Le 11 janvier 2015 | Mis à jour le 12 mars 2015

Les bons conseils d’Emmanuel Layan

par Magazine des enchères

Les fêtes de fin d’année approchant, Emmanuel Layan, de l’émission Un trésor dans votre maison sur M6 nous propose une idée de cadeau de Noël : Le Guide du chineur, aux éditions du Chêne, son ouvrage ludique, pratique et extrêmement instructif pour tout amateur du marché de l’art qui souhaite perfectionner son approche des objets. Didactique, il délivre toutes les informations les plus utiles concernant cinq catégories d’objets : argenterie, verre, céramique, peinture et mobilier. Interview et conseils du plus médiatique des commissaires-priseurs.

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Votre livre est un précieux recueil de conseils facilement et rapidement applicables. Quel a été votre but premier et en quoi a consisté votre motivation quant à la rédaction de cet ouvrage ?

Tout est parti d’une simple constatation : dans Un trésor dans votre maison, un flux constant d’informations défile au cours de l’émission, mais le téléspectateur n’a pas la possibilité de les retrouver par la suite. Je tenais donc à conserver ces conseils de manière pérenne en les concentrant sur un support unique, facilement accessible. Ce livre, c’est celui que j’aurais aimé avoir lorsque j’ai commencé ma carrière : une sorte de « livre de l’apprenti commissaire-priseur ». Transmettre et faire découvrir ma passion est une volonté que je nourris depuis mes études d’histoire de l’art. Après des années lourdes et fastidieuses d’étude de droit, l’apprentissage de ce domaine a en effet été une vraie révélation. L’art s’adresse à une partie intime de notre personne, il nous permet de mieux comprendre notre environnement.

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Votre ouvrage permet aux particuliers de reconnaître la qualité de leurs propres objets mais aussi de ceux qu’ils souhaitent acquérir. Vos conseils s’adressent-ils avant tout aux acheteurs ou aux vendeurs ?

A vrai dire, aux deux. Il ne s’agit pas vraiment de conseils d’achat ou de vente, mais plutôt de conseils pour appréhender les objets qui nous entourent, savoir les identifier. Mon livre est en effet destiné à ceux qui côtoient, qui sont amenés à côtoyer, ou tout simplement qui ont envie de découvrir le monde des enchères.

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Au sein de ce secteur très vaste, vous avez décidé de vous concentrer sur cinq catégories d’objets : l’argenterie, la céramique, le verre, les tableaux et le mobilier. Comment avez-vous opéré ce choix éditorial ?

Je me suis tout simplement intéressé à ce que l’on rencontre le plus fréquemment sur le marché. Ce sont en effet de grands classiques. Dans ce choix éditorial, il a également fallu tenir compte de certains impératifs liés au format : le bronze par exemple, sujet davantage délicat, a du être mis de côté car son intégration dans le livre risquait de déséquilibrer les différentes parties. Je voulais en effet rester sur un format assez bref… Mais j’ai encore beaucoup d’idées pour un éventuel deuxième volume !

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Emmanuel Layan a mis en pratique ses trucs et astuces en expertisant sur photo neuf objets d’art récemment présentés sur Interencheres.

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LA CÉRAMIQUE : DISTINGUER UNE FAÏENCE D’UNE PORCELAINE
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A gauche : Assiette en porcelaine de Chine, adjugée 2 100 euros.
A droite : Assiette en faïence de Nevers, adjugée 1 400 euros.

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« Sur l’assiette en faïence, les couleurs restent en surface et ne sont pas assez profondes. Pour faire simple, les blancs ne sont pas assez blancs, et les bleus ne sont pas assez durs. Concernant l’assiette en porcelaine, les bleus sont bien plus appuyés et les couleurs bien tranchées. D’autre part, le liseré brun sur le pourtour confirme l’obédience chinoise de l’assiette. »
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Trois étapes pour une authentification garantie :

– Faire sonner la pièce : le son de la porcelaine sera davantage aigu que celui de la faïence
– Regarder le décor pour discerner s’il est fait à la main ou de manière mécanique, le décor mécanique étant trop lisse et parfait
– Vérifier la qualité des émaux : ils doivent être brillants

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LE VERRE : LE DÉCOR ÉMAILLÉ, LA PLUS-VALUE DE VOTRE VERRE
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A gauche : Vase balustre à décor émaillé de grandes fleurs rouges, adjugé 250 euros
A droite : Vase sur piédouche en verre gravé à l’acide et émaillé de fleurs, adjugé 480 euros

