Le 20 février 2020 | Mis à jour le 5 mars 2020

Des œuvres inédites du sculpteur Charles Despiau aux enchères à Versailles

par Diane Zorzi

Le 22 février à Versailles, des sculptures et dessins inédits de Charles Despiau seront dispersés aux enchères. Retraçant l’ensemble de son parcours, elles révèlent l’une des œuvres sculptées les plus importantes du XXe siècle.

 

Coup de projecteur sur l’un des plus grands sculpteurs de l’entre-deux-guerres

Ses sculptures ont inspiré nombre d’artistes, de Paul Belmondo à Gunnar Nilsson, et figurent aujourd’hui à l’inventaire des musées les plus prestigieux du monde, du Centre Pompidou à Paris au Museum of Modern Art de New York : Charles Despiau (1874-1946) est sans nul doute l’un des plus grands sculpteurs de l’entre-deux-guerres. Pourtant, son œuvre reste aujourd’hui méconnue, longtemps restée confidentielle et absente des ouvrages d’histoire de l’art de référence. A cet oubli, une raison, celle d’un parcours brillant entaché d’une condamnation au lendemain des heures les plus sombres de notre histoire. En 1946, quelques mois avant sa mort, l’artiste est interdit de vente et d’exposition durant deux ans, accusé de collaboration pour avoir effectué en 1941 un « voyage d’étude » en Allemagne avec ses amis André Derain et Maurice de Vlaminck, à l’invitation du sculpteur favori d’Hitler, Arno Breker, dont il signe l’introduction au catalogue de ses œuvres. « Des circonstances atténuantes lui avaient toutefois été accordées car ce voyage était pour lui l’occasion de promouvoir l’art français. Sa biographe Elisabeth Lebon soulignait d’ailleurs dans sa thèse, présentée en 1995, qu’il était un sculpteur qui ne s’occupait pas de politique », note Thierry de Crisnay qui dispersera le 22 février à Versailles et en live sur interencheres.com près de 300 lots de sculptures et dessins de l’artiste. Inédites sur le marché, ces œuvres étaient jusqu’alors précieusement conservées par des membres de la famille de l’épouse de l’artiste, Marie Despiau. Elles retracent l’ensemble de son parcours, révélant l’une des œuvres sculptées les plus importantes du XXe siècle.

Voir la vente | Des sculptures et dessins inédits de Charles Despiau

 

Charles Despiau (1874-1946), Buste de Mademoiselle Marie Rudel en costume moderne. 1900. Buste à l’Italienne. Plâtre d’origine patiné. 44 x 40 x 21 cm. Estimation : 5 000 – 6 000 euros.

 

De Mont-de-Marsan à Meudon : un artiste remarqué par Auguste Rodin

Originaire de Mont-de-Marsan, dans les Landes, Charles Despiau rejoint en 1891 la capitale, remarqué par son professeur de dessin qui lui obtient une bourse d’étude. Alors qu’il étudie la peinture aux Beaux-Arts de Paris, il rencontre Marc Worms qui deviendra son plus fidèle compagnon jusqu’à sa mort en 1946. Témoin de cette amitié indéfectible, un portrait en bronze (estimé entre 8 000 et 10 000 euros) fondu autour de 1936-1937 à partir d’un plâtre créé en 1901. « Ce buste de Marc Worms reste l’un des seuls témoignages de l’activité de Despiau durant cette première année de vie artistique émancipée de l’école qu’il a quitté un peu plus tôt, détaille le commissaire-priseur Thierry de Crisnay. Les années 1900-1901 sont financièrement très difficile pour le jeune couple qu’il forme alors avec Marie Rudel. En effet, en quittant les Beaux-Arts, il perd sa bourse départementale et doit trouver d’autres moyens de subsistance. Nous pouvons aisément supposer qu’il consacra alors l’essentiel de son temps disponible et de ses moyens à la réalisation du buste de son ami. »

 

Charles Despiau (1874-1946), Buste de Monsieur Marc Worms. Épreuve en bronze à patine noire. Fonte à la cire perdue Claude Valsuani. Signée sur l’épaule senestre « C. Despiau ». Porte le cachet du fondeur à l’arrière vers la droite « C. VALSUANI CIRE PERDUE ». Le plâtre original à patine verdâtre a été réalisé en 1901 mais les premiers bronzes ont été réalisés peu avant la dernière guerre mondiale vers 19361937. 32 x 21 x 27 (Sans le socle en bois teinté). Estimation : 8 000 – 10 000 euros.

