Pourquoi les reliures de Victor Prouvé ont-elles fait polémique ?

A l’occasion de la mise en vente à Morlaix d’une reliure de Victor Prouvé, retour sur ces objets d’art de l’Ecole de Nancy qui déchaînèrent la critique à la fin du XIXe siècle.

Si aujourd’hui les reliures de Victor Prouvé, réalisées à la fin du XIXe siècle à Nancy en collaboration avec l’artisan libraire René Wiener et l’artiste Camille Martin, séduisent par leur délicat décor et leur finesse d’exécution, elles ne firent pas l’unanimité auprès de leurs contemporains. A Paris en 1893, elles font grand bruit et divisent la critique lors du Salon de la Société nationale des beaux-arts. Certains crient au génie, d’autres dénoncent une invention clinquante. « La reliure de Nancy y apparut en 1893, bruyante, voyante, provoquante, extravagante, contestable, de mauvais exemple, tout ce que vous voudrez. Mais ennuyeuse non pas ! », relate ainsi le critique d’art Henri Béraldi dans un ouvrage de 1895 consacré à La reliure au XIXe siècle. « Et Les opinions sur elles furent violentes comme elle. Les palais blasés sur la tranquille cuisine quotidienne se jetèrent sur ce ragoût épicé, sur ce homard à l’américaine. »

Une reliure de Victor Prouvé aux enchères à Morlaix

Une reliure de Victor Prouvé estimée 5 000 – 6 000 euros from interencheres.com on Vimeo.

A l’origine de la polémique, une technique : la pyrogravure [procédé consistant à graver un décor en creusant le support à l’aide d’une pointe métallique préalablement chauffée]. Le trio connaît bien ce système de gravure. Il l’utilise depuis plusieurs années pour décorer des panneaux en chauffant le bois. Mais dès 1891, les trois artistes associent ce travail de la pyrogravure à la mosaïque de cuirs, assemblant plusieurs cuirs pour obtenir un même décor. « Il y a là une rénovation complète d’un art tombé en décadence », écrit le critique d’art Roger Marx en 1893. Exit les décors dorés et symétriques traditionnels, le motif se libère et embrasse les moindres recoins de la reliure. Les motifs japonais chers à Victor Prouvé se déploient ainsi sur la surface des ouvrages, faisant de la reliure une véritable œuvre d’art – « une reliure-tableau », dira le critique d’art Louis de Fourcaud.

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