Le 3 février 2023 | Mis à jour le 3 février 2023

De rares alguiers du XIXe siècle aux enchères à Brest

par Diane Zorzi

La phycologie sera à l’honneur lors de la vente aux enchères organisée par Yves Cosquéric, en collaboration avec Tiphaine Le Grignou, le 7 février à Brest. Trois ouvrages dédiés à l’étude des algues, dont un rare exemplaire de l’alguier des frères Crouan, seront dévoilés, aux côtés d’un important ensemble de livres et manuscrits portant sur l’Histoire de la Bretagne.

 

De la Renaissance au début du XXe siècle, les hommes de science se sont attelés à un travail d’inventaire minutieux de nature à approfondir nos connaissances du monde animal et végétal. Maints herbiers ont fleuri au fil des siècles, illustrant la diversité de la flore à travers le monde. C’est ainsi qu’autour de 1850 deux pharmaciens brestois, les frères Pierre-Louis et Hippolyte-Marie Crouan, se donnaient pour mission de répertorier l’ensemble des espèces d’algues présentes sur les côtes du Finistère. De cette entreprise rigoureuse naissait un alguier, dont la vente aux enchères de livres, manuscrits et photographies, organisée le 7 février par Yves Cosquéric et Tiphaine Le Grignou, révèle un rare exemplaire en trois volumes doté de 404 échantillons d’algues séchées. « Cet ouvrage, d’un grand intérêt patrimonial, a été publié à seulement cinquante exemplaires, précise l’experte Caroline Velk. La plupart se trouvent actuellement dispersés à travers le monde, seuls quelques-uns sont conservés en France, dont un exemplaire au Muséum national d’histoire naturelle de Paris ».

 

L’alguier des frères Crouan

Publié en 1852, l’ouvrage des frères Crouan est le fruit d’une quinzaine d’années de récolte méthodique. Pour doter chaque exemplaire de 404 algues, les deux pharmaciens durent en effet s’armer de patience et réunir plus de 20 000 échantillons. « Chaque algue était ensuite séchée directement sur la planche définitive, avant d’être accompagnée d’une étiquette légendée avec son nom latin, sa provenance ou sa zone de croissance et, parfois, son caractère de rareté », poursuit l’experte en livres. L’exercice laborieux livre aujourd’hui une illustration passionnante de la flore maritime bretonne au XIXe siècle. Dans une interview filmée, publiée en 2011, l’enseignant-chercheur en Biologie végétale à l’Université de Bourgogne, Claude Humbert, soulignait ainsi la possibilité qu’offre l’ouvrage d’analyser l’évolution depuis le XIXe siècle de la diversité des algues sur le territoire breton. L’alguier des frères Crouan livre en effet un aperçu des plus complets de la flore bretonne puisque, selon l’enseignant, seules deux espèces d’algues manquent à l’appel.  « Parmi les 404 échantillons, certaines algues n’existent probablement plus aujourd’hui, et peuvent grâce à cet ouvrage être étudiées de nouveau », précise Caroline Velk. Les algues séchées peuvent d’ailleurs aisément être réhydratées par le scientifique qui souhaiterait mener des analyses approfondies portant notamment sur l’ADN.

 

[PHYCOLOGIE – ALGUIER DES FRÈRES CROUAN] – CROUAN (Pierre-Louis et Hippolyte-Marie) – Algues marines du Finistère, recueillies et publiées par Crouan frères, pharmaciens à Brest – Brest ; Chez Crouan Frères, Pharmaciens, 1852 – 3 volumes In-8° au complet. Estimation : 1 200 – 1 700 euros.

 

De la phycologie à l’Histoire de la Bretagne

A l’Hôtel des ventes de Brest, l’alguier des frères Crouan sera particulièrement bien accompagné. La vacation compte en effet deux autres alguiers, le premier répertoriant des espèces normandes récoltées en 1831, le second, plus tardif, comprenant des échantillons recueillis entre 1946 et 1968 en grande majorité sur les côtes finistériennes. « C’est la première fois que je vois une vente avec un tel regroupement de livres portant sur les algues », s’enthousiasme Caroline Velk, avant de préciser qu’au catalogue figurent également d’autres ouvrages dédiés à la phycologie, à l’instar d’un exemplaire des Analyses d’algues marines de Gustave Thuret édité en 1878.

L’Histoire de la Bretagne sera également à l’honneur, à travers une sélection de manuscrits des XVIIe et XVIIIe siècles, à l’instar d’un ouvrage établi par deux notaires royaux à Quimper répertoriant notamment les droits généraux, les titres de propriété et les us et coutumes du pays Bigouden, ou encore d’un recueil de Gilles de Languedoc (1640-1731), un recopiage manuscrit relatant les événements marquants de la ville de Rennes. Ce greffier travailla en effet au classement des archives qui, suite à un réaménagement de l’hôtel de ville, furent jetées négligemment dans de grands sacs pour être entreposées, le temps des travaux, au couvent des pères minimes. « Il est parvenu à tout reconstituer et ainsi à retracer l’histoire de la ville de 1400 à 1724 ». De la Bretagne, l’on découvrira enfin le jugement peu flatteur exprimé à l’égard de ses habitants par Louis Béchameil de Nointel (1630-1703), l’Intendant de Bretagne de 1692 à 1703 qui, parce que gourmet, donna son nom à la sauce béchamel…

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