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« L’émaillage a toujours été un aspect très prisé dans le marché du verre. Il est en effet toujours préférable d’avoir un décor émaillé qu’un décor industriel, le décor émaillé témoignant d’une grande maîtrise technique de la verrerie. Pour ce vase balustre, à première vue il s’agit soit d’un décor à multicouches type Emile Gallé soit d’un décor émaillé. Pour écarter la possibilité d’un décor multicouche, il faut vérifier qu’il n’y ait pas d’addition de matière en touchant la pièce. Il faut également se fier au reflet continu sur l’épaule prouvant l’absence d’aspérités. Concernant le vase sur piédouche, il est certain qu’il y a un fond givré, obtenu par suppression de matière de façon superficielle, dans un bain d’acide assez bref. Le col du vase et les fleurs ont été émaillés après séchage. »

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LES TABLEAUX ANCIENS : NE PAS SE LAISSER DÉCOURAGER PAR UN ENCRASSEMENT SUPERFICIEL
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A gauche : Ecole Napolitaine du XVIIe siècle, Le retour du fils prodigue, adjugé 1600 euros
A droite : Att. à Franceschini Baldassare (1611-1691), Vierge à l’enfant et St Jean-Baptiste et l’Agneau, adjugé 155 000 euros

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« Souvent, les tableaux paraissent sombres, sales et jaunis : il ne faut pourtant jamais se laisser émouvoir par un peu de poussière, un chef d’œuvre est toujours à portée de main. Le tableau de l’École Napolitaine par exemple : cette toile rentoilée, qui présente des lacunes et dont l’encrassement est certain, s’avère pourtant être un vrai morceau de peinture caravagesque avec un magnifique clair-obscur. C’est un très bel achat, qui a à peine dépassé l’estimation (1 000 – 1 500 euros). Pour déterminer si un tableau est encrassé, il est nécessaire de repérer le blanc d’une peinture : ici la chevelure jaunie du vieil homme qui devrait être poivre et sel. Ce jaunissement est la plupart du temps lié au vernis qui, fréquemment utilisé au XIXe siècle pour obtenir une surface laquée, s’opacifie progressivement et doit être enlevé par la suite. Le nettoyage d’un tableau se réalise aisément mais il est préférable de toujours s’adresser à un professionnel. Concernant cette Vierge à l’enfant, ce n’est pas le même type d’encrassement : ici, il s’agirait davantage de poussière et d’un refroidissement des couleurs, qui se nettoie également facilement. »

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LE MOBILIER : LA RESTAURATION DES BRONZES ET DE LA GARNITURE A ÉVITER
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A gauche : Commode à moustache du XVIIIe siècle (manques à la dorure), adjugée 6 700 euros
Au centre : Miroir à fronton, époque Louis XV, petits manques de dorure, adjugé 400 euros
A droite : Fauteuil de Jacques Adnet, aspect fatigué de la garniture, adjugé 13 500 euros

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« Voici un conseil pour les vendeurs (bien entendu, il ne s’agit que de mon avis propre) : il n’est pas utile de restaurer les objets que vous comptez vendre. La restauration est un art subjectif et le résultat peut être très contestable. Celui qui achète un objet ancien achète aussi son histoire et, par là même, accepte son vieillissement. Redorer un bronze, au-delà d’être coûteux pour le propriétaire, fait ainsi perdre à l’objet son intérêt et son relief. Le mieux est donc de lui faire subir le moins d’intervention possible : le marché actuel ne s’intéresse pas aux meubles clinquants.
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Pour la garniture, c’est la même chose : ce fauteuil de Jacques Adnet estimé 3 000 – 4 000 euros, qui présentait une garniture très abîmée, s’est finalement vendu à 13 500 euros. La restauration de la garniture n’aurait probablement rien changé à l’adjudication finale et aurait par conséquent constitué une dépense inutile pour le vendeur. Par ailleurs, le changement de garniture est un choix de restauration qui repose sur plusieurs problématiques : veut-on la refaire à l’identique ? Doit-on la restaurer avec des techniques modernes ? Doit-on s’adapter ? Autant de questions qui soulignent le caractère extrêmement délicat d’une telle opération. »

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Vous pourrez retrouver Emmanuel Layan dans la cinquième saison de Un trésor dans votre maison tous les samedis à 18h35 sur M6.

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Emmanuel Layan, Le guide du chineur, Éditions du Chêne, 2014, 16,90 €

 

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