 

Actif au Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts, Despiau expose en 1907 un buste en plâtre titré Paulette, dont une épreuve en bronze est fondue par Meroni Rafice (estimée entre 15 000 et 20 000 euros). « Originaire de Mont-de-Marsan, Paulette pose pour le sculpteur alors qu’elle n’a que onze ans. Les cheveux mouillés plaquées sur le crâne après une baignade, elle fit irruption dans le bureau de son père un jour où Despiau s’y trouvait. Ce dernier est alors tombé en pâmoison devant ce jeune visage. Lors de l’exposition, la finesse des traits et la grande beauté du modèle attirent le regard d’un homme, qui n’est autre qu’Auguste Rodin. » L’exposition marque un tournant dans la carrière de Despiau. « C’est à partir de cet instant qu’il a gagné ses galons pour entrer comme praticien dans l’atelier du Maître de la colline de Meudon qui va lui confier le projet d’une sculpture pour le monument à Puvis de Chavanne, le Génie. »

 

Charles Despiau (1874-1946), Paulette, 1907 ou 1911. Épreuve en bronze à patine brun clair. Fonte par Meroni Radice qui n’a produit des fontes que jusqu’en 1926. Porte le cachet du fondeur à l’arrière en bas à gauche « MERONI RADICE CIRE PERDUE PARIS ». Non signé. 33 x 22 x 28 cm. Estimation : 15 000 – 20 000 euros.

 

De Paris à New York : une œuvre reconnue mondialement

D’abord imprégnées de la pâte expressionniste de Rodin, les sculptures de Charles Despiau se rapprochent au fil des années du style néo-classique d’Aristide Maillol, avant de s’en affranchir dans les années 1920. « Avec son Nu assis dit Printemps fondu entre 1923 et 1925, dont une version agrandie de 1925 (estimée entre 80 000 et 100 000 euros) figure parmi les lots phares de la vente, on voit à quel point son art devient personnel et s’oppose autant qu’il s’en rapproche de celui de Maillol, artiste prodigue du nu assis, dans lesquels la massivité du corps est compensée par une légèreté qui passe souvent par des mouvements gracieux, une lumière qui enrobe les corps lisses, une note purement sensuelle. De même, Despiau ne porte pas non plus son exigence rigoureuse de simplification des volumes jusqu’aux déformations d’un Laurens ou d’un Csaky, artistes qui travaillent à la même époque sur les figures de nu assis. Chez Despiau, la transposition des formes vers ce qu’il pense être leur plus large plan d’épanouissement s’arrête à un respect plus scrupuleux de la nature directement observée. Un dessin d’étude, conservé au Musée national d’art moderne, rend d’ailleurs compte de cette observation au plus près du modèle, et de la distance introduite par la transposition plastique. »

 

Charles Despiau (1874-1946), Le Nu assis, dit Printemps. 1923-1925. Épreuve en bronze à patine brun nuancée. Version agrandie sans aucunes retouches de l’artiste, vers 1925. Signée C. Despiau à droite sur le gradin. Numérotée 3/3 à l’arrière au-dessus du gradin à droite. Fonte à la cire perdue Claude Valsuani. Porte le cachet du fondeur à l’arrière vers la droite « C. VALSUANI CIRE PERDUE ». 70 x 30 x 37 cm. Estimation : 80 000 – 100 000 euros.

 

Durant l’entre-deux-guerres, l’artiste jouit d’une notoriété croissante. « Son ami Marc Worms, qui abandonna finalement sa carrière de peintre pour devenir associé d’une entreprise de mouchoirs, cravates et foulards, fonde dans l’entre-deux-guerres une sorte de club regroupant dix amateurs qui achetaient conjointement des œuvres d’art. Il présenta ainsi à son ami de nombreux collectionneurs, lui permettant de diffuser plus largement son œuvre. » En 1927, une exposition lui est même dédiée au sein de la galerie new-yorkaise de Joseph Brummer, prélude de son succès outre-Atlantique. De nombreux bustes lui sont dès lors commandés par des personnalités influentes, telles que la Princesse Achille Murat, de riches banquiers et entrepreneurs et la femme de l’aviateur américain Charles Lindbergh, dont une épreuve en bronze est fondue par Claude Valsuani  en 1939 (estimée entre 15 000 et 20 000 euros) – une œuvre, réalisée au faîte de sa gloire, et que Charles Despiau confia être la plus émouvante de toute sa carrière.

Enchérir | Suivre la vente du 22 février en direct sur interencheres.com

 

Charles Despiau (1874-1946), Buste de Madame Anne Morrow-Lindbergh. Création en 1939. Épreuve en bronze à patine noire. Fonte à la cire perdue Claude Vasluani. Signée C. DESPIAU à la base de la nuque à droite. Numérotée 3/5 au milieu de la nuque au centre. Porte le cachet du fondeur à la base de la nuque à gauche « C. VALSUANI CIRE PERDUE ». 39 x 21 x 24 cm (Sans le socle). Socle de bois : 15.5 x 21 x 19 cm. Estimation : 15 000 – 20 000 euros.

 

 

Découvrez nos coups de cœur de la vente Charles Despiau

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