Le 29 mars 2023 | Mis à jour le 15 mars 2024

Tintin au pays des collectionneurs aguerris

par Clémentine Pomeau-Peyre

La publicité disait « Tintin pour les jeunes de 7 à 77 ans ! ». Ce n’est pas tout à fait le profil des collectionneurs d’albums passionnés par cet univers. Décryptage de ce marché complexe et technique, dans lequel chaque détail compte.

 

Au Congo, au Tibet, en Amérique ou sur la lune : les aventures de Tintin le petit reporter passionnent depuis presque 100 ans. Tout commence le 10 janvier 1929 avec Tintin au Pays des Soviets. « C’est le premier album, il a donc un côté mythique, souligne l’expert Xavier Libon, parce que c’est aussi la naissance de la ligne claire ». Cette ligne claire typique de la bande dessinée franco-belge désigne un style graphique épuré, dans lequel chaque élément est cerné d’un trait d’encre noire, isolant ainsi les couleurs les unes des autres. « Ce premier album est une édition du Petit Vingtième, supplément hebdomadaire du journal Le Vingtième Siècle. Il a d’abord été tiré à 500 exemplaires mais ceux-là sont introuvables, et ensuite à 10 000 exemplaires en tout », poursuit l’expert qui annonce une estimation de 9 000 à 10 000 euros pour un 8e mille proposé aux enchères le 4 avril à Roubaix. Cette « place » dans le tirage figure sur la page de garde et plus elle est proche du début, plus la cote augmente. Ce premier album a été réimprimé en 1981.

 

Les Aventures de Tintin reporter du Petit Vingtième au pays des soviets. Ed. du Petit Vingtième 1930. 8e mille. 2e plat blanc. Estimation : 9 000- 10 000 euros.

 

Tintin au Congo, premier Casterman

Second de la série imaginée par Hergé, le souvent controversé Tintin au Congo. La première édition est imprimée par le Petit Vingtième en 1931 (valeur d’un album 7e mille, environ 8 000 à 9 000 euros), les suivantes par Casterman en 1937 (4 000 à 5 000 euros), 1941 (1 500 à 2 000 euros) et 1942 (1 400 à 1 600 euros). C’est à partir de cette dernière date que les couvertures changent, pour tous les albums : au lieu d’un dessin encadré sur un fond beige, l’image occupe toute la place…

 

Les Aventures de Tintin au Congo éd. du Petit « vingtième» 1931. 7e mille 2ème plat. P2 édition avec les bandeaux « cœurs vaillants ». Estimation : 8 000 – 9 000 euros.

 

Des Tintinophiles en quête de la perle rare

Autre modification importante en 1942 : si les neufs premiers albums de Tintin paraissent en noir et blanc entre 1930 et 1942 et avec une pagination autour de 100 pages, les suivants contiendront seulement 62 pages entièrement en couleurs. Et les premiers albums seront révisés pour les éditions suivantes par Hergé pour cadrer avec ce nouveau cahier des charges… Plus généralement, « chaque nouvelle édition des albums Tintin montre de petites différences avec la précédente ou la suivante, alerte Xavier Libon. C’est un univers extrêmement technique et précis ». Changement de couleur des gardes, des pages de couverture, de leur couleur, d’image pour le dos… Casterman a, volontairement ou non, brouillé les pistes et suscité des vocations d’archéologues ! Exemples : l’album des Cigares du Pharaon a été édité une seule fois en 1942 avec une image de couverture différente et inédite (valeur du 30e mille 4 000 à 5 000 euros), et des éditions dites « Princeps » en série limitée  avec une dédicace imprimée étaient offertes à chaque lancement par Casterman à la famille, aux amis, et à la presse (valeur d’une édition princeps de Vol 714 pour Sydney de 1968 : 1 300 à 1 500 euros).

Pour les collectionneurs, cela ne s’arrête pas là : certains cherchent les éditions originales en langues étrangères, la plupart du temps moins onéreuses que celles en français… Mais c’est différent pour certaines langues rares. Quelques aventures de Tintin ont ainsi été traduites en farsi au début des années 1970, mais en 1979, le gouvernement iranien a décidé de les interdire, et de détruire les exemplaires déjà importés. Ces albums sont donc particulièrement difficiles à trouver et très recherchés sur le marché.

 

Des albums aux véhicules Atlas, des spécialités variées

« Le socle d’une collection Tintin, ce sont bien sûr les albums et de préférence les premières éditions, rappelle Xavier Libon. Parce que les dessins originaux, c’est devenu financièrement inaccessible ». Difficile en effet d’entrer dans la compétition lorsque les prix s’envolent à plus de 2,16 millions d’euros, prix atteint pour un dessin de couverture de Tintin en Amérique vendu chez Artcurial en février dernier… D’autres possibilités bien moins onéreuses s’offrent néanmoins aux collectionneurs : les cartes de vœux signées Hergé (moins de 200 euros), des exemplaires du Petit Vingtième (200 à 250 euros pour une année complète) ou du Journal de Tintin (200 à 250 euros pour une année, première parution en 1946), des véhicules de la collection Atlas (600 à 800 euros pour 70 voitures et camions)… « Chaque collectionneur développe une ou plusieurs spécialités, indique l’expert. Leurs points communs sont d’être très bien informés sur les subtilités du marché et d’y consacrer du temps car le budget ne fait pas tout dans cet univers ». Il remarque que ces amateurs sont pour l’essentiel francophones (français, belges, canadiens, suisses…), masculins et autour de la cinquantaine, « car il faut avoir des moyens financiers importants pour se lancer ! ».

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