Picasso, Capron, Jean Derval : l’âge d’or de la céramique aux enchères au Cap d’Antibes
par Magazine des enchères
L’hôtel Belles Rives du Cap d’Antibes et la maison de ventes Azur Enchères Cannes s’unissent cette année encore pour présenter une 6e édition de la vente Céramiques & Méditerranée qui se tiendra le 7 mai prochain. A cette occasion, le public est convié à un parcours au sein du célèbre hôtel afin de découvrir les 150 pièces réalisées par les plus grands ateliers de céramique de la Côte d’Azur. Parmi toutes les œuvres, qui seront ensuite vendues aux enchères, figure un exceptionnel vase tripode de Picasso. L’événement, initialement dédié à la céramique des années 1950-1960, s’ouvrira cette année à la création contemporaine.
Cette vente annuelle, très attendue dans la région, est devenue un rendez-vous incontournable pour les amateurs de céramiques d’après-guerre. A l’origine, une rencontre : celle de Julien Pichon, commissaire-priseur à Cannes et de Marianne Estène-Chauvin, propriétaire à l’époque de l’hôtel Belles-Rives à Juan les Pins. Ils se découvrent une passion commune pour la céramique à l’occasion de la vente de l’atelier Madoura de Suzanne Ramié, dont Julien Pichon a la charge en 2011. Ils ont alors l’idée de créer un évènement qui mettrait à l’honneur la céramique avec pour fil rouge la grande tradition céramique locale.
L’hôtel Belles-Rives devient alors, avec la complicité de Marianne Estène-Chauvin, un écrin pour l’exposition de la vente aux enchères organisée par Julien Pichon. C’est une manière pour ces deux passionnés de renouer avec la tradition puisque dans les années d’après-guerre, les prestigieux établissements de la Riviera étaient régulièrement décorés avec les poteries de Vallauris. Pour la 6e année consécutive, l’hôtel aujourd’hui dirigé par Antoine Chauvin-Estène se transformera en musée éphémère : les amateurs pourront déambuler à leur guise dans un « Parcours Céramique » qui intégrera le nouveau Bar Fitzgerald, avant la mise aux enchères. « Vallauris, c’est la confrontation entre la terre et la méditerranée. Notre vente raconte l’histoire de la rencontre entre ce foyer créatif, historique et la grande bleue », s’enthousiasme le commissaire-priseur.
L’âge d’or de la céramique aux enchères
Un rare vase tripode de Pablo Picasso (1881-1973) est présenté à la vente. Réalisé en 1951 il est en parfait état et estimé entre 100 000 et 150 000 euros. Tiré en 75 exemplaires, ce modèle n’est pas passé en vente dans le monde depuis 2018. Cette pièce majeure dans la production de l’artiste catalan est emblématique du travail qu’il mène avec Suzanne et Georges Ramié. Lorsqu’au mois de juillet 1946 Picasso passe la porte de l’atelier Madoura, fondé par le couple de céramistes à Vallauris en 1941, il ne se doute pas encore qu’il y reviendra l’été suivant pour y créer, jusqu’à la fin de l’année 1948, plus de 2 000 pièces. Picasso décore les pichets, vases et coupes dont les formes sont créées par Suzanne Ramié, qui deviennent des chouettes, des femmes, des poissons, des faunes, des nymphes. Deux plats, décorés par l’artiste, seront également mis en vente. L’un à décor de Banderillas (4 000 – 6 000 euros) et l’autre représentant un joueur de flûte (4 000 – 6 000 euros). Picasso ne se détournera plus jamais de la céramique et poursuivra son Å“uvre, estimée à plus de 3 000 pièces uniques, jusqu’en 1971, alors qu’il est âgé de 90 ans.
A la même période, d’autres artistes, attirés par la Côte d’Azur, la beauté de la lumière et le travail de la terre posent leurs valises à Vallauris ou dans les environs comme Robert Picault, Jean Derval, Roger Capron ou encore Gilbert Portanier et Jean Marais. La vente propose plusieurs de leurs créations : des ensembles colorés de Roger Capron, dont le modèle dit « Pyjama » (300 – 400 euros) , mais aussi, de rares créations en Raku (3 000 – 4 000 euros) très recherchées par les collectionneurs. Une délicate fontaine représentant un oiseau de Jean Derval (3 000 – 4 000 euros) et quatre rares vases réalisées par le peintre Théo Tobiasse, établi à Vence, qui met particulièrement en valeur la terre rouge de Vallauris (entre 1 000 et 1 800 euros) sont également proposés à la vente. Enfin, quatre jarres de très grandes dimensions de la designeuse niçoise Léa Ginac, largement inspirées de la culture antique et méditerranéenne, viendront compléter la vente, ouvrant ainsi l’évènement à la création contemporaine.
La céramique moderne et contemporaine, la porte d’entrée idéale pour débuter une collection
La céramique moderne et contemporaine est un marché désormais mondial, en pleine évolution. Il est une porte d’entrée idéale pour débuter une collection. Après l’âge d’or des années 1950, l’art de la céramique de Vallauris connaît un renouveau en 2012 chez Christie’s lors de la vente de plusieurs centaines de pièces provenant de l’atelier Madoura. Un second événement, la vente des céramiques de Marina Picasso en 2016 chez Sotheby’s, confirme l’intérêt des collectionneurs. Avec des adjudications dépassant largement les estimations, le marché se réveille et la Picassomania permet alors de sortir de l’oubli les autres céramistes de Vallauris. Les ventes Céramiques et Méditerranée, dédiées à la céramique d’après-guerre et plus particulièrement à la création de Vallauris, que défendent et organisent Julien Pichon et Marianne Estève-Chauvin sont là pour faire découvrir plus largement cette tradition céramique locale devenue célèbre. En faisant de cet évènement une référence dans ce domaine, ils contribuent à la redécouverte et la réhabilitation de certains artistes dont les œuvres atteignent des prix records comme la paire de vases de Jacques Innocenti adjugée 27 000 euros en 2021. Leur souhait est désormais d’ouvrir une porte sur la création contemporaine, d’instaurer un dialogue entre les époques, les collectionneurs et de continuer à faire rayonner la Côte d’Azur. Il s’agit d’un évènement d’exception qui se tient dans un lieu unique.
Haut de page