ses praticiens de pousser les finitions des chairs jusqu’à ce qu’il décide de l’instant précis où il considérait l’œuvre comme achevée », précisent les commissaires-priseurs. En témoignent ici les zones demeurées brutes, laissant apparaître les points de repérage utilisés pour le report depuis le modèle en plâtre. Un non finito, cher à Rodin, qui suggère la métamorphose à l’Å“uvre, le bloc prenant vie au gré de ces chairs qui, non polies, paraissent comme suspendues dans leur éclosion. « Les quatre autres versions présentent de légères variantes, particulièrement au niveau de la base, notent les commissaires-priseurs. Seule la version en pierre calcaire et agrandie au triple, commandée pour la façade de l’hôtel particulier du couple Edouard Autant-Louise Lara (aujourd’hui Stanford University Art Museum and Gallery, n°inv. 1974.86) présente le même détail du pied droit qui déborde de la base avec une subtile sensualité »

Estimé entre 500 000 et 700 000 euros, notre marbre sera l’une des pièces maîtresses de la 37e vente Garden Party des Rouillac qui se tiendra cette année les 8 et 9 juin au château de Villandry – un écrin d’exception à la hauteur des chefs-d’Å“uvre attendus pour cette nouvelle édition. 

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