
Expertise : une pendule portique d’époque Louis-Philippe
La production horlogère est marquée au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle par un désir d’innovation de la part des horlogers et bronziers qui façonnent un éventail de modèles audacieux, comme la pendule portique créée sous le règne de Louis XVI et se distinguant tant par ses qualités esthétiques que par la précision de son mouvement. Jacques Dubarry de Lassale examine l’une des nombreuses déclinaisons de la pendule-portique, à travers l’expertise d’un modèle d’époque Louis-Philippe.
Le modèle de pendule [photo 1, ci-dessous], apparu dès l’Empire, que nous allons examiner est généralement plaqué d’acajou, de ronce d’acajou ou de bois clairs tels que le frêne, l’érable moucheté, le citronnier, le sycomore, ou encore conçu totalement en bronze ou en albâtre.

Photo 1 : Pendule de forme portique, d’époque Louis-Philippe, plaquée d’acajou à marqueterie de fleurs en buis.
Le style et la caisse
Bien que la garniture de bronze et le mouvement [photo 2] soient typiquement dans l’esprit de la Restauration, la marqueterie de fleurs ne peut pas être antérieure à l’époque de Louis-Philippe. C’est pourquoi cette pendule peut être datée de l’époque Louis-Philippe. La caisse est en chêne plaqué de palissandre de Rio, scié au bois montant, et marqueté de fleurs et feuillages en buis. La marqueterie est découpée en superposé (méthode Boulle) et légèrement ombrée au sable chaud. Les colonnes sont incrustées de filets de buis [photo 2], comme les modèles d’époque Restauration. Le caisson inférieur repose sur de petits pieds en buis tourné.

Photo 2 : Le mouvement, dit « de Paris », porte la marque sur la platine arrière « Grange et Betout à Paris ». La suspension du balancier est métallique et la roue de compte est à cinq branches.
Un socle d’origine monté sur un tour à bois
Le socle, qui supporte la cloche de verre, est également marqueté de fleurs sur fond de palissandre de Rio, le tout plaqué sur du peuplier. Sur la photo 3, on distingue nettement des traces de sciage mécanique et le nombre 2 260 marqué à l’encre. Ce même numéro est inscrit sous le caisson inférieur de la pendule, ce qui indique bien que l’ensemble est d’origine. Par ailleurs, il est intéressant de noter que ce socle a été monté sur un tour à bois afin d’arrondir les quatre angles [voir les traces de fixation sur la photo 3].

Photo 3 : Le dessous du socle en peuplier présente des traces de sciage mécanique, une trace de fixation sur un tour à bois pour arrondir les quatre angles et un numéro inscrit à l’encre « 2260 ».
Une pendule estampillée Pigneret et Cie
A partir du XIXe siècle, l’estampille ne reflète plus la compétence d’un homme mais celle d’un atelier, le corporatisme ayant été aboli à la Révolution française. Ici apparaît une marque au feu « Pigneret et Cie » [photo 4]. Nous savons peu de choses sur cet ébéniste. Marin Pigneret exerçait au 195 rue Saint-Antoine à Paris. Il épousa Louise-Catherine Houbert. Il fit faillite le 7 mars 1826 et obtint l’année suivante un contrat d’union, ce qui explique sa marque « Pigneret et Cie ». Cette caisse de pendule est de ce fait postérieure à 1826. Au contraire, la signature « Pigneret », accompagnée non pas de la mention « Cie » mais de trois points en triangle, que l’on observe sur la pendule d’époque Restauration en photos 5 et 6 indique un travail antérieur à 1826.
Le mouvement, les bronzes, la dorure et le globe
Le mouvement de notre pendule est dit « de Paris ». Il porte la marque « Grange et Betout à Paris » sur la platine arrière [photo 2]. Aucun de ces deux horlogers ne figure dans le Dictionnaire des horlogers français de Tardy. La suspension du balancier est métallique et d’origine. La roue de compte déclenchant la sonnerie est à cinq rayons, modèle très classique des mouvements parisiens. Quatre colonnes baguées avec tailloir en bronze doré au mercure sont ornées de feuilles de lotus très finement ciselées [photo 2]. Le cadran est en bronze ciselé, guilloché et argenté. Il est entouré d’une frise décorative de roses [photo 1]. Le balancier en bronze doré au mercure, représente une grande coquille surmontée de dauphins affrontés. Certaines parties sont rehaussées d’une partie vieux bronze. La dorure est à l’or moulu, c’est-à-dire une dorure au mercure. Les bronzes ont tous été dorés selon cette technique jusqu’à l’invention de l’électrolyse sous Napoléon III, à l’exception des vernis or que l’on rencontrait déjà sous Louis XIV et que l’on utilise encore actuellement pour des raisons économiques, car la dorure au mercure a toujours coûté extrêmement cher. Comme la plupart des pendules de cette époque, celle-ci est recouverte d’un globe de verre soufflé destiné à protéger les belles dorures. Ce globe est arrondi dans les angles et bombé sur le dessus. Le joint entre le socle et le globe est assuré par une chenille de velours.
Comparaison avec des modèles d’époque Empire et Restauration
Comparons les productions des trois époques, à travers l’expertise de modèles Empire, Restauration et Louis-Philippe. Le modèle d’époque Empire [photo 9], à colonnes en bronze doré au mercure, a un tour de cadran orné de feuilles de lotus finement ciselées [photo 10]. Le cadran est émaillé et les aiguilles sont dites de « Bréguet ». Le balancier est à compensation [photo 11], c’est-à-dire à tiges alternées de cuivre et d’acier, et à suspension métallique, à savoir que l’accrochage au mouvement se fait au moyen d’une petite lame métallique traversée par une goupille sur laquelle s’accroche le sommet du balancier. Le modèle d’époque Restauration [photo 6], antérieur à 1827 pour les raisons évoquées plus haut, fonctionne avec un balancier lourd à compensation et suspension métallique. Le modèle Louis-Philippe, estampillé après 1826, est à balancier lourd mais sans compensation et à suspension métallique.
Pendule portique en bois noirci et bronzes ciselés et dorés tels chapiteaux, applique et tablier, le cadran circulaire en étain à chiffres romains en noir ceinturé d une frise de rinceaux. Epoque Louis-Philippe. 48 x 26 x 15 cm. Avec une cloche et un contre socle. Adjugée 140 euros le 13 juin 2022 par Vassy-Jalenques-Courtadon à Clermont-Ferrand.
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