Le 25 mars 2022 | Mis à jour le 28 mars 2022

Un masque Fang de la société secrète du Ngil dévoilé à Montpellier

par Magazine des enchères

Acquis au Gabon autour de 1917 par le gouverneur René Fournier, un masque Fang de la société secrète du Ngil était dévoilé pour la première fois aux enchères par Bertrand de Latour et Jean-Christophe Giuseppi le 26 mars à Montpellier. Une pièce muséale adjugée 5,25 millions d’euros.

 

La réapparition de ce masque Fang de la société secrète du Ngil du Gouverneur Fournier constitue une découverte majeure pour l’histoire de l’art de l’Afrique équatoriale. La pureté de ses lignes et l’agencement de ses volumes lui confèrent un rang d’icône dans le corpus très restreint des masques de la société du Ngil. Le masque « Gouverneur Fournier » vient compléter la petite dizaine des autres spécimens de référence connus à travers les musées et les collections d’Occident. En effet, les rites traditionnels de justice coutumière de la société Ngil furent abandonnés dans les années 1920, ce qui mit un terme à la création des instruments de cette institution. La moitié d’entre eux sont dans les musées et les quelques-uns qui sont apparus en vente ont battu des records à l’instar de celui de l’ancienne collection Vérité vendu en juin 2006 pour la somme de 5,750 millions d’euros. Notre masque a enregistré quant à lui le deuxième meilleur prix pour un masque du Gabon, trouvant preneur à 5,25 millions d’euros le 26 mars à Montpellier.

 

Un masque collecté par le gouverneur René Fournier

Présenté par Bertrand de Latour et Jean-Christophe Giuseppi, ce masque, sculpté à la fin du XIXe siècle, comme l’atteste une analyse au carbone 14 (datation CIRAM n° 1221-OA-942B du 13 janvier 2022), a été acquis au Gabon entre 1917 et 1918. Il a été rapporté par le gouverneur René-Victor Edward Maurice Fournier (1873-1931), et a été conservé dans la maison familiale depuis les années 1920. René-Victor Fournier a fait sa carrière en Afrique. Affecté à Dakar en août 1908, il y restera jusqu’en 1917. Directeur du cabinet du Gouvernement général de l’AOF, puis nommé gouverneur de 2ème classe le 26 septembre 1916, il rencontrera lors de ce séjour, Maurice Delafosse, qui l’initiera aux charmes de l’art africain. Le 20 mai 1917, il est nommé lieutenant-gouverneur du Moyen-Congo, poste dont il démissionnera le 16 mai 1919. Faisant partie de la garde rapprochée du Gouverneur de l’AEF Angoulvant, il fut sans aucun doute appelé à quelques missions au Gabon.

 

Masque de la société du Ngil. Peuple Fang. Gabon, fin du XIXe siècle. Bois de fromager, kaolin, rotin tressé et barbe de fibres de raphia, tissu. Hauteur : 55 cm – Largeur: 26 cm – Profondeur: 27 cm. Adjugé 5,25 millions d’euros.

 

Une pièce muséale adjugée 5,25 millions d’euros

Les visiteurs de l’exposition « les forêts natales », au Musée du quai Branly-Jacques Chirac en 2017, purent admirer à satiété le plus important ensemble consacré à l’art des fangs du Gabon jamais présenté à ce jour. Cent quatorze chefs-d’œuvre illustrant magistralement les différents centres de style avaient été sélectionnés afin d’illustrer la créativité et le génie de ces sculpteurs de l’Afrique pré-coloniale. Au sein de cette exceptionnelle réunion, seule une vitrine présentant quatre masques était consacrée à la société du Ngil, ces « justiciers » qui parcouraient les villages pour débusquer les fauteurs de troubles parmi lesquels figuraient des individus soupçonnés de sorcellerie. Cela semblait bien peu mais représentait en fait un tiers de la production de ces masques parvenue jusqu’à nous. Qui pouvait imaginer alors qu’un des plus beaux exemplaires dormait encore à l’abri des regards et des commentaires des spécialistes ? L’engouement pour les masques de cette région date du début du XXe siècle, période de découverte de « l’art nègre » par les peintres fauves. Dès 1906, Ambroise Vollard fit réaliser par le fondeur François Rudier un tirage en bronze d’un masque Fang appartenant à Derain qui l’avait lui-même acquis de son ami Vlaminck. Dans le catalogue de l’exposition « Primitivism in XXth. century art », William Rubin, ancien directeur du département Peintures et Sculptures du Metropolitan Museum de New York, précise que Picasso, Braque, Derain, et d’autres artistes possédaient des masques Fang.

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