
Une sculpture mythique de Jean Arp aux enchères à Lorient
Offerte après son décès à la famille de son employée de maison dévouée, une sculpture en ciment inédite de Jean Arp sera dévoilée aux enchères le 11 février à Lorient. Estimée à plus de 60 000 euros, elle illustre le retour à la sculpture de l’artiste qui, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, renoue avec ses premières œuvres en ronde-bosse aux formes biomorphiques.
Au sortir d’une période de deuil faisant suite à la disparition tragique de sa femme, l’artiste-peintre Sophie Taeuber, Jean Arp (1886–1966) renoue en 1946 avec la sculpture, un médium qu’il avait délaissé trois ans durant, et exécute des œuvres surréalistes, à l’instar d’une Sculpture Mythique, pièce maîtresse de la prochaine vente de Thierry-Lannon organisée le 11 février à Lorient. « Alors qu’il s’installe de nouveau à Paris, Jean Arp revient à des thèmes du début de sa carrière et produit alors de grands formats, destinés à être exposés en plein air. C’est dans ce contexte qu’ il faut situer notre œuvre créée en 1949 », explique l’expert Eric Schoeller. Estimée entre 60 000 et 80 000 euros, cette œuvre demeurait jusqu’alors la propriété des descendants d’Antoinette V., l’employée de maison dévouée de Jean Arp. Elle leur fut offerte en 1975 par la seconde épouse de l’artiste, Marguerite Arp.
L’équilibre entre l’éphémère et l’éternel
Membre tour à tour des groupes Dada et Surréaliste, Jean Arp puise son inspiration dans la nature, livrant des œuvres biomorphiques. « Alors qu’il commence à sculpter en 1917, sa plus grande source d’inspiration est l’extrapolation de la nature, sa croissance, sa métamorphose, sa décomposition et son renouvellement », détaille l’expert. Ainsi L’étoile, l’une de ses sculptures les plus emblématiques réalisée pour la première fois en plâtre puis déclinée dans une variété de matériaux entre 1939 et 1960, n’est pas sans évoquer l’étoile de mer ou le fragment microscopique d’un récif corallien. « Jean Arp découvre dans le biomorphisme des formes fluides, organiques et sensuelles, qui lui permettent d’explorer le monde naturel sans le représenter directement », poursuit Eric Schoeller. Libérées de l’impératif naturaliste, les formes onduleuses qu’arbore sa Sculpture Mythique paraissent dès lors se dessiner aléatoirement, guidées par la seule main de l’artiste. « L’abstraction est intégrée à la silhouette de la sculpture, au moyen d’un surface blanche, minérale, et de lignes pures. L’artiste y livre l’essence-même du corps naissant », décrit Eric Schoeller. Une œuvre qui, pour le critique Ionel Jianou (1905-1993), était parvenue à réaliser « l’unité entre le sensible et le spirituel, l’équilibre entre l’éphémère et l’éternel. »

Jean (Hans) Arp (1886–1966) « Sculpture Mythique », 1949. Ciment poli. 64,5 x 30,5 x 27 cm. Estimation 60 000 – 80 000 euros.
Une sculpture en ciment poli de 1949
A la suite de sa visite de l’atelier de Brancusi en 1929, Jean Arp fait du plâtre son matériau de prédilection. « Par sa blancheur et sa malléabilité, le plâtre lui permet de prolonger le jeu du hasard dans la création sensuelle de ses formes. Il apprécie sa métamorphose du liquide vers le solide. » Une mue qu’il retrouve avec le ciment une fois figé, ainsi qu’en témoigne notre sculpture. « Les deux techniques permettent un lien créatif direct avec la matière, sans intermédiaire. » Ainsi, le premier modèle est généralement conçu en plâtre ou ciment, tandis que les reproductions sont fréquemment réalisées en marbre ou en bronze par un atelier dédié sous la supervision de Jean Arp. Notre sculpture, quant à elle, donna naissance à un modèle en plâtre, baptisé Figure mythique, aujourd’hui conservé à la Fondation Arp de Clamart, mais elle est à ce jour la seule version connue en ciment.