
Philippe de Bouvet : « Aux enchères, c’est toute une partie de l’économie française qui défile sous nos yeux. »
Du matériel professionnel aux biens d’équipement, en passant par les véhicules et les œuvres d’art, Philippe de Bouvet embrasse pleinement la diversité offerte par le métier de commissaire-priseur. Il nous partage son goût des rencontres avec les vendeurs et acheteurs, qui le plongent quotidiennement dans la richesse des activités économiques françaises.
Après un démarrage professionnel dans la sphère commerciale, Philippe de Bouvet a finalement embrassé en 2021 la profession de commissaire-priseur, suivant les pas de son père. La maison de vente dans laquelle il officie est partagée entre une activité judiciaire, en Essonnes, et une activité volontaire assurée par Florent Marles en plein cœur du 16e arrondissement parisien. Des ventes de bateaux organisées sur la Côte d’Azur, en passant par celles de véhicules, de stocks et de matériel, aux plus récentes ventes de biens incorporels, l’activité de la maison de vente Bouvet & Associés témoigne de la variété exceptionnelle des biens proposés chaque jour aux enchères. Rencontre.
Comme nombre de vos confrères, vous embrassez pleinement la diversité qu’offre le métier de commissaire-priseur généraliste, en proposant à la vente des biens très variés, des œuvres d’art au matériel professionnel, en passant par les véhicules, les biens d’équipement et les incorporels…
Philippe de Bouvet : J’aime l’idée selon laquelle nous n’exerçons pas sur un marché « mono-produit ». En tant que commissaires-priseurs, nous avons une compétence reconnue pour les biens meubles et leur diversité est impressionnante. Nous pouvons être amenés un jour à vendre des équipements provenant de laboratoires médicaux, le lendemain à présenter du petit outillage provenant d’une PME d’artisanat, et la semaine suivante du matériel industriel ou encore des voitures de luxe saisies par l’AGRASC. Nous proposons une à trois ventes par semaine et la diversité des dossiers traités nous plonge dans des domaines économiques pluriels. Lorsque nous sommes amenés à intervenir dans le cadre de procédures de liquidations, afin d’inventorier les biens d’une entreprise, c’est toute une partie de l’économie française qui défile sous nos yeux…
Une offre diversifiée qui répond également à la demande d’une audience accrue et plus hétérogène, avec l’arrivée de nombreux particuliers dans les ventes dites de « matériel professionnel »…
P. de B. : En effet, pendant longtemps la clientèle de ces ventes de « matériel professionnel » était essentiellement composée d’enchérisseurs avertis, des professionnels qui consultaient les annonces légales. Grâce à l’activité incontournable des plateformes comme Interencheres, nous bénéficions désormais d’une vitrine numérique précieuse qui a permis, ces dernières années, d’attirer de nombreux acheteurs particuliers, partout en France, ainsi qu’une clientèle rajeunie, en quête de bonnes affaires. Car ces ventes, retransmises en live, ne proposent plus uniquement « du matériel professionnel » en lots volumineux, mais aussi de nombreux biens d’équipement, de l’électroménager à la téléphonie, accessibles aux particuliers.
Ces ventes, désormais retransmises en ligne, drainent-elles également une clientèle internationale ?
P. de B. : Oui, et les clients français et internationaux se complètent car ils visent des biens différents. Par exemple, à l’export, les pays de l’Est et du Maghreb se portent acquéreurs, au sein de nos ventes, de véhicules relativement récents mais très kilométrés. Et, lorsque l’on présente des équipements professionnels d’exception, tels que du matériel de laboratoire récent, force est de constater un intérêt parfois mondial, de professionnels de secteurs très spécifiques. Cette diversité est permise par cette vitrine que nous offre internet mais également par notre stratégie commerciale. Nous prenons le soin, et le temps, de cibler la clientèle intéressée, d’envoyer des mails, et d’appeler les potentiels acquéreurs avant la vente, notamment pour des secteurs d’activités professionnelles qui ne seraient pas des habitués des salles des ventes.
