Pauline Murat expertise une paire de globes du XVIIe siècle
Une paire de globes céleste et terrestre a été confiée à la maison de vente Coutau-Bégarie. Pauline Murat de Chasseloup Laubat, élève commissaire priseur, nous propose de revivre en direct l’expertise de ces objets anciens, livrant ses observations et le fruit de ses recherches sous l’œil aguerri de son maître de stage, le commissaire-priseur David Gelly.
Les commissaires-priseurs en herbe, dont l’Association Nationale des Elèves Commissaires-Priseurs (ANECP) assure la cohésion, proposent deux fois par mois aux lecteurs du Magazine des enchères de revivre en direct un travail d’expertise mené à quatre mains dans les coulisses des salles des ventes. Aujourd’hui, c’est au tour de Pauline Murat de Chasseloup Laubat, élève commissaire-priseur chez Coutau-Bégarie & Associés auprès d’Olivier Coutau-Bégarie, Alexandre de La Forest Divonne et David Gelly, de se prêter à l’exercice. Sous l’œil aguerri du commissaire-priseur David Gelly, elle décrypte une paire de globes céleste et terrestre de table du XVIIe siècle…
Premières impressions ?
Pauline Murat de Chasseloup Laubat : Je découvre ces globes lors de la préparation de notre vente Mobilier et objets d’art d’octobre. Je suis d’abord intriguée par l’ornementation des globes : une mappemonde ancienne pour l’un, une carte représentant les constellations pour l’autre. Ces ornementations sont réalisées sur papier gravé, rehaussé de couleurs et collé sur des sphères de bois. La carte terrestre, bien que précise, est éloignée de celle que nous connaissons aujourd’hui ce qui me fait immédiatement penser à des objets anciens. Sans savoir exactement à quelle période associer ces globes, je m’aperçois qu’ils ne peuvent être antérieurs au XVIIe siècle. En effet, la mappemonde figure la Nouvelle-Zélande, découverte dans les années 1640. Par ailleurs, les petites dimensions des deux globes m’intriguent : je suis habituée aux globes de taille moyenne, comme ceux que l’on utilise enfant pour apprendre la géographie, ou au contraire, aux globes de tailles monumentales présents dans les collections nationales.
Une signature ?
Pauline Murat de Chasseloup Laubat : Après un premier examen sommaire, je prends le temps de lire les diverses inscriptions afin d’y déceler un nom ou une éventuelle signature. Deux inscriptions figurent sur les sphères : « Auctore / P. / Cosmographo / Coronelli / Venetijs / 1697 » dans un cartouche sous l’Australie et « Illustris : / D. D. / Ant de V. Comitib, / G. P. / N Comi » dans un écu pour la carte céleste. Je déduis que ces deux objets sont de productions européennes, provenant sûrement de Venise et peut-être réalisés par le géographe Coronelli dont j’ignore encore tout.
David Gelly : Après un examen des globes, je conseille à Pauline de faire des recherches sur Coronelli et de les présenter à notre expert Haute Époque, Benoît Bertrand. Ses recherches confirment nos premières impressions et les étayent : nous avons face à nous deux pièces rares !
Un contexte de réalisation ?
Pauline Murat de Chasseloup Laubat : Je fais alors quelques recherches sur Coronelli dont le nom est mentionné sur les mappemondes. Je découvre qu’il s’agit de Vincenzo Coronelli (1650-1718), frère franciscain à Venise et éminent géographe réalisant de nombreuses cartes. Il met au point un procédé de fabrication de globes terrestres, allant des plus petits, comme les nôtres (H. : 15 cm – L. : 13 cm), aux plus monumentaux comme ceux conservés dans les collections de la Bibliothèque nationale de France et mesurant quatre mètres de diamètre. Ses réalisations sont le fruit de commandes prestigieuses, les instruments scientifiques étant alors réservés à une certaine élite. Ainsi, le cartographe réalise des globes notamment pour le Duc de Parme ou Louis XIV.
David Gelly : Nous effectuons des recherches dans les diverses collections afin de trouver des modèles similaires. Une paire identique réalisée par Coronelli est conservée au musée du Louvre ; une seconde paire identique, signée Willem Jansz Blaeu et datée 1616, est conservée dans les collections de la Hispanic Society of America à New York. Nous découvrons également qu’il n’existe que trois exemplaires de cette taille en collection privée !
L’état de conservation ?
Pauline Murat de Chasseloup Laubat et David Gelly : Les montures sont postérieures mais complètent parfaitement ces petits globes et évoquent celles du Louvre et de la Hispanic Society. Elles se composent de deux anneaux comportant une table d’horizon gravée d’une échelle zodiacale et d’une échelle calendaire. Concernant les globes eux-mêmes ils sont en très bon état général même si l’on note de légères déchirures.
Une estimation ?
Pauline Murat de Chasseloup Laubat : Découvrant ce type d’objet pour la première fois, j’hésite à donner une estimation. David Gelly et Benoît Bertrand m’aiguillent vers une estimation entre 10 000 et 15 000 euros en accord avec l’ancienneté, la rareté et la préciosité de ces objets.
David Gelly : Comme le précise Pauline, au regard de la rareté de ces globes et l’attrait grandissant sur le marché pour les objets anciens, nous espérons que cette paire de globe saura intéresser les collectionneurs et institutions muséales souhaitant ajouter à leurs collections des pièces témoignant des connaissances géographiques du XVIIe siècle.
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