
Le bilan 2023 du marché français des véhicules de collection
Selon une étude menée par Le Magazine des enchères pour la plateforme Interencheres, le marché des véhicules de collection est resté solide en 2023, en dépit d’une conjoncture défavorable. Décryptage.
Le marché a été alimenté en 2023 par des célébrations anniversaires qui ont créé l’émulation attendue, du centenaire des 24 Heures du Mans aux 40 ans de la Peugeot 205. Les tendances de fond observées ces dernières années se confirment. Le marché reste toujours sélectif, avec un appétit soutenu pour les exemplaires d’exception en état d’origine, dotés d’historiques hors du commun ou d’un palmarès en course mythique, et une inflation des prix des Youngtimers. L’année s’est également distinguée par des résultats notables obtenus par des véhicules datant des premiers âges de l’automobile. A noter enfin la montée en puissance des ventes aux enchères en ligne, un canal d’achat qui, depuis les ventes confinées organisées durant la crise Covid, s’est installé de manière pérenne dans les habitudes des collectionneurs.
« Le marché français de l’automobile de collection, particulièrement dynamique en 2022, a connu en 2023 un léger recul, avec des vendeurs plus frileux du fait du contexte géopolitique et des incertitudes économiques. Les transactions ont en effet été moins nombreuses : 3 493 véhicules de collection ont changé de main en 2023, contre 4 409 lors de l’exercice précédent (-21%) sur les plateformes Interencheres et Auction.fr. En dépit de cette conjoncture moins favorable, le marché reste solide, car il repose sur des fondamentaux sains depuis qu’il s’est purgé du phénomène spéculatif observé au milieu des années 2010. L’offre, certes moindre, est en adéquation avec la demande, et les prix sont stables, avec des véhicules qui trouvent globalement preneur à l’estimation, et plusieurs records enregistrés. Les tendances observées lors des années passées se confirment. Les véhicules les plus exceptionnels suscitent des enchères toujours aussi élevées, et les célébrations qui ont émaillé l’année, du centenaire des 24 Heures du Mans au 40e anniversaire de la Peugeot 205, ont créé l’émulation attendue auprès des passionnés. Autant de ferments durables qui dépassent une simple situation conjoncturelle.»
Diane Zorzi, rédactrice en chef du Magazine des enchères
Des anniversaires très porteurs
C’est un phénomène classique dans le monde de l’automobile ancienne : les années célébrant l’anniversaire d’une compétition ou du lancement d’un modèle suscitent un intérêt accru de la part des amateurs et les propriétaires des véhicules concernés profitent de l’actualité pour vendre. Les maisons de vente suivent ainsi ce calendrier en organisant des vacations spécifiques. Cette année, à l’occasion du centenaire des 24 Heures du Mans, elles ont organisé de nombreuses cessions dédiées aux voitures de course d’endurance et objets d’Automobilia relatifs à l’épreuve mancelle.
La vente la plus remarquable, mais aussi la plus inattendue, est sans doute celle organisée par la maison Balsan le 29 juin, qui a dispersé, à la demande de l’Agence de Gestion et de Recouvrement des Avoirs Saisis et Confisqués (AGRASC), la collection exceptionnelle de six Porsche de compétition d’un entrepreneur français. Sans surprise, elles ont donné lieu à de fortes adjudications à commencer par la Porsche 908 LH châssis 004 ex Gérard Larrousse qui a obtenu 1 885 620 euros.

1 885 620 € pour une Porsche 908 LH ayant appartenu à Gérard Larrousse. Cette Porsche 908 LH de 1968, châssis 004, a appartenu durant 44 ans au pilote et directeur d’écurie Gérard Larrousse, une légende des 24 heures du Mans. Ce modèle d’usine a remporté la 11e place aux 1000 km de Monza en 1968. Il a fait l’objet en 2014 d’une restauration complète à grand frais et il est naturellement éligible au Mans Classic auquel il a déjà participé. Il constitue un jalon essentiel de l’histoire de Porsche en course, préfigurant en grande partie les 917 victorieuses au Mans à partir de 1970.
La voiture la plus chère de l’année vendue sur le territoire français doit également sa réputation aux 24 Heures du Mans. Il s’agit en effet de la dernière Ferrari a avoir remporté la compétition mancelle, avant la victoire enregistrée cette année par la Ferrari 499 P n°51 pilotée par James Calado, Antonio Giovinazzi et Alessandro Pier Guidi.

