La cote des sculptures animalières de Barye à Lalanne
Des lions, des chevaux, des vaches, des chiens, des oiseaux ou des antilopes : tous les animaux ont un jour inspiré un artiste. Réalistes ou stylisées, ces œuvres alimentent un marché solide. Tour d’horizon à l’occasion de la vente Bestiaire organisée par la maison Millon le 23 mars à Paris.
De Barye à Fratin, la grande époque du bronze animalier
La première grande époque du bronze animalier commence vers 1840 avec des artistes tels que Antoine-Louis Barye, Pierre-Jules Mène ou Christophe Fratin. « Ils ont surtout représenté des animaux de la ferme, et pour Barye en particulier, un certain nombre de félins et quelques animaux exotiques », détaille l’expert Alexis Jacquemard. Pour travailler de la façon la plus détaillée possible, Barye fréquente alors les ménageries. Un courrier resté célèbre lui est adressé en juin 1829 par Eugène Delacroix : « Le lion est mort. Au galop. Le temps qu’il fait doit nous activer. Je vous y attends ». La mort du lion est à l’époque une occasion unique d’étudier son anatomie !
Chez les fondeurs, l’époque est alors aux éditions importantes… Voire trop importantes. Si un sujet a du succès, il est fabriqué à des centaines d’exemplaires, et parfois en plusieurs tailles. Barye, toujours lui, « a vendu les droits de ses créations de son vivant, et Barbedienne en a beaucoup profité, analyse l’expert, et son succès a de plus suscité des vocations de surmoulages » [N.d.l.r. le surmoulage correspond à une épreuve réalisée sans l’accord de l’artiste, à partir d’un bronze et non d’un plâtre, ce qui donne une finition moins précise]. Pour atteindre 5 000 à 7 000 euros, un Cheval turc de Barye doit ainsi être issu d’une fonte d’édition ancienne. Idem pour les Deux chiens de Christophe Fratin, estimés en fonte ancienne entre 1 800 et 2 000 euros. Sans information disponibles sur l’importance des éditions, les experts se fondent pour déterminer la valeur des pièces de cette époque sur leur qualité, ainsi que sur leur rareté.
De Pompon à Sandoz, la sculpture animalière au XXe siècle
Second temps dans l’histoire de la sculpture animalière : le XXe siècle, avec cette fois des noms tels que François Pompon, André Vincent Becquerel , Roger Godchaux ou Marcel Sandoz . « La création de zoos dans toutes les capitales encourage les artistes à représenter des animaux plus variés, avec par exemple des otaries, des oiseaux… et leurs représentations sont plus stylisées, ces artistes ont moins l’objectif de représenter la réalité, avance Alexis Jacquemard. Ce sont aussi les sculptures aux prix les plus élevés dans cet univers ». Outre le style de ces sculptures, elles bénéficient également du fait de ne pas avoir été éditées massivement. Des fondeurs tels que Hebrard (qui travaillait avec Rembrandt Bugatti), Valsuani ou Susse frères ont été à cette période plus attentifs à la quantité d’épreuves réalisées. Mais « dans le cas de Pompon, cela reste compliqué, il y a eu des fontes posthumes, rappelle Alexis Jacquemard, cela a des conséquences sur le prix des bronzes, dont la valeur peut varier de 1 à 10 ». Autre exemple, le lapin bijou signé de Sandoz, en général édité par Susse frères. Il en existe des centaines d’exemplaires, mais avec des qualités de fontes différentes, ce qui peut faire varier sa cote entre 800 et 3 000 euros. Du côté des valeurs sûres, un félin par Godchaux peut être adjugé autour de 6 000 à 8 000 euros, un autre par Becquerel peut atteindre 18 000 à 20 000 euros.
D’Audiard à Lalanne, les bestiaires contemporains
Le troisième temps est celui des artistes contemporains, dont Alexis Jacquemard constate, qu’ils « se focalisent souvent sur un seul matériau, alors que leurs prédécesseurs ont souvent essayé la sculpture sur pierre, la céramique… il y a moins d’éclectisme dans leur démarche ». Dans cette catégorie, citons Michel Audiard (comptez 10 000 à 12 000 euros pour un mouton à patine turquoise et résine blanche), Vassil (6 800 à 7 000 euros pour un Ours et son petit en bronze), ou encore les Lalanne dont les œuvres en métal ou résine affolent régulièrement les enchères. En ce qui concerne les tirages, ils sont depuis 1981 régis par le décret Marcus et limités à huit exemplaires plus quatre épreuves d’artistes, ce qui simplifie les recherches des experts.
Ces trois époques attirent des collectionneurs différents, mais majoritairement français et européens, qui s’intéressent à une période, un artiste ou encore un animal… « La plupart connaissent bien le marché, qui offre des cotes stables pour les grands noms, à condition d’avoir des garanties sur l’authenticité ». La valeur d’un bronze est déterminée à la fois par le nom de l’artiste, la qualité de la pièce (sculpture, fonte, patine, ciselure), par sa rareté, et par son pedigree. Si elle vient d’une collection reconnue, si elle est restée dans les mains de la famille de l’artiste, si elle a été fondue du vivant de l’artiste : tous ces éléments comptent.
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