
Jean Pougny, l’avant-garde russe anime les enchères à Vannes
Une toile d’Ivan Albertovich Puni, dit Jean Pougny, peintre emblématique de l’avant-garde russe, sera vendue aux enchères par la maison Ruellan le 25 février à Vannes. Cette nature morte cubiste a été peinte autour de 1917-1919, l’une des périodes les plus plébiscitées des amateurs de l’artiste franco-russe.
En mars 1915, une exposition dédiée à la peinture russe futuriste anime la ville de Pétrograd, l’actuelle Saint-Pétersbourg. Vladimir Tatline, Kasimir Malévitch, Alexandra Exter ou encore Ivan Albertovich Puni, dit Jean Pougny (1894-1956), se partagent l’affiche. L’événement baptisé « Tramway V » précède de quelques mois l’exposition « 0.10 » qui entérinera la naissance du suprématisme et du constructivisme autour des figures de Malévitch et Tatline, mais déjà, le groupe d’artistes se heurte à une critique des plus réfractaires. Jean Pougny, un artiste né en Russie mais issu d’une famille italienne, présente à cette occasion une Nature morte composée d’un marteau suspendu à un clou planté dans une feuille de papier – « un assemblage de matériaux hétéroclites, une barricade de ferraille et de détritus” décrit un journaliste, dénonçant une œuvre dénuée de sens à l’heure « où le sang des enfants russes coule à flot. » Le peintre a assimilé les codes du cubisme et du fauvisme découverts cinq ans plus tôt à la faveur d’un premier séjour parisien, et déconstruit à son tour les objets du quotidien, jouant des frontières entre l’illusion et la réalité. Une démarche audacieuse dans laquelle s’inscrit la toile baptisée La Taverne qui empruntera le chemin des enchères le 25 février à Vannes.

Ivan Albertovich Puni dit Jean Pougny (1894-1956). « Beer-House ou La Taverne » circa 1917-1919. Huile sur toile, signée en bas à droite, 70 x 50 cm. Estimation : 80 000 – 100 000 euros.
Une Nature morte cubiste
Notre toile peinte autour de 1917-1919 s’inscrit dans la série des assemblages cubo-futuristes que livre Jean Pougny alors qu’il rejoint la Russie durant la Première Guerre mondiale. Une table de restaurant y accueille pêle-mêle un poisson, un homard, des boissons, des journaux, des lettres volantes ou des cartes à jouer. Autant d’objets du quotidien que l’artiste dépeint sous différents angles et points de vue, offrant au regardeur le loisir d’en apprécier chaque facette. Ces détails triviaux ainsi sublimés acquièrent un nouveau statut dès lors que la main de l’artiste les appose sur la toile. Pougny déconstruit le monde pour mieux le réinventer. « Il manifeste avec La Taverne une forme d’idéal poétique », précise le commissaire-priseur Jack-Philippe Ruellan.
Une fantaisie poétique
Cette association d’objets hétéroclites en une même composition rappelle en outre les collages pratiqués à cette époque par maints artistes de l’avant-garde russe, à l’instar de Michel Larionov qui, en 1915, agrémente son portrait de Natalia Gontcharova de coupures de presse et autres fragments empruntés au réel. Pougny pratiquera d’ailleurs lui-même le collage, ainsi qu’en témoigne la toile Le Coiffeur de 1915 intégrant sur le support un texte imprimé. Le collage est pour Jean Pougny une « fantaisie poétique », ainsi que le souligne la journaliste et historienne de l’art Geneviève Nevejan dans un article paru en 1993 au sein de la revue Vingtième siècle. Une fantaisie qui définit l’état d’esprit de l’artiste qui, s’il adopte les codes cubo-futuristes, adhère au suprématisme et prend part au mouvement constructiviste russe, entend affirmer sa propre interprétation poétique du réel. « Il y a quelque chose de proprement révolutionnaire dans sa réinterprétation de l’héritage des avant-gardes européennes, conclut Jack-Philippe Ruellan. Ces avant-gardes du début du XXe siècle caractérisent la démarche d’artistes qui ont porté le plus loin possible la révolution de la ligne et de la couleur et Pougny est de ceux-là. Il a joué un rôle absolument déterminant dans la modernisation de la peinture européenne ».
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