15 771 200 € pour une Ferrari 250 LM Berlinetta by Pininfarina. Si ce modèle n’a pas couru les 24 Heures du Mans, il s’agit de la 10e Ferrari 250 LM sur les 32 exemplaires construits. La Ferrari 250 LM, une version berlinette de la 250 P, constitue un jalon dans l’histoire de Ferrari, puisqu’il s’agissait, jusqu’à 2023, de la dernière voiture portant Cheval Cabré à avoir remporté les 24 Heures du Mans. Elle célébrait en outre cette année son 60e anniversaire, la Ferrari 250 LM ayant été dévoilée au Salon de Paris en octobre 1963. Vendu par Artcurial Motorcars le 6 juillet, cet exemplaire a atteint 15 771 200 euros, un montant record pour une vente automobile française depuis 2019.
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40 ans de la Peugeot 205 : des résultats spectaculaires
Cette année, les quarante ans de la Peugeot 205 ont également donné lieu à des résultats spectaculaires. Lors d’une vente organisée par Aguttes le 17 avril à Paris, deux modèles de compétition Groupe B ont ainsi changé de main pour 587 640 euros et 288 240 euros, des montants impressionnants pour des exemplaires qui n’ont pas été engagés officiellement en rallye par Peugeot Talbot Sport et sans palmarès important.

A gauche : 587 640 € pour une Peugeot 205 Turbo 16 Evo 1 de 1985. Cette Série 200 modifiée en Evo a participé au Championnat d’Europe des Rallyes 1985 et 1986. Elle a bénéficié d’une restauration complète. A droite : 288 240 € pour une Peugeot 205 Turbo 16 de 1984. Cette autre Série 200 a participé au Tour de Corse 1985. Elle est la 12e T16 de la série des 200 exemplaires fabriqués afin d’obtenir l’homologation en Groupe B. En très bel état de conservation, elle a conservé son habitacle d’origine légèrement patiné et elle est toujours dotée de son arceau d’époque. Son compteur affiche un peu moins de 44 000 km.
Cette année, l’intérêt des enchérisseurs s’est également porté sur des Peugeot 205 moins exclusives, ainsi qu’en témoignent les 39 840 euros obtenus par une Roland Garros Cabriolet, comptant 3 050 km au compteur, vendue par Aguttes le 15 octobre à Sochaux, où de nombreux événements célébraient l’anniversaire de cette populaire française mythique. Les sportives GTI sont toujours aussi prisées, ainsi qu’en témoigne l’adjudication à 38 400 euros remportée par une Peugeot 205 GTI 1.9 de 1989. Même les exemplaires en état moyen ou totalisant un fort kilométrage suscitent encore des enchères intéressantes, à l’instar d’une 1.9 PTS de 1989, au contrôle technique comportant de très nombreuses défaillances majeures, qui a tout de même été adjugée 16 950 euros par Mercier & Cie le 20 février à Vendeville.

A gauche : 39 840 € pour une Peugeot 205. Cabriolet Roland Garros de 1990. Ce modèle de première main affichait seulement 3 050 km au compteur. Il était présenté dans un état de conservation exceptionnel. Il a largement battu le précédent record établi en juillet 2017 à Monaco par Artcurial avec un exemplaire en état neuf affichant 12 700 km au compteur et vendu 25 200 euros. A droite : 38 400 € pour une Peugeot 205 GTI 1.9. Cet exemplaire 1.9 de 1989, entièrement restauré, a été vendu 38 400 euros lors d’une vente organisée par Osenat à Epoqu’Auto Lyon le 12 novembre, bien au-dessus de son estimation haute de 25 000 euros.
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L’état d’origine, l’historique et le palmarès toujours privilégiés
C’est une constante depuis plusieurs années qui ne se dément pas en 2023 : les modèles en état d’origine jamais restaurés attirent toujours autant les enchérisseurs, même s’ils nécessitent d’importants travaux de remise en état. Certains d’entre eux ont largement dépassé leurs estimations en 2023.

38 144 € pour une Citroën Traction 7C de 1935. Cette Citroën Traction 7C de 1935, vendue 38 144 euros par Artcurial Motorcars le 3 février au Salon Rétromobile, avait la particularité d’arborer encore sa peinture d’origine et de présenter un bel état général de conservation, après avoir roulé 35 759 km seulement en presque 90 ans. Elle était estimée entre 15 000 et 25 000 euros.

