Le 21 mars 2022 | Mis à jour le 28 mars 2022

Trois colliers de l’Ordre du Saint-Esprit aux enchères à Paris

par Magazine des enchères

Le 25 mars, trois colliers de l’Ordre du Saint-Esprit étaient vendus aux enchères par le Crédit municipal de Paris. Le premier a été réalisé par l’orfèvre Étienne Hippolyte Coudray sous le règne de Louis XVIII, tandis que les deux autres furent exécutés à l’occasion du sacre de Charles X. Ils ont été adjugés jusqu’à 205 920 euros.

 

Fondé par Henri III en 1578, l’Ordre du Saint-Esprit est le plus emblématique des Ordres de chevalerie français, jusqu’à son abandon par Louis-Philippe en 1830. Ses membres, appartenant à l’élite française et européenne, se distinguaient par leurs somptueux manteaux en velours noir et leurs colliers portés lors des cérémonies. Ces derniers constituaient une décoration extrêmement prestigieuse. Les colliers mis en vente le 25 mars au Crédit Municipal de Paris font partie des quelques rarissimes exemplaires conçus sous la Restauration. Le premier collier a été réalisé par l’orfèvre Étienne Hippolyte Coudray (1761-1833) sous le règne de Louis XVIII. Les deux autres ont, quant à eux, été réalisés par l’orfèvre parisien Jean-Charles Cahier (1772-1857) à l’occasion du sacre de Charles X, en 1825. Ce prolifique orfèvre a réalisé trente des quatre-vingt colliers commandés pour le sacre du roi. De très belle facture et dans un état de conservation remarquable, les colliers mis en vente sont présentés dans leur écrin en maroquin rouge où figurent les Armes de France.

 

Un collier de l’Ordre du Saint-Esprit réalisé par Coudray sous le règne de Louis XVIII

L’Ordre du Saint-Esprit fut aboli le 30 juillet 1791 suite à la Révolution. Il survécut modestement en émigration puis revint en 1814 avec le retour des Bourbons sur le trône de France. Nous savons que Louis XVIII, bien que non sacré, reçut un collier réalisé par Etienne Coudray en 1816. Cet orfèvre travailla également pour les souverains et princes étrangers ayant été nommés sous son règne. En tout, seule une douzaine de colliers furent réalisés lors du règne de Louis XVIII, tous par Coudray. Louis XVIII ne donna pas de collier aux non-dynastes, ce qui fit en revanche Charles X. Après 1820 et l’espoir soulevé par la naissance du duc de Bordeaux, il nomma régulièrement des chevaliers avec plaques et rubans issus des anciennes et nouvelles élites de la France, une pratique accélérée sous le règne de son frère cadet. L’analyse chronologique des récipiendaires des treize colliers, réalisés sous le règne de Louis XVIII, a permis aux experts Axel Louot et Maxime Charron, d’attribuer ce collier à l’infant Charles-Louis d’Espagne, duc de Lucques, même s’il est également envisageable qu’il s’agisse du collier du roi Louis XVIII lui-même, de celui de l’empereur François Ier d’Autriche, ou bien de celui commandé à titre de prévoyance en 1822. L’infant eut un destin tourmenté. Roi d’Etrurie, puis duc de Lucques de 1824 à 1847 et enfin duc de Parme, il manifesta un esprit dérangé. Père de Charles III, duc de Parme et époux de Louise d’Artois, il mourut à Nice le 16 avril 1833, quelques semaines avant Henri V. Son fils ayant été assassiné en 1854 et sa belle-fille ayant disparu en 1864, il est possible que son petit-fils héritier, Robert Ier duc de Parme renvoya le collier à son oncle Henri V, entre le 16 avril et le 24 août 1883, à moins qu’il ne le conserva. Dans ce dernier cas, la provenance Bourbon-Parme de notre exemplaire, en descendance directe de Robert Ier, ne fait que renforcer cette attribution au duc de Lucques. 

 

[A gauche] Collier de chevalier de l’Ordre du Saint-Esprit en or et émaux d’époque Charles X par Jean-Charles Cahier (1772-1857), Paris, circa 1825. Adjugé 114 400 euros (frais inclus). [Au centre] Collier de chevalier de l’Ordre du Saint-Esprit en or et émaux d’époque Etienne-Hippolyte Coudray (1761-1833), Paris, circa 1814-1824. Adjugé 205 920 euros (frais inclus). [A droite] Collier de chevalier de l’Ordre du Saint-Esprit en or et émaux d’époque Charles X par Jean-Charles Cahier (1772-1857), Paris, circa 1825. Adjugé 160 160 euros (frais inclus).

Deux colliers de l’Ordre du Saint-Esprit réalisés par Cahier lors du sacre de Charles X

Le sacre du roi Charles X à Reims le 29 mai 1825 fut l’occasion de renouer avec les fastes de l’Ancien Régime et de redonner véritablement sa splendeur à l’Ordre du Saint-Esprit. Le lendemain, une cérémonie fut en effet organisée à Reims. Première fête de l’Ordre depuis la Révolution, elle marqua sa véritable renaissance et permit la réception de nouveaux chevaliers. Les colliers de l’Ancien Régime avaient pratiquement tous disparu sous la Révolution et ceux fabriqués sous Louis XVIII par Coudray avaient été remis principalement à des souverains étrangers. Quatre-vingt colliers durent donc être fabriqués. Commandés le 15 novembre 1824, cinquante furent réalisés par le maison Ouizille et Lemoine, joailliers des Ordres du Roi suite au décès de Coudray en septembre 1823, et trente par l’orfèvre Cahier. Exécutés selon un même modèle, ces nouveaux colliers se distinguaient par des détails. Les colliers fabriqués par Ouizille étaient plus épais. Ceux conçus par Cahier étaient plus légers, mais leur graphisme était également plus fin. Ils étaient probablement davantage fidèles au modèle d’origine de l’Ancien Régime. L’Ordre vécut somptueusement au rythme des promotions, des chapitres et des cérémonies de réception jusqu’à la chute de Charles X en juillet 1830. Sans être officiellement dissolu, il disparut alors publiquement, Louis-Philippe voulant rompre avec les signes de l’Ancien Régime, notamment ceux liés aux Bourbons. L’Etat français alla même jusqu’à fondre, le 22 novembre 1861, dix colliers provenant du trésor de l’Ordre. A l’exception de quelques héritiers fidèles qui rendirent statutairement leur collier au comte de Chambord (une trentaine environ), les colliers des chevaliers vivants en 1830 furent généralement conservés au sein de leur famille. Nous comprenons donc la rareté et la préciosité de ces reliques d’un autre temps, celui de la France éternelle. Les deux colliers vendus par le Crédit Municipal de Paris font partie des trente colliers de l’Ordre du Saint-Esprit livrés par Cahier, successeur de Biennais, à l’occasion du sacre de Charles X le 30 mai 1825. Bien qu’ils fassent partie de la petite trentaine de colliers rendus au comte de Chambord à Frohsdorf, puisqu’ils furent conservés par ses descendants, nous ne pouvons connaître l’identité de leur récipiendaire, les colliers étant identiques et aucune étiquette ni mention manuscrite n’étant présente sur ces ensembles. Il est néanmoins possible de mentionner qu’Henri V conservait, entre autres, les colliers de Charles X et du Dauphin le duc d’Angoulême. 

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