Le 27 septembre 2022 | Mis à jour le 27 septembre 2022

Dispersion de la bibliothèque de Max-Pol Fouchet, directeur de la revue Fontaine

par Diane Zorzi

Poète, romancier et essayiste, directeur de la revue Fontaine, Max-Pol Fouchet a côtoyé et soutenu les plus grands artistes du XXe siècle. Sa bibliothèque sera dispersée aux enchères par Pascal Blouet les 8 et 9 octobre à l’hôtel des ventes de Mayenne. Elle comprend notamment un rare manuscrit autographe du poème Liberté de Paul Eluard.

 

« On devient écrivain parce qu’on aime les livres. » Dès l’âge de 17 ans, Max-Pol Fouchet (1913-1980) s’enivre de l’odeur du papier et de l’encre qui embaume le petit atelier algérois où, lycéen, il confie l’impression de sa première revue, L’Os à moelle, créée avec la complicité d’un camarade de classe« Tout jeune, je désirais faire des livres, par passion pour eux ». Cette passion animera dès lors le quotidien de ce poète, romancier et essayiste engagé qui, rue de Bièvre à Paris, vécut entouré de ses premiers amours, tapissant de milliers de livres les murs de sa demeure. « Il y en avait dans toutes les pièces et, pour accéder aux étages par le minuscule escalier central, il fallait se glisser entre eux, se souvient Christian Limousin, Président de l’association des Amis de Max-Pol Fouchet. Ils vous faisaient une sortie de haie d’honneur. Ils étaient là, chez eux, et vous n’étiez, en quelque sorte, qu’un intrus, un passager transitoire. » Autant d’ouvrages qui, mis à l’encan suite à la vente de sa maison parisienne, témoignent de l’ampleur de ses goûts et intérêts. « L’écrivain mort, l’ensemble de ses livres parle encore » (Paul Valéry) – ils parlent d’un homme aux multiples talents, poète, romancier, essayiste, homme de radio et de télévision, d’un lecteur vorace, d’« un homme en proie aux livres, ajoute Christian Limousin, aux siens et à ceux des autres ». 

 

Fontaine, la « revue de la Résistance en pleine lumière »

Au sein de la bibliothèque, un manuscrit autographe du poème « Une seule Pensée » de Paul Eluard (10 000 – 15 000 euros) se souvient des heures de gloire de la revue Fontaine, fondée par Max-Pol Fouchet en 1939 à Alger. A la faveur d’une mission en zone occupée, Eluard confie à Fouchet la lecture de son poème qu’il s’apprête à publier aux éditions clandestines de La Main à la plume, en tête d’une plaquette intitulée Poésie et vérité 1942. En dépit des menaces de censure, Fouchet décide de publier le texte en zone libre, afin de lui offrir une plus large diffusion. De ce texte, que le censeur prit pour un banal poème d’amour, Eluard offrit à Fouchet le manuscrit original paraphé de sa signature croisant le « l » et le « E », tel le choc de deux fines lames, et donnant à voir le titre « Une seule Pensée » barré et remplacé par « Liberté ». Ce témoignage inédit rappelle la genèse de ces 21 quatrains qui, avant d’être baptisés « Liberté » et devenir l’emblème de la Résistance, chantaient l’amour d’un poète à son épouse – une polysémie qui permit à Max-Pol Fouchet d’obtenir sans encombre le visa officiel de la censure d’Alger. Durant l’Occupation, Fontaine, dont la vente dévoile la collection complète de 1939 à 1947, devint la « revue de la Résistance en pleine lumière », grâce à l’audace de Max-Pol Fouchet qui n’hésita pas à signer, au lendemain de la défaite, un éditorial combatif, baptisé « Nous ne sommes pas vaincus ». Depuis la capitale de l’Algérie, la revue rallia maints écrivains qui, tels Aragon, Eluard ou Vercors, fustigeaient la capitulation face à l’Allemagne.

 

Des dédicaces d’André Breton, Albert Camus ou Jean Giono

Aux côtés de cet envoi émouvant de Paul Eluard, la bibliothèque comporte maints livres dédicacés et correspondances témoignant des liens d’amitié que Max-Pol Fouchet noua avec les artistes de son époque. André Breton dédie à son « cher Max-Pol Fouchet tout de noblesse et de passion » un exemplaire de son Anthologie de l’humour noir, Henri Pichette adresse en guise de dédicace un poème bicolore en pleine page, tandis que Georges Bataille lui fait part de son affection en portant une dédicace à la réédition du Coupable. « Les preuves d’estime et de sympathie courent d’un volume à l’autre, note Christian Limousin, et ces dédicaces dessinent un portrait de leur destinataire », de même que les lettres échangées avec Julien Gracq, Jean Giono ou Montherlant. De l’entente intellectuelle qui unissait Max-Pol Fouchet et Albert Camus, depuis leur rencontre au lycée d’Alger, demeure enfin un manuscrit de 1932 ou 1933 (2 000 – 3 000 euros), par lequel Camus répondit à une critique formulée plus tôt par Fouchet suite à la parution de l’essai, désormais perdu, « Beriha ou le rêveur ». « Fouchet trouva que “Beriha” était davantage un logicien qu’un rêveur, raconte Christian Limousin. Ce reproche déplut à Camus qui répliqua en envoyant à Fouchet un texte argumenté en dix points : “1. Beriha n’est pas logicien puisqu’il est spontané. Ne dis pas qu’il est logicien spontanément. Ce serait une antinomie ou un paradoxe : également détestable.”»

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