
La cote de Demetre Chiparus, le maître de la sculpture chryséléphantine Art déco
Sculpteur d’origine roumaine, actif dans l’entre-deux-guerres, Demetre Chiparus s’est spécialisé dans les sculptures chryséléphantines Art déco représentant d’élégantes femmes longilignes. Sa cote ne cesse de progresser ces dernières années. Un succès qui a malheureusement inspiré les faussaires. L’experte Amélie Marcilhac rappelle les critères pour distinguer les faux et estimer la valeur d’une Å“uvre de Chiparus.
Des silhouettes de danseuses élancées, immobilisées sur un mouvement, avec un visage sculpté en ivoire et un corps doré : c’est le style de Demetre Chiparus (1886-1947) – également nommé Demeter Chiparus. Ce sculpteur d’origine roumaine quitte son pays à l’âge de 23 ans pour suivre l’enseignement de Raffaelo Romanelli à Florence durant trois ans, avant d’arriver à Paris en 1912. Il entre alors aux Beaux-Arts, et travaille sous la direction d’Antonin Mercié et Jean Boucher. Deux ans plus tard, en 1914, il expose ses première créations, des groupes de petites figures, dans un style très réaliste.
Dans les années suivant la Première Guerre mondiale, il adopte le style Art déco, et une composition particulière de matériaux : les chryséléphantines, chrysos pour l’or, éléphantine pour l’ivoire. Les femmes, souvent danseuses exotiques, deviennent ses principaux sujets d’inspiration. « Outre les ballets russes et leurs costumes qui ont été sa première source d’inspiration, Chiparus s’est aussi beaucoup intéressé à l’Egypte pour ses créations, notamment pour une représentation de Cléopâtre », ajoute l’experte Amélie Marcilhac. Cet esprit festif se retrouve dans la sculpture Bal costumé, adjugée 52 500 euros en mars 2022 chez Conan Belleville à Lyon, ou dans The Final, groupe de trois danseuses parti pour 55 000 euros chez Carrère et Laborie en juillet 2020.
Durant l’entre-deux-guerres, la production d’œuvres de Chiparus est déjà importante. « En 2010, j’ai expertisé pour la maison Pescheteau-Badin une sculpture qui avait été achetée dans les années 1950 dans une boutique à Oran en Algérie », se souvient Amélie Marcilhac. En revanche, elle constate que certaines œuvres, les plus importantes, restent plus rares que d’autres.

Demetre Chiparus (1886-1947), The Finale, sculpture chryséléphantine en bronze patiné et émaillé à froid et ivoire. Base géométrique à gradins en onyx veiné. Signature incisée à la pointe « Chiparus » sur la base et deux cachets circulaires du fondeur « LN JL Paris» pour les Neveux Jacques Lehmann, annotée « Made in France » et numérotée 4. Modèle créé vers 1925. H : 40,5 cm L : 38 cm P : 10,5 cm. Adjugé 55 350 euros par Carrère et Laborie en 2020 à Pau.
Comment estimer la valeur d’une Å“uvre de Chiparus ?
« Le marché est pollué par les faux depuis plus de 50 ans, et sur 50 sculptures que l’on m’apporte, seulement une vingtaine sont bonnes, assène l’experte Amélie Marcilhac. Dans les années 1970 par exemple un marchand parisien qui avait racheté un stock de pièces en ivoire a réalisé un grand nombre de surmoulages de ces œuvres. Résultat, dans les ventes aux enchères, certaines pièces font 3 000 euros alors qu’elle devraient valoir 50 000 euros, faute d’expertise sérieuse qui trancherait entre vrai ou faux ».
Elle donne plusieurs pistes pour apprécier la valeur d’une œuvre : la qualité de la ciselure est essentielle, celle de la patine également (avec ce bémol que certains faux sont très anciens, et présentent donc une patine trompeuse), tout comme la sculpture des parties en ivoire, la taille apporte une plus-value, même si Chiparus n’a pas fait d’œuvres monumentales, et plus le sujet est complexe, mieux l’œuvre est cotée. « Il faut y ajouter le nom du fondeur également, les collectionneurs préfèrent les éditions des Neveux de Jules Lehmann aux fontes Etling, elles sont de plus belle qualité en général. On les reconnaît à une pastille ronde avec les lettre NLJL sous le socle », précise l’experte.

Demetre Chiparus (1886-1947), Toyama dite communément Danseuse aux Éventails ou Fan Dance(r), la grande version, le modèle conçu vers [1925-1930], notre épreuve commercialisée le 4 février 1931. Exceptionnelle sculpture chryséléphantine. Épreuve en bronze à triple patine ; dorée, argentée et cuivrée. Fonte d’édition ancienne, vers 1930.
Signée CHIPARUS à la pointe sur la terrasse et porte le n°19 dans la fonte sous la ballerine droite.
Base comprise : 57 x 62 x 11,5 cm. Adjugé 70 400 euros par Ader en 2019 à Paris.
Autre critère : la complexité de la sculpture. Pour exemple, une Danseuse espagnole adjugée 58 000 euros chez Millon en 2021 présentait une double patine dorée et argentée. Et une édition de Clara, bronze patiné peint à froid et ivoire sculpté est partie pour 90 000 euros chez Jean-Pierre Besch en 2019 à Cannes. En revanche, les sculptures sans ivoire restent à prix bien plus raisonnables : 5 800 euros pour une danseuse en bronze, en décembre 2024 chez Arcadia.
A noter également que, vente d’ivoire oblige, « il faut un certificat Cites, et une demande d’autorisation de sortie du territoire pour les acheteurs étrangers. Ce sont des procédures longues, de plusieurs mois il faut donc faire preuve de patience, rappelle l’experte. Sur ce marché très compliqué, il est important d’obtenir toutes les garanties ».

Demetre Chiparus (1886-1947), Antinea, circa 1928. Bronze et ivoire sculpté et polychrome, base marbre portor et onyx. Signé D.H CHIPARUS sur la terrasse. Signé Etling-Paris sur le socle. Hauteur : 66 cm. Adjugé 83 512 euros par Besch en 2014 à Cannes.
Des collectionneurs essentiellement étrangers
Selon son expérience, l’essentiel des amateurs de Chiparus est d’origine étrangère : des Russes, qui achètent désormais par le biais d’intermédiaires, des Européens (notamment les Belges), ainsi que d’autres issus des pays de l’Est. « Ce sont des connaisseurs qui cherchent des pièces impeccables ». En revanche, il n’existe pas beaucoup de collectionneurs français pour les pièces importantes.