Le 10 mars 2021 | Mis à jour le 10 mars 2021

Vente d’objets précieux : la taxe forfaitaire devient applicable hors de l’UE

par Cyrielle Gauvin, Avocat au Barreau de Paris

Par une décision du 27 novembre 2020, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution l’application de la taxe forfaitaire aux seules ventes d’objets précieux réalisées en France et sur le territoire de l’Union européenne, à l’exclusion de celles réalisées dans un pays tiers. Décryptage de Cyrielle Gauvin, avocate au cabinet Loyseau de Grandmaison. 

 

La taxe forfaitaire sur les objets précieux (régime codifié aux articles 150 VI à 150 VM du Code général des impôts), au cœur de cette décision, constitue une modalité dérogatoire d’imposition des plus-values sur les biens meubles. Le législateur a en effet estimé nécessaire d’instaurer pour les cessions d’objets précieux une imposition spécifique forfaitaire (11% pour les métaux précieux et 6% pour les bijoux, objets d’art, de collection et d’antiquité) assise sur le prix de cession de l’objet, et non sur la plus-value réalisée. Elle offre ainsi aux contribuables fiscalement domiciliés en France une modalité d’imposition plus adaptée aux objets précieux, en ce qu’ils n’ont pas à apporter la preuve de la date et de la valeur initiale d’acquisition de l’objet (permettant de déterminer le montant de la plus-value imposable dans le cadre du régime général d’imposition), parfois délicate à établir compte tenu de la nature même de ces objets.

Sous réserve des dispositions propres aux professionnels et d’exonérations spécifiques prévues à l’article du 150 VJ du code précité, les cessions à titre onéreux d’objets précieux sont assujetties de plein droit à la taxe forfaitaire de 11% ou 6%. Toutefois, les contribuables peuvent décider d’opter pour le régime de droit commun d’imposition des plus-values (sous réserve de remplir certaines conditions). Précisons que seules sont assujetties à la taxe forfaitaire les cessions réalisées en France ou dans un autre Etat membre de l’UE. Or, une cession est considérée comme réalisée dans l’Etat dans lequel l’objet se situe physiquement au jour de ladite cession. Autrement dit, lorsqu’un collectionneur fiscalement domicilié en France cède une œuvre d’art physiquement située, au jour de sa cession, sur le territoire de l’UE, il est assujetti de plein droit à la taxe forfaitaire, avec la possibilité d’opter pour le régime général d’imposition des plus-values. En revanche, lorsque ce même collectionneur cède une œuvre localisée, au jour de sa cession, sur le territoire d’un État tiers à l’UE, il est imposé de plein droit à l’impôt sur le revenu selon le régime des plus-values, sans pouvoir opter pour une imposition à la taxe forfaitaire. Il en résulte une différence de traitement entre contribuables, selon la localisation physique du bien cédé, seuls ceux ayant cédé leur bien en France ou dans un État membre de l’UE pouvant prétendre à la taxation forfaitaire. 

C’est cette différence qui a été dénoncée par un requérant, résident fiscal français, imposé sur la plus-value de la cession de plusieurs tableaux situés en Suisse, dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité portée devant le Conseil constitutionnel par le Conseil d’ÉtatAprès avoir effectivement relevé l’existence d’une différence de traitement, le Conseil constitutionnel a rappelé que la taxe forfaitaire a « pour objet d’offrir aux contribuables en cause une modalité d’imposition du revenu plus simple et plus adaptée à la nature du bien cédé que celles du régime général d’imposition des plus-values », la justification de cette taxe tenant à la difficulté de la preuve du montant de la plus-value à taxer.

Il a constaté que cette difficulté était la même que le contribuable vende son bien en France ou qu’il le vende à l’étranger. Il n’y avait ainsi aucune différence de situation entre les contribuables de nature à justifier une différence de traitement, qui n’était par ailleurs pas non plus justifiée par l’existence d’un motif d’intérêt général. Le Conseil en a conclu que cette différence de traitement contrevenait au principe d’égalité des contribuables devant la loi et a déclaré, le 27 novembre 2020, contraires à la Constitution les dispositions fiscales instaurant cette différence.  Ainsi, depuis le 28 novembre 2020 (date de publication de cette décision), le régime d’imposition applicable aux cessions d’objets précieux à titre onéreux est le même, qu’elles soient réalisées dans le territoire de l’UE ou dans un pays tiers. Les collectionneurs qui cèderont leurs objets précieux situés hors de l’UE pourront dès lors bénéficier des avantages importants du régime de la taxe forfaitaire ou a minima du droit d’opter pour le régime qu’ils préféreront.

 

 

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