524 480 € pour une Aston Martin DB4 Série 2 de 1960. Lors de la même vente Artcurial, une Aston DB4 Série 2 d’origine française a été vendue 524 480 euros, soit plus de 20 000 euros au-dessus de son estimation haute. Conservée dans un remarquable état d’origine, elle avait appartenu au même propriétaire de 1968 à 2023.

145 844 € pour Jaguar Type E 3.8 Roadster de 1961. Une autre Anglaise a fait monter les enchères grâce à son très faible kilométrage et son état virginal, bien que non roulant : une Jaguar Type E 3.8 Roadster « plancher plat » de 1961, vendue 145 844 euros lors de la vente d’automne d’Aguttes le 26 novembre. Estimée entre 80 000 et 100 000 euros, elle ne comptait que 53 150 km après avoir été conservée dans un musée durant plusieurs décennies.

560 660 € pour la Bentley Continental de Carven et Florent Pagny. Les exemplaires ayant appartenu à des célébrités ou profitant d’un historique hors du commun séduisent toujours. En témoigne l’adjudication à 560 660 euros remportée, lors de la vente d’automne d’Aguttes, par la Bentley Continental S-Type de 1956 ayant appartenu successivement aux propriétaires de la maison Carven et à Florent Pagny. Le modèle était estimé entre 250 000 et 350 000 euros.

18 600 € pour l’Austin A35 Seven du Prince Rainier de Monaco. Le phénomène ne touche pas seulement les automobiles d’exception : une petite Austin A35 de 1957 en bel état, mais présentant quelques défauts, a ainsi obtenu 18 600 euros à l’Hôtel des Ventes de La Baule le 25 novembre : un montant très supérieur à sa cote en raison de son ancienne appartenance au Prince Rainier de Monaco.
De nombreux enchérisseurs utilisent leurs automobiles de collection pour participer à des rallyes, événements ou courses historiques. Ces amateurs sont particulièrement attentifs au palmarès et à la liste d’éligibilité du véhicule. Une participation à une course historique comme les Mille Miglia ou le Tour de France Auto influe dès lors sur les prix. Plusieurs automobiles ont incarné ce phénomène en 2023…

110 856 € pour une Fiat 500 C Topolino de 1952. Cette Fiat 500 C Topolino de 1952 a été vendue par Artcurial Motorcars le 3 février au Salon Rétromobile à Paris. Si cette petite Fiat était proche du très modeste modèle de série, elle se distinguait par sa participation à la sélective édition des Mille Miglia 1952, une course historique.
Des modifications limitées et un entretien documenté qui ne touchent pas à l’aspect d’origine sont également appréciés des futurs propriétaires participant à ces événements lorsqu’elles permettent d’améliorer la conduite.

A gauche : 66 752 € pour une Jaguar XK140 de 1956. Cette Jaguar XK140 coupé de 1956 a été vendue 66 752 euros, soit près du double de son estimation basse, par Artcurial Motorcars le 3 février au Salon Rétromobile à Paris. Elle était dotée d’une transmission renforcée, de quatre freins à disques et d’une installation électrique modernisée, facilitant sa conduite lors des sorties. A droite : 262 708 € pour une Porsche 911 3.0 RS FIA de 1977. Cette économie de la course historique aboutit parfois à des projets ambitieux, à l’image de cette reconstruction de Porsche 3.0 RS réalisée par le centre Porsche Classic de Lorient à partir d’une SC de série. Une préparation complète du moteur, de la transmission des trains roulants neufs et une mise aux normes exigées par la FIA lui ont valu une enchère de 262 708 € lors de la vente d’automne d’Aguttes.
Les Youngtimers toujours en forme
Dans le sillage de la Peugeot 205, les automobiles d’après 1980 continuent à susciter un fort intérêt, profitant de leurs tarifs encore relativement accessibles par rapport aux légendes antérieures. Le marché suit cependant la même logique que pour les autres périodes : les amateurs privilégient les modèles les plus authentiques, dotés des kilométrages les plus bas.

