Le 28 juillet 2021 | Mis à jour le 28 juillet 2021

La collection René Simeoni, l’âge d’or du mobilier français

par Magazine des enchères

Connue des spécialistes de mobilier ancien, la collection de René Simeoni était dispersée le 2 juillet dernier à Paris. Rassemblant des chefs-d’œuvre signés des plus grands ébénistes du XVIIIe siècle, cette vente exceptionnelle rendait hommage au goût et à l’œil du collectionneur récemment disparu. 

 

René Simeoni (1925-2020) a écumé pendant plus de trente ans les galeries et salles des ventes, rassemblant dans sa propriété des Yvelines un ensemble exceptionnel de meubles et objets d’art des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. « Visiter la maison de ce collectionneur avisé a été une expérience incroyable, une immersion inattendue dans l’âge d’or du mobilier français », confie le commissaire-priseur Hugues Taquet qui, sollicité pour un inventaire de succession, n’imaginait pas qu’il allait découvrir un tel trésor. « En admirant la richesse ornementale de ces meubles, l’incroyable texture des bronzes, l’inventivité des décors de marqueterie et la fluidité des courbes, j’ai eu la certitude qu’il s’agissait de pièces exceptionnelles. L’ébénisterie s’élevait ici au sommet de son art ». Cette collection exceptionnelle était dispersée aux enchères par Hugues Taquet le 2 juillet dernier à Paris, attirant les amateurs du monde entier.

 

Cabinet en bois teintés, amarante, épine-vinette, padouk et satiné sur fond d’ébène, les encadrements en marqueterie d’ébène et étain, ouvrant à dix tiroirs et un guichet à corne d’abondance de bronze doré découvrant sept tiroirs en marqueterie, à décor de rinceaux de feuillages et fleurs, surmonté d’une corniche à balustres et pots à feu ; le piétement à trois tiroirs et colonne à chapiteau et bases de bois doré ; (restaurations, notamment à l’entretoise du piétement). Attribué à André-Charles Boulle. Époque Louis XIV, vers 1670. H : 200 cm, L : 134 cm, P : 50 cm. Adjugé 404 480 euros (frais inclus).

 

La petite Joconde du mobilier français

Certains meubles de la collection avaient d’ores et déjà été dévoilés au public lors de l’exposition « XVIIIe, aux sources du design », organisée en 2014 au château de Versailles. Cet événement soulignait le caractère novateur du mobilier du XVIIIe siècle, précurseur à bien des égards des créations contemporaines. « Cet événement avait été déterminant dans la connaissance du mobilier de cette époque, détaille l’expert Pierre-François Dayot. Il fait encore référence aujourd’hui auprès de tous les spécialistes. Les meubles les plus importants du XVIIIe siècle étaient présentés, comme autant de témoins des prouesses techniques et de la créativité artistique à l’origine de l’incroyable rayonnement de l’ébénisterie parisienne. » Parmi les pièces exposées figurait une armoire à folios de Bernard II Van Riesenburgh, pièce maîtresse de la collection Simeoni qui s’est envolée à 1,264 million d’euros (frais inclus). « C’est comme une sorte de petite Joconde du mobilier français. Il pourrait sans doute figurer dans la liste des cent meubles les plus importants du XVIIIe siècle », détaille l’expert. Ce meuble était surnommé « armoire à folios » car il accueillait dans ses vantaux latéraux des ouvrages de grande taille. Il avait été créé spécialement pour Jean-Baptiste de Machault d’Arnouville, administrateur et homme politique sous le règne de Louis XV, qui l’arborait dans la bibliothèque de son hôtel particulier situé rue du Grand Chantier, actuelle rue des Archives dans le Marais.

 

Armoire à folios en marqueterie de bois de bout sur fond de bois de rose, de forme mouvementée, ouvrant à deux vantaux de chaque côté découvrant deux compartiments à étagères et un petit vantail au centre en façade découvrant sept tiroirs à décor d’une tige de feuillages et fleurs monumentale, la façade à trois compartiments en marqueterie de fleurs et écailles de poisson, le dessus de marbre brèche d’Alep (réparé) reposant sur des montants arrondis terminés par une plinthe, l’ornementation de bronzes dorés à encadrements feuillagés, tablier et bordure à frise de palmettes. Les bronzes marqués du c couronné (1745-1749). Probablement livrée par le marchand-mercier Thomas-Joachim Hébert (1687-1773). Estampille de Bernard Van Risen Burgh. Époque Louis XV. H : 99 cm, L : 168,5 cm, P : 48 cm. Adjugé 1,264 million d’euros (frais inclus).

 

Des meubles de qualité muséale

De qualité muséale, la collection a totalisé 3,16 millions d’euros d’adjudications (frais inclus). « La mobilisation des collectionneurs français et étrangers témoigne de l’enthousiasme du marché de l’art international pour les collections constituées avec autant de goût et de sincérité que celle de René Simeoni », notent de concert le commissaire-priseur et l’expert. Aux côtés de l’armoire à folios, deux tables « à la Pompadour » ont trouvé preneur pour 176 960 euros, tandis qu’un cabinet en marqueterie d’ébène, réalisé par André-Charles Boulle au cours des premières années de sa carrière, a été adjugé 404 480 euros. « Célèbre pour la marqueterie d’écaille et de laiton à laquelle il a laissé son nom, André-Charles Boulle débute cependant sa carrière avec une production « de bois de rapport » c’est-à-dire en marqueterie de bois. Très peu de meubles de Boulle de cette époque (vers 1670) sont identifiables », précise Pierre-François Dayot.

La fascination du XVIIIe siècle pour l’Extrême Orient était quant à elle représentée par une commode en laque de Coromandel d’époque Louis XV, adjugée 410 800 euros. « Au XVIIIe siècle, des panneaux de laques étaient extraits d’objets chinois ou japonais, comme des coffres ou des paravents, pour être ensuite replacés sur le bâti des meubles. Un travail d’une grande technicité, surtout des pièces aussi mouvementées comme notre commode. L’irruption de cette nouvelle esthétique parfaitement exotique dans le mobilier français est alors totalement inattendue pour un homme né au début du XVIIIe siècle. » Avec ses teintes vertes, rouges et blanches, la commode de la collection Simeoni se distinguait par sa riche polychromie, les laques chinoises et japonaises étant souvent circonscrites aux fonds noirs et or. « Avec cette vente, les collectionneurs pouvaient acquérir des pièces connues de tous et qu’ils n’auraient jamais imaginé pouvoir un jour convoiter », conclut Hugues Taquet.

 

Commode en laque de Coromandel dans des encadrements de bois noirci, de forme mouvementée en façade et sur les côtés, ouvrant à deux tiroirs, à décor de scènes de palais et ustensiles en laque polychrome sur fond noir, le dessus de marbre brèche d’Alep reposant sur des montants galbés terminés par des pieds cambrés. Estampille de Pierre Roussel et JME, ébéniste reçu maître en 1745. Époque Louis XV, vers 1750-1755. H : 86,5 cm, L : 145,5 cm, P : 66 cm. Adjugé 410 800 euros (frais inclus).

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