Commencer une collection d’art contemporain avec le créateur du MAC/Val
Vendredi 9 février 2018 à Paris, plus de 200 œuvres de la collection du célèbre critique d’art français Raoul-Jean Moulin (1934-2014) seront mises en vente par Maîtres Guillaume Crait et Thomas Müller. Cet ensemble hétérogène de toiles, sculptures ou gravures réalisées depuis les années 1960 est l’occasion idéale pour débuter une collection. Suivez le guide…
Le regard avisé d’un connaisseur
Pour constituer sa propre collection d’œuvres d’art, le mieux est de faire confiance au regard et aux goûts d’un expert en la matière : la vente de Maîtres Guillaume Crait et Thomas Müller est l’occasion idéale pour se lancer. Les deux commissaires-priseurs disperseront vendredi 9 février 2018 à Paris la collection d’un acteur majeur de l’art contemporain : Raoul-Jean Moulin. Ce critique d’art qui écrivit pour le quotidien L’Humanité, les Lettres Françaises ou encore la revue d’art contemporain Opus international, participa activement à la promotion des artistes, entre les années 1960 et 2000. « A l’époque, le rôle du critique d’art était tout autre, comparable à celui qu’ont aujourd’hui des hommes d’affaires comme François Pinault avec leurs fondations, détaille Gilles Frassi, expert en tableaux modernes et contemporains. Ils étaient de véritables promoteurs et organisaient même les expositions des artistes.» En 1972, Raoul-Jean Moulin est ainsi en charge du Pavillon français de la 36e Biennale de Venise. Dix ans plus tard, il est nommé directeur du Fonds départemental d’Art contemporain du Val-de-Marne (FDAC), un programme destiné à soutenir la création contemporaine dans le département, transformé en 2005 en un musée d’art contemporain à Vitry-sur-Seine, le MAC/Val. « Toute sa vie il aura participé au développement de l’art contemporain, donnant à découvrir des artistes peu connus en France. »
Des coups de cœur
Au contraire de ses confrères critiques Pierre Restany qui soutint les Nouveaux Réalistes, ou Michel Tapié qui se fit le chantre de l’abstraction lyrique, Raoul-Jean Moulin n’a pas favorisé un mouvement plus qu’un autre. « C’était un véritable boulimique de culture qui rassembla des œuvres contemporaines sans fil conducteur, se laissant aller au coup de cœur. C’est à mon sens la meilleure démarche à adopter pour tout collectionneur. J’ai d’ailleurs moi-même été touché par l’œuvre de l’artiste libanaise Huguette Caland (née en 1931) dont les toiles des années 1970 sont teintées d’érotisme, traitées de façon ludique, avec beaucoup humour. » Parmi les quelques 200 œuvres mises en vente, des artistes de l’Europe de l’Est, d’Amérique du Sud ou du monde arabe peu connus en France côtoient des figures incontournables de l’art français tels que Pierre Soulages, Olivier Debré, Pierre Tal-Coat ou Jacques Monory. « Ce n’est pas une “collection” d’objets inanimés en un certain ordre assemblés, mais une accumulation de moments de joie et de communion intellectuelle, militante et humaine », note le journaliste et spécialiste d’art contemporain Stéphane Corréard. « On y retrouve la plupart des artistes que Raoul-Jean Moulin a regardés, aimés, escortés, aidés, ceux dont il a voulu témoigner auprès du plus grand nombre de la qualité, de la beauté et de la grandeur de leurs créations. »
Des œuvres originales à prix accessibles
« Raoul-Jean Moulin a l’opportunité d’explorer, souvent en pionnier, des scènes artistiques encore très mal connues, en Europe de l’Est ou en Amérique du Sud, notamment », poursuit Stéphane Corréard.
Sympathisant communiste, le critique d’art rejoigna le bloc de l’Est en pleine Guerre froide, envoyé en 1975 aux côtés des artistes Ladislas Kijno et James Pichette pour une mission organisée par l’Union des Arts Plastiques Français. Il y rencontra les artistes slovaques Stano Filko (1937-2015) et Julius Koller (1939-2007), les tchèques Eva Kmentová (1928-1980), Vladimír Boudník (1924-1968), Alex Mlynárčik (né en 1934) et Jiri Kolar (1914-2002) ou encore la sculptrice polonaise Alina Szapocznikow (1926-1973), dont il diffusa les œuvres à son retour en France.
« Un artiste comme Stano Filko est célèbre en Slovaquie, commente Gilles Frassi. Ses œuvres s’y vendent parfois à plusieurs milliers d’euros. Mais il est moins connu en France. Ainsi plusieurs de ses toiles, techniques mixtes ou impressions diverses mises en vente sont estimées à moins de 1 000 euros. »
De même, des huiles de l’artiste serbe Batta Mihailovitch (1923-2011) seront accessibles dès 150 euros, comme bon nombre d’œuvres originales de cette vente estimées à partir d’une trentaine d’euros, à l’image des toiles de l’un des artistes majeurs de la peinture informelle, Ladislas Kijno (1921-2012). « Des prix particulièrement accessibles pour des œuvres aussi bien datées, réalisées à l’apogée de chacun des mouvements, et liées à une histoire, celle des années 1960-1970. »
Des documents intimes et historiques
« Cette vente regroupe un ensemble de coups de cœur, mais aussi des cadeaux et souvenirs liés à des rencontres, remarque Gilles Frassi.» Plus qu’une galerie d’œuvres d’art, la vente offre l’opportunité d’acquérir de véritables documents d’histoire de l’art. Parmi eux, des œuvres dédicacées succéderont à des cartes de vœux pourvues d’estampes numérotées et estimées en lot à partir de quelques dizaines d’euros. « Ce sont de véritables sources documentaires qui permettent de pénétrer le processus créatif des artistes. Ces derniers se confiaient beaucoup au critique et lui adressaient des courriers très personnels. A ce titre, une suite de quatre techniques mixtes sur papier de Pierre Buraglio est agrémentée d’un courrier particulièrement engagé que le peintre adressa à Raoul-Jean Moulin en 1986 en faveur de la paix.» « Je rencontre plus de difficultés que prévu, se confie ainsi l’artiste. Enfin, je voudrais ne pas échouer […] Je te téléphonerai jeudi pour avoir ton avis et réaliser une maquette […] en quatre couleurs – après corrections. » Pour Gilles Frassi, « ces véritables petites perles, estimées seulement autour de 200 euros, sont idéales pour commencer une collection. »
Découvrez toutes les œuvres de la collection Raoul-Jean Moulin en vente le 9 février à Paris
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