Le 5 mai 2022 | Mis à jour le 5 mai 2022

Line Vautrin aux enchères : la cote des miroirs aux bijoux

par Clémentine Pomeau-Peyre

En juin dernier, un miroir de Line Vautrin, acheté une centaine d’euros dans un vide-maison, s’est envolé à 127 000 euros sur le plateau d’Affaire conclue, établissant un record de vente pour l’émission de France 2. Aux enchères, les miroirs et accessoires de la décoratrice connaissent une progression constante depuis une dizaine d’années, plébiscitées à l’international. Décryptage.

 

« Les bijoux, les boîtes, les miroirs : ce sont trois marchés bien distincts, avec des cotes et des évolutions différentes », commence Emmanuel Eyraud. L’expert en Arts décoratifs du XXe siècle ajoute que les pièces les plus recherchées de Line Vautrin (1913-1997) restent les miroirs. Créés vers le milieu du XXe siècle, souvent à partir de Talosel, une résine malléable qu’elle invente vers 1960, ces miroirs connaissent dans les ventes aux enchères une progression constante depuis une dizaine d’années. « Sur ce marché précis, qui a permis à cette artiste d’exprimer toute sa créativité, son univers poétique et un peu surréaliste, les adjudications ont dû grimper de 30 % environ, et il n’y a plus d’effet dents de scie, lorsque des lots se vendaient encore un peu moins bien… Aujourd’hui, ils trouvent systématiquement preneurs, entre 20 000 et 150 000 euros environ », observe Emmanuel Eyraud. Plusieurs raisons à cet engouement : ces miroirs datent des années 1950-1960, et se retrouvent donc aujourd’hui dans de nombreuses successions. Ils alimentent ainsi le marché, ce qui reste indispensable pour faire progresser une cote. Ils sont plébiscités par les décorateurs qui les cherchent pour leurs clients fortunés. « Certains avec d’importants moyens ne se contentent pas d’une ou deux pièces, mais acquièrent dix à quinze miroirs à disposer sur un même mur », détaille l’expert, et il existe peu de faux dans ce domaine, très surveillé notamment par les galeries spécialisées, et le comité Line Vautrin.

 

Line Vautrin (1913-1997). Miroir soleil à pointes en talosel à encadrement de flammèches, 45,5 cm. Estimé entre 30 000 et 50 000 euros. Mis en vente par Orne Encheres le 4 juin 2022 à Alençon.

 

Des miroirs adjugés de 20 000 à 150 000 euros

De 20 000 à 150 000 euros l’écart est important, et plusieurs facteurs déterminent précisément la valeur d’un miroir de Line Vautrin. D’abord le modèle, certains étant plus rares que d’autres. Emmanuel Eyraud souligne immédiatement qu’il faut rester prudent sur la notion de pièce unique : « il m’arrive de croiser un second exemplaire non répertorié après la vente d’un miroir qualifié d’unique en son genre… ». Mais certaines réalisations de la créatrice sont plus cotées, tel le miroir à crête de coq adjugé 146 740 euros par l’étude Rossini le 24 juin 2021. La taille doit également être prise en compte, les plus grands miroirs bénéficiant d’une surcote à l’image du miroir Pistils de 58 cm de diamètre, emporté pour 76 650 euros chez Boisgirard et Antonini en novembre 2020. Ensuite l’état de conservation peut influer, même si ce critère n’est pas toujours vraiment pris en compte lorsque la pièce est de qualité. Le modèle Perruque, grande version, adjugé 73 660 euros par Métayer et Mermoz le 17 mars dernier était ainsi présenté avec des accidents et des manques. Et enfin la couleur, présente sur certaines parties en verre ou en Talosel. Le miroir Soleil à pointes adjugé 58 800 euros chez Pousse-Cornet le 11 octobre dernier bénéficiait d’un encadrement en Talosel beige ornés de miroirs bleus saphirs, un des coloris les plus appréciés. Tout comme celui en Talosel noir, adjugé 39 680 euros en mars par May et Associés.

 

Line Vautrin (1913-1997), « Il pleure dans mon cœur », poudrier en bronze doré orné de 4 Strophes du poème de Verlaine, 7 x 7,5 cm. Estimé entre 2 500 et 3 000 euros. Mis en vente Denis Herbette le 17 mai 2022 en live sur Interencheres.

 

Une cote en progression pour les boîtes et bijoux

Les boîtes signées de Line Vautrin constituent un marché solide, même s’il reste moins spéculatif. Les modèles en bronze, avec des rébus ou des figures, se négocient entre 3 000 et 7 000 euros pièce. Pile dans cette fourchette, une boîte en bronze doré La ville et la campagne a été adjugée 7 688 euros chez Adjuj’art le 25 novembre dernier, et un charmant poudrier Sais-tu que mes espoirs s’envolent vers toi à 4 424 euros à l’Hôtel des ventes d’Enghien le 28 mars 2021. Certains modèles plus courants ou plus petits, notamment les petits piluliers peuvent descendre un peu en-dessous de cette limite, autour de 800 à 1000 euros. En revanche, les modèles en Talosel, moins recherchés, dépassent rarement cette limite. Du côté des bijoux enfin, « c’est le seul domaine dans lequel les prix restent modérés surtout lorsqu’il s’agit de pièces en Talosel », estime Emmanuel Eyraud. Il donne plusieurs pistes pour expliquer cette relative stagnation : d’abord les bijoux fantaisies sont toujours moins cotés que ceux en matière précieuse, ensuite la production des élèves de Line Vautrin a été assez importante et introduit un peu de confusion sur ce marché car elle est forcément moins recherchée, et enfin si ces pièces restent très plaisantes, elles ne correspondent pas nécessairement à la mode actuelle. On note néanmoins quelques belles adjudications pour des bijoux en bronze : 8 750 euros pour un bracelet en bronze doré Les filles de Neptune chez Rossini le 30 mars dernier, 2 400 euros pour une broche en bronze doré Si tous les gars du monde le 27 octobre dernier chez Blanchy-Lacombe.

 

Line Vautrin (1913-1997), broche en bronze doré et émail noir représentant un bateau avec personnages, 3,5 x 6 cm. Estimée entre 200 et 300 euros. Mise en vente par Guéry le 22 mai 2022 en live sur Interencheres.

 

Photo en Une : Line Vautrin (1913-1997). Modèle dit « Tudor », 1960,  miroir sorcière à l’encadrement en Talosel beige gaufré à chaud, Les trois couronnes superposées et les rayons recevant de parties de miroir, au tain argent, modelées et incrustées à chaud, Sorcière et tissu du dos d’origine, 49 cm. Estimé entre 15 000 et 20 000 euros. Mis en vente par Madeleine Guéry le 22 mai 2022 à Rouen et en live sur Interencheres

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