
Deux sculptures inédites de Rodin ressurgissent aux enchères à Tours
Un buste de jeunesse et un bronze réalisés par Auguste Rodin seront dévoilés pour la première fois aux enchères le 26 novembre à l’Hôtel des ventes Giraudeau. Ces sculptures inédites furent acquises directement auprès de l’artiste et ont été découvertes au hasard d’un inventaire à Tours.
[Mise à jour du 27 novembre. Le bronze Jeune mère à la grotte a été adjugé 291 400 euros, un record pour ce modèle. Il partira aux Etats-Unis, tandis que le buste de jeune fille, adjugé 90 520 euros, rejoindra une grange galerie parisienne.]
Dans un appartement de Tours, le commissaire-priseur Bertrand Jabot a découvert lors d’un inventaire deux sculptures inédites d’Auguste Rodin (1840-1917). Authentifiées par les experts du cabinet Lacroix-Jeannest, les deux œuvres – un buste de jeunesse et un bronze réalisé par Rodin plus tard dans sa carrière – ont été acquises directement auprès de l’artiste. Conservées jusqu’alors dans la même famille, jamais exposées, ces deux sculptures seront dévoilées aux enchères le 26 novembre à l’Hôtel des ventes Giraudeau à Tours.
Un buste de jeunesse de Rodin
Dans les années 1870, le jeune Auguste Rodin loue une chambre à Paris au chimiste verrier Charles Feil. Le sculpteur profite alors de son four pour cuire ses premiers travaux. Pour remercier l’artisan, il lui offre un buste en terre cuite : notre œuvre de jeunesse. Les années défilent, Rodin prend son envol. Dans une lettre du 27 octobre 1900 adressée au sculpteur – aujourd’hui conservée dans les archives du musée Rodin – Charles Paisseau, le beau-fils de Charles Feil, lui demande s’il peut, a posteriori, venir signer le buste : « Je vous demande de bien vouloir nous signer cette tête, car nous sommes, les miens et moi des admirateurs passionnés de vos œuvres », explique ce dernier. C’est ainsi que l’on découvre au revers de notre Portrait de jeune femme, la signature rapportée de la main de Rodin.

Auguste Rodin (1840-1917), Jeune fille aux fleurs, vers 1877. Buste en terre cuite signé « A Rodin » au revers. H. 50,5 cm. Estimé entre 15 000 et 20 000 euros.
Mais la véritable signature réside dans le traitement même du buste, dont la souplesse et la vivacité sont déjà caractéristiques du travail du sculpteur. Si le buste répond à l’esthétisme en vogue à la fin du XIXe siècle en reprenant les attributs du goût bourgeois de la IIIe République (la posture, la coiffure, la couronne de fleurs), on y décèle aussi des éléments de sculpture très vivants : le décalage de la tête, la moue de la bouche, le drapé irrégulier… À première vue académique, en réalité ce buste dévoile déjà quelques éléments caractéristiques du style de Rodin.
Comme plusieurs sculptures de jeunesse de Rodin, cette terre cuite peut être rapprochée des œuvres de Jean-Baptiste Carpeaux, sculpteur emblématique du Second Empire, mais surtout d’Albert-Ernest Carrier-Belleuse que Rodin rencontre en 1864 et avec qui il collaborera longtemps. L’influence de Carrier-Belleuse sur Rodin est visible tant dans la technique du sculpteur que dans son style, qu’Henry Nocq, sculpteur et graveur contemporain de Rodin, décrit comme « l’empreinte (qui) a persisté malgré tout. ».
Un bronze célébrant la Maternité
Les premiers échanges avec la famille Paisseau-Feil se poursuivent. En effet, le petit-fils du verrier, Jean Paisseau, est lui aussi un admirateur de Rodin. Année après année, il suit le parcours de l’artiste en plein épanouissement. En 1916, il décide d’acheter à Rodin une seconde œuvre : son choix se porte sur un modèle en bronze créé vers 1885. Il est tout à fait différent du buste en terre cuite. Il faut dire que dans les années 1890, Auguste Rodin a désormais trouvé son style. C’est aussi l’époque où le sculpteur vit une relation passionnée avec Camille Claudel. D’abord son élève, elle devient sa collaboratrice, puis son amante et sa muse. Tous deux partagent un désir d’enfant, qu’ils révèlent dans leurs créations. Rodin réalise une série de femmes à l’enfant, de frères et sœurs, de naissances et Camille Claudel aborde des thèmes similaires dans ses sculptures.

Auguste Rodin (1840-1917), Jeune Mère à la grotte. Modèle créé vers 1885, probablement une fonte de GRIFFOUL et LORGE ou de François RUDIER entre 1887 et 1901. Haut-relief en bronze à patine noire, fonte au sable, signé « Rodin » à droite du bras gauche de l’enfant. H. 37,5 cm. Présenté sur un socle en marbre vert. Estimé entre 80 0000 et 100 000 euros.
De son côté, Auguste Rodin explore particulièrement la représentation de la femme et de l’enfant à travers des maternités et des représentations mythologiques. À partir d’un même duo -mère et enfant- il réalise plusieurs groupes avec des attitudes et des reliefs différents. Jeune Mère, Caresse maternelle, Femme et Enfant dans une grotte, Coquille femme et enfant, Femme et l’Amour : plusieurs titres ont été donnés à cette œuvre aujourd’hui proposée aux enchères, mais celui retenu par l’artiste pour ce haut-relief à la patine brune nuancée est Jeune mère à la grotte. « Ce qui est très beau, c’est le côté enveloppant, comme un coquillage autour, détaille l’expert Alexandre Lacroix. L’enfant touche la paroi de la grotte qu’il assimile à un voile. »
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Crédit vidéo © Artcento
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