Le 9 août 2023 | Mis à jour le 9 août 2023

Les estimations de l’ANECP : deux encres d’Olivier Debré

par Magazine des enchères

Tous les mois, l’Association Nationale des Elèves Commissaires-Priseurs propose aux lecteurs du Magazine des enchères de revivre en direct un travail d’expertise mené par un étudiant dans les coulisses d’une salle des ventes. Ce mois-ci, Mériadec Dehen décrypte deux encres d’Olivier Debré sous l’œil aguerri d’Hugo Bensaïah, commissaire-priseur à l’Hôtel des ventes Giraudeau. 

 

Les commissaires-priseurs en herbe, dont l’Association Nationale des Elèves Commissaires-Priseurs (ANECP) assure la cohésion, proposent chaque mois aux lecteurs du Magazine des enchères de revivre en direct un travail d’expertise mené à quatre mains dans les coulisses des salles des ventes. Le mois dernier c’est Eugénie Le Graët qui expertisait, avec Carole Jézéquel, une assiette de Jeanne Malivel.

 

Mériadec Dehen et Hugo Bensaïah expertisent deux encres abstraites d’Olivier Debré

Mériadec Dehen, élève commissaire-priseur au sein de l’Hôtel des ventes Giraudeau, présente, aux côtés du commissaire-priseur Hugo Bensaïah, deux encres abstraites d’Olivier Debré (1920-1999). Les deux encres ici expertisées, ont été apportées à l’Hôtel des ventes par un client collectionneur qui souhaite aujourd’hui s’en séparer pour financer un autre achat.

 

Mériadec Dehen et les deux encres d’Olivier Debré.

 

Première impression ? 

Mériadec Dehen : Les deux tableaux me font tout de suite penser à des encres du fait de leur noir profond. Un examen visuel plus précis confirme cette première intuition : le noir capte la lumière de telle manière que des reflets apparaissent à mesure que l’on change d’angle de vue. Ces reflets sont typiques du rendu de cette technique. Nous avons pris la décision de ne pas désencadrer ces deux œuvres afin de préserver leur intégrité. Aussi, nous n’avons pas pu identifier le papier. En revanche, aucun filigrane [Ndlr. Un filigrane est un dessin imprimé dans l’épaisseur d’un papier et qui se voit par transparence] n’est visible. La composition des encres, quant à elle, me fait tout de suite penser à un artiste abstrait, comme Pierre Soulages.

 

Olivier DEBRÉ (1920-1999), Deux compositions abstraites, dessins à l’encre de Chine sur papier, signées en bas à droite. 73 x 64 cm, à vue.

 

Une signature ? 

Mériadec Dehen : En les examinant de plus près, les œuvres sont toutes les deux signées. J’identifie la signature d’Olivier Debré : chacune des encres porte en bas à droite la mention « O. Debré » portée au crayon. Cette signature diffère de celles des huiles sur toile qui apparaissent sur l’avers et au revers du châssis. Sur ses encres, on retrouve aussi de manière régulière son monogramme « OD », ici absent.

Hugo Bensaïah : Nous connaissons bien le travail d’Olivier Debré car il était installé en Touraine. Nous avons la chance d’avoir ses œuvres à Tours dans lesquelles il dépeint notamment les paysages de Touraine et de la Loire qui lui étaient chers et qu’il n’a cessé de mettre au cœur de son œuvre. Les encres de Chine, quant à elles, restent encore méconnues du grand public. C’est une nouvelle découverte dans l’œuvre de l’artiste. Elles sont un clin d’œil à l’abstraction lyrique des artistes d’après-guerre comme Pierre Soulages, Zao Wou-ki et Georges Mathieu. C’est la rencontre décisive avec Pablo Picasso qui a poussé Olivier Debré vers l’abstraction, dont il a fait son cheval de bataille. Il la nommera d’ailleurs l’« abstraction fervente ».

 

Détail de la signature.

 

Un sujet ? 

Mériadec Dehen : S’il est difficile de distinguer un sujet concret à travers ces deux encres, nous savons qu’elles font référence à sa vision abstraite et spontanée de l’art et qu’elles correspondent à sa période des « signes personnages ». Olivier Debré avait l’habitude de donner un nom à ses toiles en y associant des couleurs, par exemple « Petite Loire rose et verte ». Pour ce qui est de ces deux œuvres, nous n’avons aucune indication, mais nous les rapprochons de ces « signes » peints à l’encre. Et si le sujet y est imperceptible, l’approche est très introspective. 

Hugo Bensaïah : Olivier Debré a travaillé durant sa carrière avec des calligraphes, notamment lors de ses voyages au Japon, qui lui ont enseigné cette technique traditionnelle asiatique. Fort de cet héritage, il a mis au point son propre vocabulaire graphique, ces « signes personnages », avec lesquels il anime ses compositions de manière ascendante et structurale, traduisant ainsi la spiritualité et la ferveur de l’être humain. On retrouve ce vocabulaire dans nos œuvres à travers ces traits qui tendent vers le haut de la composition.

 

 

Une époque ? 

Hugo Bensaïah : La période des encres d’Olivier Debré commence dans les années 1950 avec les « signes personnages ». Il y revient dans les années 1990, en fin de carrière. Les deux œuvres présentées ici n’étant pas datées, elles sont difficiles à rattacher une période. Avec l’encre, Olivier Debré crée quelque chose de différent. Loin de ce que l’on a l’habitude de voir dans ses toiles, à savoir la texture, la couleur et la lumière. Ici les traits sont noirs, lisses, avec une économie de matière, sans empâtement. Ce qu’il reste, c’est l’importance de la visibilité du geste que l’on retrouve ici dans la spontanéité des traits noirs.

Mériadec Dehen : Les toiles d’Olivier Debré sont très souvent datées au dos sur la toile. Il en est de même de ses encres qu’il date parfois à côté de son monogramme ou de sa signature. Mais ici ce n’est pas le cas. Peut être s’agissait-il d’une commande, ou d’une encre faite sur le vif ? Difficile de se prononcer précisément.

 

 

Une estimation ? 

Mériadec Dehen : Nous avons estimé ces deux œuvres, qui seront vendues le samedi 23 septembre à l’Hôtel des ventes Giraudeau, entre 2 000 et 3 000 euros chacune. En Touraine, nous avons l’opportunité de rencontrer des vendeurs qui ont côtoyé Olivier Debré. Il était connu dans la région car il résidait dans le village de Vernou-sur-Brenne, où il était très apprécié. Les Tourangeaux sont friands de cet artiste amoureux du « fleuve royal » et les étrangers apprécient également son œuvre, les enchères devraient donc être très disputées. 

Hugo Bensaïah : Le marché de l’art commence à prendre la mesure du travail de qualité d’Olivier Debré et il n’est plus rare de voir ses œuvres dans d’importantes ventes consacrées à l’art d’après-guerre. Une toile de taille moyenne représentant la Loire, sujet très apprécié, se vend régulièrement entre 30 000 et 50 000 euros aux enchères, tandis qu’une encre de grandes dimensions (100 x 80 cm) peut se vendre entre 10 000 et 15 000 euros. 

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