Redécouverte exceptionnelle d’un tableau du Caravage néerlandais à Saint-Étienne
Une toile inédite d’Hendrick Ter Brugghen, le Caravage néerlandais, sera dévoilée aux enchères le 5 décembre à l’Hôtel des ventes du Marais à Saint-Étienne. Estimée entre 220 000 et 250 000 euros, cette œuvre datée autour de 1627 demeurait dans la même famille depuis le début du XXe siècle.
[Mise à jour, 5 décembre] Esaü vendant son droit d’ainesse de Hendrick Ter Brugghen a été adjugée à 1 437 500 euros (frais inclus).
Provenant d’une famille qui le détenait depuis le début du XXe siècle, un tableau d’Hendrick Ter Brugghen (1588-1629) a été découvert par les commissaires-priseurs de la maison Carlier, Imbert et Morel. Cet artiste, longtemps oublié, bénéficie d’un regain d’intérêt de la part des historiens de l’art depuis les années 1960, à la faveur de la redécouverte du caravagisme. La vente de cette toile, prévue le 5 décembre à Saint-Etienne, devrait attirer de nombreux collectionneurs, tant les œuvres du peintre sont rares – moins de vingt tableaux ont été présentés en vente publique sur les quarante dernières années.
Hendrick Ter Brugghen, le Caravage néerlandais
Le tableau représente une scène de la Genèse, couramment traitée par les peintres au XVIIe siècle. Esaü, de retour de la chasse, apparaît à gauche avec un lièvre sur l’épaule, tandis que sa mère, Rebecca, lui présente une assiette et son frère Jacob un plat de lentilles. « Ce sujet biblique permet un dialogue expressif et silencieux entre les deux frères, souligné subtilement par les jeux de lumières créés par la chandelle », observe l’expert René Millet.
Hendrick Ter Brugghen est considéré comme l’un des principaux représentants de l’école caravagesque de l’école d’Utrecht. Né probablement à la Haye, il se forme auprès d’Abraham Bloemaert à Utrecht, avant de parfaire son apprentissage à Rome. « Il y découvre les peintures du Caravage, d’Orazio Gentileschi, de Bartolomeo Manfredi, et surtout de Carlo Saraceni », poursuit l’expert. A son retour à Utrecht, en 1614, il fait connaître à ses compatriotes cet art nouveau initié par Caravage, s’inspirant de ses jeux de lumière dramatiques et de sa représentation réaliste des personnages. « Il est le premier des grands caravagesques nordiques à réintégrer sa patrie et à y faire connaître cet art instauré par Caravage », précise René Millet.
Un tableau biblique daté autour de 1627
C’est autour de 1627, date à laquelle Rubens vient visiter la ville d’Utrecht, que l’expert situe notre tableau. « L’œuvre est très proche du Concert de la National Gallery de Londres : même triangle, même lumière. Il est remarquable par nombre de beaux détails : le père quasi aveugle sorti de la composition, la beauté des visages tournés vers la flamme, le jeu des mains qui concentrent l’action, le somptueux drapé rouge de Jacob, la touche ondulée des corps et des vêtements, et ces visages d’une rare beauté des deux garçons synonymes d’enfance et de concentration. On peut aussi noter la présence de nombreux repentirs dans ce tableau si proche et si loin de Georges de La Tour. »
De religion protestante d’après les archives, Ter Brugghen n’était pas pour autant hostile aux sujets catholiques. Il a traité le thème d’Esaü et Jacob à trois reprises au cours de sa carrière. Une seconde version de ce sujet est en effet conservée à la Gemäldegalerie de Berlin, tandis que la troisième version se trouve au musée Thyssen-Bornemisza à Madrid. Notre tableau, dernière version encore en mains privées, est estimé entre 220 000 et 250 000 euros. A noter que le record pour l’artiste date de la vente en 2009 d’un Joueur de cornemuse (1624, 101×83 cm) adjugé 7,6 millions d’euros à New York.