Art brut : Fleury Joseph Crépin à l’honneur dans le Pas-de-Calais
Le 15 janvier à Boulogne-sur-mer, Julien Debacker et Anne Richmond présenteront à la vente deux tableaux d’un peintre emblématique de l’Art brut, Fleury Joseph Crépin. Ces compositions oniriques dictées par les esprits sont issues de la collection du célèbre maître verrier Henry Lhotellier.
Rien ne semblait prédestiner Fleury Joseph Crépin (1875-1948) à endosser l’habit d’artiste peintre. Cet homme aux mille vies a commencé sa carrière comme plombier-zingueur, avant d’ouvrir une entreprise de forage pour finalement se tourner vers sa passion, la musique. Dans les années 1930, alors âgé de cinquante-six ans, il se découvre un don de guérisseur. Intrigué par ses nouvelles aptitudes, il se documente sur le spiritisme et part à la rencontre des peintres médiums Victor Simon et Augustin Lesage. En 1938, alors qu’il note un morceau sur une partition, sa main se serait mise à dessiner automatiquement, guidée par les esprits. L’année suivante, des voix l’enjoignent encore à prendre les pinceaux : « Quand tu auras peint 300 tableaux, ce jour-là, la guerre finira. Après la guerre tu feras 45 tableaux merveilleux et le monde sera pacifié ». Dès lors, de jour comme de nuit, Crépin couche sur des papiers quadrillés des motifs qu’il prétend inspirés de l’au-delà.
Fleury Joseph Crépin, un peintre médium
En l’espace de neuf ans, Crépin aura réalisé 345 tableaux. Coïncidence ou prophétie, il achève sa 300e œuvre… le 7 mai 1945. Usant d’une technique aussi précise que mystérieuse, il peint des temples ou des palais multicolores, suivant une composition d’apparence strictement symétrique, évoquant volontiers les mandalas. En témoignent les deux toiles qui seront vendues aux enchères par Julien Debacker et Anne Richmond le 15 janvier à Boulogne-sur-Mer, non loin de Montigny-en-Gohelle, la ville natale du peintre. La première, Temple tombeau avec tête dite : l’homme aux grandes oreilles, n’est autre que la 100e œuvre que l’artiste réalise en 1940. La seconde, Composition 303, 21-5-1945, est quant à elle issue d’une série plus tardive dite des « tableaux merveilleux ».
Un artiste emblématique de l’Art brut
Autodidacte, Crépin s’attira les faveurs de Jean Dubuffet, séduit par ses compositions atypiques. A cette époque, Dubuffet part à la rencontre des pensionnaires d’hôpitaux psychiatriques, détenus ou solitaires, pour se constituer, dès 1945, une collection d’objets marginaux qu’il nomme « Art brut ». Ces œuvres constituent pour lui « l’opération artistique toute pure, brute, réinventée dans l’entier de toutes ses phases par son auteur, à partir seulement de ses propres impulsions ». En 1949, Dubuffet organise à la galerie René Drouin une exposition intitulée « L’Art brut préféré aux arts culturels ». Crépin sera l’un des artistes phares de cet évènement et son travail est dès lors régulièrement cité par les Surréalistes, fascinés par les créatures mystiques qui peuplent ses temples et palais.
Deux toiles provenant de la collection d’Henry Lhotellier
Aujourd’hui, Fleury Joseph Crépin compte parmi les figures de l’Art brut les plus plébiscités des collectionneurs. En 2020, une composition datée de 1943 établissait un record avec une adjudication portée à plus de 10 000 euros lors d’une vente organisée par la maison Ader à Paris. Estimées de 5 000 à 8 000 euros, les deux toiles présentées aux enchères le 15 janvier prochain devraient à leur tour réserver de belles surprises. Inédites sur le marché, elles affichent en outre une provenance prestigieuse. Elles ont en effet appartenu au peintre et maître verrier, originaire de Calais, Henry Lhotellier.