Quels conseils donneriez-vous à des néophytes qui souhaiteraient participer à une vente aux enchères de matériel professionnel et de biens d’équipement ?
P. de B. : L’acheteur doit rester souple dans ses exigences et patient. J’entends par là qu’il ne faut pas forcément s’arrêter sur un seul modèle, lorsque l’on souhaite acheter des outils, ou de l’électroménager par exemple. J’invite également à ne pas se fixer un délai trop proche. Il ne faut pas hésiter à prendre son temps, pour cibler un bien proche de chez soi et, ainsi, minimiser les frais de transports. Car, c’est cela que proposent les ventes aux enchères. Lorsque l’on cherche à équiper un atelier, ou simplement à se procurer du matériel et des outils pour chez soi, il est beaucoup plus avantageux de remporter plusieurs enchères au sein d’une même vacation, pour grouper les déplacements, plutôt que d’en effectuer plusieurs successivement, et à des endroits éloignés, sur des sites de ventes entre particuliers, par exemple. Pour les prix, il faut garder la tête froide afin de réaliser de bonnes affaires. Celles-ci sont possibles, et très fréquentes, quand on prend le soin de se fixer une limite en étudiant, en amont de la vente, le montant maximal d’enchère, frais inclus, et en s’y cantonnant lors de la vente. Une vacation peut comporter jusqu’à 600 lots et le rythme est très rapide, il faut donc savoir se montrer réactifs, ce qui est possible lorsque l’on a préalablement en tête les prix que l’on s’est fixés pour chaque bien attirant notre convoitise.
Le commissaire-priseur vend originellement des biens meubles, mais depuis plusieurs années les biens incorporels s’invitent en salles des ventes, avec des résultats particulièrement prometteurs. Comment avez-vous abordé cette spécialité ?
P. de B. : Je me suis formé tout spécialement pour répondre aux exigences propres à ce type de biens. Le champ des possibles est immense : par biens incorporels, on entend les marques, les brevets, les dessins et modèles, les noms de domaine, les bitcoins… Nous devons mener un grand travail de pédagogie pour promouvoir ces ventes, et avons dû également adapter nos conditions générales de ventes afin qu’elles correspondent à ces biens spécifiques. Un bien incorporel n’est pas un produit fini et tangible. Il faut donc aider les intéressés à se projeter dans les opportunités futures offertes par ce type de biens. Ces biens ne sont intéressants que lorsqu’ils présentent un potentiel industriel à développer. Il s’agit d’un domaine où il est primordial d’échanger avec l’inventeur pour le comprendre, et saisir l’écosystème dans lequel évolue le bien proposé. Avocats, ingénieurs, consultants spécialisés en propriété industrielle nous accompagnent dans ces vacations.
La diversité des biens proposés aux enchères est impressionnante. Existe-t-il néanmoins une constante dans la manière de valoriser ces biens avant leur vente ?
P. de B. : Absolument, c’est là-même le cœur du métier. Quel que soit le bien, qu’il s’agisse d’une commode, d’un objet d’art, d’un véhicule, d’un matériel ou d’un bien incorporel, l’on se pose les mêmes questions, à savoir : quelles sont les qualités et caractéristiques intrinsèques du bien et quel type de clientèle intéresse-t-il ? Notre travail de ciblage des futurs enchérisseurs et adjudicataires sera similaire. La qualité majeure d’un commissaire-priseur réside dans le fait de pouvoir trouver de l’intérêt en toute chose, cultiver ses capacités d’apprentissage, en lien avec les gens et secteurs d’activités que nous rencontrons, et chercher l’information, qu’elle se trouve dans les livres, les bases de données, ou auprès d’autres professionnels. La compréhension des biens et produits que nous vendons est primordiale. Il faut rester ouvert à toutes les opportunités de demain.
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