Une statuette en ivoire du XVIIe siècle allemand redécouverte à Blois
Une statuette en ivoire représentant Cléopâtre et réalisée par l’un des plus grands sculpteurs allemands du XVIIe siècle, Leonhard Kern, sera présentée aux enchères par la maison Valoir-Pousse-Cornet le 16 mars à Blois. Cette œuvre rare, restée dans la collection d’une famille de l’aristocratie française depuis le début du XXe siècle, est estimée à plus de 50 000 euros.
[Mise à jour, 19 mars 2024] La statuette en ivoire a été adjugée 84 000 euros (frais inclus).
Leonhard Kern (1588-1662) s’est illustré au XVIIe siècle à travers des sculptures, souvent en bois ou en ivoire, remarquables par leur expressivité. La statuette de Blois, haute de moins de 20 centimètres, en un témoignage probant : le sculpteur exprime avec virtuosité la douleur intense dont la reine d’Egypte, Cléopâtre, est la proie alors qu’un serpent venimeux porte une dernière morsure à sa chair vulnérable. « Cette expression intense confère aux Å“uvres de Leonhard Kern une modernité qui le rapproche davantage de l’œuvre d’Aristide Maillol ou de Fernand Botero, plutôt que de ses contemporains », estime l’experte de la vente Isabelle d’Amecourt. Une modernité qui explique le regain d’intérêt que le sculpteur suscita au cours du siècle dernier auprès des collectionneurs, et qui ne s’est pas tari depuis. Les amateurs réserveront sans aucun doute un accueil des plus chaleureux à notre sculpture qui a la particularité d’être signée « LK ». Ce monogramme n’est présent que sur un corpus restreint de treize Å“uvres répertoriées par l’historienne de l’art Elisabeth Grünewald, dont seulement six sont en ivoire.
Leonhard Kern, l’un des plus grands sculpteurs du XVIIe siècle
Originaire de Forchtenber, près de Stuttgart en Allemagne, Leonhard Kern débute son apprentissage auprès de son père, Michael Kern l’aîné, qu’il renforce lors d’un séjour à Rome de deux années en 1613, avant de poursuivre son voyage en Afrique du Nord et en Slovénie. A son retour en Allemagne, il travaille d’abord dans l’atelier de son frère Michael, puis rejoint Heidelberg où il est nommé à la cour de l’Electeur palatin Frédéric V. « L’implication du Palatinat dans la Guerre de Trente Ans le force à quitter Heidelberg et il s’installe en 1620 dans la ville impériale de Schwabisch Hall. Il y fonde son propre atelier, et se spécialise dans la production de petites figurines souvent nues avec des coiffures élaborées », détaille l’experte. En 1648, sa nomination en tant que sculpteur auprès de la cour de Brandebourg lui vaut d’être considéré comme l’un des plus grands représentants de la sculpture baroque allemande.
Une statuette en ivoire de qualité muséale
Notre statuette, datée entre 1640 et 1650, correspond à sa période de pleine maturité. Elle incarne, entre réalisme et classicisme, le goût baroque pour l’expressivité et les courbes féminines voluptueuses, donnant à voir la reine d’Egypte (51-30 av. J.-C.) Cléopâtre en train de mettre fin à ses jours. « L’attrait unique de l’ivoire pour le sens du toucher permet d’exprimer la vulnérabilité de sa chair », décrit Isabelle d’Amecourt. Plusieurs musées allemands, à commencer par le Bode museum à Berlin, conservent des figurines en ivoire similaires représentant Cléopâtre avec une même virtuosité d’exécution dans le modelé du corps, ainsi que dans le traitement des cheveux et des expressions.