
La tabula scalata, les premières heures de l’art optique
Le 23 juillet à Pau, la maison Carrère et Laborie présentera aux enchères une tabula scalata, un panneau étonnant révélant en un même support un double portrait féminin et masculin. Estimée à plus de 8 000 euros, cette peinture réalisée au XVIIe siècle témoigne de la mode des illusions d’optique apparue un siècle plus tôt en Angleterre.
« De cette manière je représente à moi seul bien des personnages dont aucun n’est content. Quelquefois je suis le roi ; et alors la trahison me fait souhaiter d’être un mendiant, et je me fais mendiant. Mais alors l’accablante indigence me persuade que j’étais mieux quand j’étais roi, et je redeviens roi. » Pour décrire la dualité identitaire à laquelle le roi Richard II est exposé de par sa condition de souverain, Shakespeare recourt à une peinture alors en vogue en Angleterre au XVIe siècle, la tabula scalata. Au moyen d’un jeu d’optique, ces tableaux font surgir un portrait qui change de visage en fonction de l’angle de vue adopté par le spectateur. Cette illusion, les artistes l’obtiennent grâce à l’usage d’un support ondulé accueillant la peinture sur des bandes verticales. « Considérés de face ces tableaux ne montrent rien que confusion, mais vus obliquement, ils font saillir une figure », explique l’écrivain anglais Allan Shickman dans son ouvrage Turning Pictures and perspectives in Shakespeare’s England paru aux éditions The Art Bulletin en 1977.

Ecole anglaise du XVIIe siècle. Double portrait ou Tabula Scalata. Portrait d’homme. Portrait de jeune femme, à la collerette. Huile sur panneau de bois tendre. Quarante-six lignes ou rainures. H. 47,5 cm – L. 35 cm. Estimation : 8 000 – 12 000 euros.
Une rare tabula scalata du XVIIe siècle aux enchères à Pau
Les tabula scalata connurent un succès considérable au XVIe siècle, s’attirant les faveurs des souverains d’Angleterre. La plus célèbre donnait à voir la reine Marie Stuart métamorphosée en un crâne par l’illusion picturale. Mais de cet ancêtre de l’Op art ne subsistent aujourd’hui que de rares témoignages. L’on imagine ainsi l’enthousiasme avec lequel les commissaires-priseurs de la maison Carrère et Laborie et l’expert Patrice Dubois ont pu accueillir la découverte d’une tabula scalata qui sommeillait depuis plus d’un siècle dans le grenier d’une famille d’Aquitaine. Ce tableau du XVIIe siècle révèle tour à tour un homme et une femme, tous deux richement vêtus d’une imposante fraise et d’une coiffure ornée de plumes rouges et blanches. « Si on regarde depuis l’angle droit, on y voit l’homme légèrement de trois-quarts, sa fine moustache relevée et la barbe en pointe. Mais de l’autre côté, on distingue le portait d’une jeune femme à la collerette, accompagnée d’une suivante plus âgée qui semble lui chuchoter quelques mots à l’oreille », détaille Patrice Carrère. Cette œuvre inédite, estimée entre 8 000 et 12 000 euros, sera présentée aux enchères à l’occasion d’une vente de prestige organisée le 23 juillet à Pau, aux côtés d’un florilège de portraits du XVIIe siècle issus de l’Ecole française.