
André Sornay, un designer Art déco recherché aux enchères
Ebéniste et décorateur, André Sornay a effectué toute sa carrière à Lyon, en cultivant une version de l’Art déco très moderniste. Ses créations touchent désormais un public bien plus large, enregistrant des prix soutenus aux enchères. Décryptage.
André Sornay (1902-2000) fait partie des designers qui ont créé la nouvelle esthétique de l’Art déco à partir des années 1920. Entré en 1918 à l’Ecole supérieure des Beaux-Arts de Lyon, il reprend dès l’année suivante les rênes de l’entreprise familiale de tissus et de meubles. En 1922, il présente une salle à manger à la Foire de Lyon, et ne cesse ensuite de développer des lignes de meubles à l’aspect géométrique très moderne. « En revanche, il n’aura jamais vraiment de succès à Paris, même s’il expose deux fois, en 1925 et 1937, cela ne lui apporte pas de commandes… L’essentiel de sa clientèle restera lyonnaise ! Peut-être s’agissait-il d’une forme de snobisme de la part des Parisiens », s’amuse l’expert lyonnais Thierry Roche.
Des meubles sur-mesure pour une clientèle bourgeoise
André Sornay n’est pas tout à fait un ensemblier à l’image de Jacques-Emile Ruhlmann, mais il conçoit des meubles souvent sur-mesure pour sa clientèle bourgeoise, et y ajoute sur demande des lampes qu’il fait fabriquer par un artisan d’après ses croquis, des ferronneries réalisées par Charles Piguet, ou des tapisseries commandées pour l’occasion. « Il choisissait lui-même les tissus, avec beaucoup de goût et un sens inné de l’harmonie », admire l’expert. En 1925, André Sornay décide d’ouvrir son propre atelier de production, dans lequel il emploie jusqu’à une trentaine de personnes.

André Sornay (1902-2000), Paire de fauteuils en bois clair à structure géométrique, montants à pans coupés et garniture de cuir marron. H. 70 cm L. 67 cm P. 80 cm. Adjugée 21 910 euros par la maison Bérard-Péron le 20 mars 2024 à Corbas.
Des meubles cloutés recherchés aux enchères
En 1932, le designer dépose son premier brevet d’invention, un système de panneaux de meubles et un mode d’assemblage. « Il s’agit en fait d’un principe de cloutage sur la lisière des plateaux ou des pieds, ce qui était à la fois esthétique et structurel puisque cela servait à tenir les contreplaqués », détaille l’expert.
Les meubles portant ce cloutage font partie des plus prisés aux enchères : comptez entre 4 000 et 5 000 euros pour un bureau moderniste en palissandre clouté et métal tubulaire, ou 800 à 1 000 euros pour des portes en pin d’Oregon cloutées et patinées en blanc. « Le pin d’Oregon est justement une autre de ses marques de fabrique, et il le travaillait d’abord en le décapant à l’acide, puis le brossait avec une brosse métallique pour en faire ressortir les veines, avant de le peindre », énumère Thierry Roche.
Les créations les plus recherchées utilisant cette technique sont les meubles peints en rouge. A titre d’exemple, une table bureau en pin d’Oregon clouté et teinté rouge a été adjugée 18 154 euros en mars 2024 chez Bérard-Péron. André Sornay a également des amateurs pour ses fauteuils modernistes. En témoignent ceux adjugés 25 000 euros en mai 2024 chez Richard à Villefranche-sur-Saône : les piétements de ces fauteuils forment des accotoirs à angle droit pour un effet géométrique et compact.
« Il a eu une production importante, mais avec des éditions très variables, sa table de fumeur existe en palissandre, en ébène, en pin… Alors que d’autres meubles sont restés des pièces uniques, peut-être à la demande du client », note l’expert. Une paire de ces petites tables en pin d’Oregon avec cloutage a trouvé preneur pour 13 340 euros en juin 2020 chez Ader.
Le mobilier en kit, l’ancêtre d’Ikea
Après la Seconde Guerre mondiale, André Sornay se désengage peu à peu de son entreprise, laissant ses enfants aux commandes. Quelques meubles vont encore être édités, avant que les nouveaux directeurs orientent la fabrication vers du mobilier de collectivité en kit « à assembler rapidement pour l’adapter à n’importe quel espace, un peu comme un ancêtre d’Ikea », précise l’expert. Le brevet déposé par Sornay établissement pour cette production est « La tigette Sornay ».
Des prix stables aux enchères
Son travail de l’entre-deux-guerres, plus luxueux, est aujourd’hui bien reconnu dans les ventes aux enchères. Car même si ces pièces passent souvent dans les hôtels de vente de la région lyonnaise (c’est là que les meubles sont restés), elles partent ensuite vers d’autres régions, soit à Paris, soit aux États-Unis, mais aussi en Suisse ou en Angleterre. « Les enchérisseurs sont majoritairement des marchands, qui exposent ensuite les meubles de Sornay dans leurs galeries », constate Thierry Roche.
En ce qui concerne leur cote, il remarque que, sur une dizaine d’années, les adjudications se maintiennent bien, même lorsque le style Art déco fait un peu moins recette : « les belles pièces ont même tendance à monter un peu et les meubles plus courants trouvent preneur dans leur estimation ».
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Image en Une : André Sornay (1902-2000), Enfilade en bois naturel teinté et bois exotique avec le corps en partie haute ouvrant à trois portes coulissantes. En vente chez Bérard-Péron le 27 mars à Corbas, estimée 2 000 à 3 000 euros.
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