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La responsabilité du commissaire-priseur en matière d’authentification d’une œuvre d’art
Tous les mois, un avocat du cabinet Loyseau de Grandmaison décrypte une actualité juridique relative au marché de l’art. Ce mois-ci, Carole Georges apporte un éclairage sur la question de la responsabilité du commissaire-priseur en matière d’authentification d’une œuvre d’art, à travers l’analyse d’un arrêt de la Cour de cassation en date du 21 octobre.
« La responsabilité de chacun implique deux actes : vouloir savoir et oser dire. » L’universalité de cette définition de l’Abbé Pierre est telle, qu’appliquée au contexte d’une vente aux enchères, elle résume parfaitement la charge de la responsabilité qui incombe aux commissaires-priseurs en vertu de l’article L.321-17 du Code de commerce : « Les opérateurs de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques […] ainsi que les experts qui les assistent dans la description, la présentation et l’estimation des biens engagent leur responsabilité au cours ou à l’occasion des prisées et des ventes de meubles aux enchères publiques […] ».
La responsabilité du commissaire-priseur
Un arrêt de la Cour de cassation¹ est récemment venu rappeler la responsabilité du commissaire-priseur en matière d’authentification d’une œuvre. Lorsque le commissaire-priseur porte sur les catalogues de vente des mentions manifestement erronées garantissant l’authenticité de deux meubles (en l’espèce des fauteuils attribués à Jean Prouvé) et faisant une présentation incomplète d’un troisième (une bibliothèque attribuée à Charlotte Perriand), il engage sa responsabilité à l’égard de l’acquéreur, « sans pouvoir s’en exonérer en arguant du fait qu’il a eu recours à un expert indépendant ». On peut légitimement s’interroger sur la nature de la faute d’un commissaire-priseur qui s’est adjoint les services d’un expert pour l’authentification d’œuvres et a donc mis en œuvre les moyens à sa disposition pour fournir aux acheteurs/vendeurs une information certifiée. Cette affaire nous apporte la réponse.
Le commissaire-priseur qui n’a pas approfondi ses recherches et s’est tenu aux affirmations sans réserve de l’expert ne peut se dérober au principe posé à l’article L.321-17 en arguant de son recours audit expert. En l’espèce, le commissaire-priseur avait porté au catalogue de vente des mentions erronées quant à l’authenticité de fauteuils et omis les très importantes réparations qu’avait subies la bibliothèque, restaurée à 80%. Sa faute réside donc dans l’étendue des diligences accomplies, trop réduite pour pouvoir fournir une information la plus complète possible aux acheteurs. Peu importe l’intention ou la gravité de la faute ; le seul défaut d’exactitude des renseignements portés par le commissaire-priseur à la connaissance de l’acquéreur suffit à engager sa responsabilité : « Le commissaire-priseur qui met en vente une œuvre d’art, présentée sans réserve comme étant l’œuvre d’un artiste, en affirme l’authenticité et engage sa responsabilité sur cette affirmation, sans qu’il soit nécessaire de caractériser autrement une faute de sa part »².
La responsabilité solidaire de l’expert
Bien qu’il n’ait pas la qualité d’expert, le commissaire-priseur en sa qualité de professionnel du marché de l’art, aguerri et averti, doit donc faire preuve d’une attention particulière non seulement aux meubles mais également à l’expertise effectuée. Il doit conserver son esprit critique quant au travail des experts auxquels il fait appel (étendue de l’expertise, degré d’approfondissement, amplitude des recherches, etc.), afin de toujours s’assurer de l’exactitude des informations qu’il communique lors de ventes.
En tout état de cause, le principe même de sa responsabilité ne peut en aucun cas être contractuellement tempéré³, il n’en reste pas moins que le commissaire-priseur dont la responsabilité est engagée dispose d’un recours en contribution à l’encontre de l’expert « solidairement responsable avec l’organisateur de la vente pour ce qui relève de son activité »4. Cette solidarité constitue le fondement du recours du commissaire-priseur, qui n’est susceptible d’aboutir néanmoins, qu’à condition que la preuve d’un lien entre les faits reprochés au commissaire-priseur et le travail de l’expert soit apportée. Les juridictions examinent alors la gravité de la faute de chacun pour déterminer la part de leur responsabilité financière respective, allant parfois même jusqu’à faire supporter l’intégralité des condamnations financières à l’expert fautif. Pour éviter toute déconvenue, nous recommandons tout de même, aux commissaires-priseurs d’appliquer dans leur pratique quotidienne l’adage selon lequel « Prudence est mère de sûreté » !
¹ Cour de cassation. 1ère chambre civile, 21 octobre 2020, n°19-10.536
² Cour d’appel de Paris, 1ère ch. Sect.A, 15 janvier 2002, n°2001/05743
³ art. L.321-17 al. 2 du Code de commerce : « Les clauses qui visent à écarter ou à limiter leur responsabilité sont interdites et réputées non-écrites »
4 art. L.321-30 du Code de commerce
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