A gauche : 14 640 € pour une BMW de 1989. Même les motorisations les plus modestes profitent de cet effet, à l’instar de cette berline 4 portes phase II BMW 316i de 1989 sans aucune autre particularité que ses 35 354 km d’origine : elle a été adjugée 14 640 euros par Sylvie Dagot le 27 mai à Montluçon, soit près du double de son estimation haute. A droite : 14 640 € pour une Peugeot 406 de 2000. Cette Peugeot 406 coupé de 2000, équipée du simple moteur quatre cylindres deux litres, a été adjugée 14 640 euros par l’Hôtel des Ventes Giraudeau le 22 novembre. Elle présentait là encore un faible kilométrage (14 619 km). En bas : 69 600 € pour une Renault 25 V6 Turbo Baccara de 1992. Cette Renault 25 V6 Baccara de 1992 a été adjugée 69 600 euros par Artcurial le 4 février au Salon Rétromobile à Paris, soit trois fois son estimation haute. Elle affichait seulement 3 780 km au compteur et provenait directement du garage de la Direction Renault.
Des ancêtres pas si fatigués
Cette année a été également ponctuée de résultats remarquables obtenus par des exemplaires des premiers âges de l’automobile, c’est-à-dire la période précédant la Première Guerre mondiale. Plusieurs témoins d’un passé industriel révolu ont ainsi pulvérisé leurs estimations, à l’instar des exemplaires vendus par Osenat le 12 novembre lors du Salon Epoqu’Auto à Chassieu. Dans la même tendance, Aguttes enregistrait, lors de sa vente d’automne du 2 avril à Paris, un beau succès avec la dispersion de la collection de la marque lyonnaise Vermorel.

A gauche : 86 400 € pour une limousine Delahaye. Type 32 de 1909 Cette limousine Delahaye Type 32 de 1909, issue de la collection Rollet, a été adjugée 86 400 euros, soit plus de deux fois son estimation haute. A droite : 40 800 € pour une Darracq RR Torpédo de 1910. Le même intérêt s’est manifesté pour une Darracq RR Torpédo de 1910 estimée entre 15 000 et 20 000 euros. Issue de la même collection réputée, elle a été vendue 40 800 euros, soit le double de son estimation haute. En bas : 42 840 € pour une Vermorel Type L de 1912. Une torpedo Type L de 1912, estimée entre 20 000 et 30 000 euros, a ainsi été vendue pour 42 840 euros. Ce modèle rustique et puissant était très apprécié avant la Première Guerre mondiale dans les campagnes de la région lyonnaise où était établie la marque Vermorel.
Des achats en ligne toujours plus nombreux
Depuis les ventes « confinées » organisées à huis clos lors de la crise Covid, les collectionneurs ont pris l’habitude d’enchérir en direct sur internet. Grâce aux descriptions de plus en plus détaillées, et aux nombreuses photographies proposées par les maisons de vente, ils sont de plus en plus nombreux à acheter un véhicule sans se déplacer le jour de la vente. Le charme des ventes en présentiel reste vivace, mais le monde des enchères a définitivement pris le pli de la digitalisation.
En 2023, 48% des automobiles de sport et de collection proposées par les commissaires-priseurs d’Interencheres ont été remportées à la suite d’une enchère Live déposée en direct sur le site. Cette moyenne s’élevait à 31% en 2019, avant que la crise sanitaire ne transforme le marché. Les ventes en ligne sont désormais ancrées dans les habitudes d’achat des enchérisseurs qui, malgré la réouverture des salles au lendemain du Covid, sont nombreux à préférer ce canal de diffusion, quel que soit le montant de leur acquisition. En 2023, dans les ventes d’automobiles de sport et de collection, 13 adjudications supérieures à 100 000 euros ont été portées en Live sur Interencheres, contre 8 en 2022, et seulement 2 en 2019.

Adjugée 262 708 € en Live sur Interencheres. Porsche 911 3.0 RS FIA de 1977 le 26 novembre 2023 chez Aguttes.

Adjugée 59 040 € en Livre sur Interencheres. Citroën DS 21 de 1965 ex Présidence de la République le 15 octobre chez Aguttes.

Adjugée 178 800 € en Live sur Interencheres. Rolls Royce Silver Cloud II Cabriolet de 1959 le 12 novembre 2023 chez Osenat.

Adjugée 148 200 € en Live sur Interencheres. Porsche 911 Turbo 3.3 de 1989 le 12 novembre 2023 chez Osenat.