
Comment reconnaître un meuble dit «remonté» ?
Un confiturier alliant une porte à pointes de diamants authentique à des éléments en bois de récupération. Ce type de meuble dit « remonté » associe une structure récente avec des éléments provenant d’un ou plusieurs meubles anciens. Jacques Dubarry de Lassale dévoile ses astuces pour reconnaître ces meubles dits « remontés » à partir de l’expertise d’un dressoir du XIXe siècle.
Le meuble que je vous propose d’examiner est un dressoir, en bois de chêne et de châtaignier, construit à partir de quelques éléments anciens réemployés [photo 1, ci-dessous]. Le dressoir est un meuble constitué d’un petit buffet à deux vantaux, monté sur de hauts pieds avec ou sans tablette d’entrejambe, et qui peut comprendre un gradin. Il est parfois orné, sur les angles, de pilastres simples, sculptés de grotesques ou cannelées. Celui-ci n’est pas de fabrication récente puisqu’il date du XIXe siècle, époque durant laquelle on appréciait le style néo-gothique ou néo-Renaissance et que l’on qualifie actuellement de « période troubadour ». Il a été confectionné dans le goût de la fin de la première Renaissance française. Lorsqu’on l’examine à une certaine distance [photo 1], on remarque que les proportions ne sont pas harmonieuses : le haut et le bas ne coïncident pas.

Photo 1. Dressoir du XIXe siècle.
Les portes
Le dosseret du corps inférieur [photo 2] est constitué d’une façade sculptée de coffre régional qui a été rallongée. Le décor a été complété par une sculpture plus tardive. Les deux portes du corps supérieur sont faites à partir d’éléments anciens. L’encadrement monté à coupe d’onglet, tenons et mortaises traversant, est chevillé, mais les chevilles ne débouchent pas [photo 8]. Le ferrage des portes [Ndlr. Le ferrage consiste à munir les éléments mobiles d’un meuble de pièces métalliques d’articulation et de fermetures] devrait être à charnières lardées, et non pas avec des fiches à lacet [voir photos 3 et 5], ce système de fiches à lacet étant apparu sous Louis XIV.
Le bâti
Le bâti du meuble est assemblé à tenons et mortaises collés et non chevillés, ce qui est tout à fait anormal [photo 6]. Sur l’arrière du meuble [photo 7], on perçoit très nettement le réemploi de la façade d’un vieux coffre, avec des traces de sciage manuel [1], des traces d’herminette [2], des traces de chevilles inutiles [3]. L’envers de la porte de droite, montre bien l’emplacement d’une ancienne serrure dont le logement a été rebouché avec une planchette de châtaignier. Preuve supplémentaire d’éléments réemployés.
Les tiroirs
Les deux tiroirs ne sont composés d’aucun élément ancien. Fabriqués en châtaignier, ils dénotent une fabrication typiquement XIXe siècle avec des côtés qui se prolongent à l’arrière [photos 9 et 10], et la planchette arrière moins haute que celles des côtés [photo 10]. La sculpture des façades de tiroirs, sur le thème d’animaux fantastiques, est récente, ainsi que les anneaux de tirage maintenus en place par des écrous à six pans. Comme beaucoup de ces meubles, il a été teinté au brou de noix pour lui donner une patine. Mais très souvent, cette teinture étant passée une fois le meuble achevé, il apparaît après le retrait dû au séchage du bois, sur les bords des panneaux embrevés, un filet de bois clair non teinté très révélateur.
Un style repérable
En conclusion, avec un peu d’observation, ce genre de meuble remonté n’est pas difficile à détecter dans la plupart des cas. Des traces de machine outil (scie à ruban, scie circulaire, dégauchisseuse) sont facilement repérables. A l’époque, ces meubles étaient fabriqués avec un objectif de décoration et non pour tromper sur l’époque réelle de fabrication. Il ne faut pas les confondre avec les faux faits pour tromper, qui comportent de nombreux éléments anciens et qui sont beaucoup plus difficiles à repérer.
Photo en Une : Meuble crédence en chêne mouluré et sculpté à décor de feuillages, et tête d’angelot, ouvrant à trois portes en partie haute. Meuble composé d’éléments XVIIe et remonté au XIXe siècle. Dim: H 194 x 195 x 57 cm. Adjugé 400 euros par Limoges Enchères le 29 juin 2019 à Limoges.
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