Les estimations de l’ANECP : une lampe Martinelli
Tous les mois, l’Association Nationale des Elèves Commissaires-Priseurs propose aux lecteurs du Magazine des enchères de revivre en direct un travail d’expertise mené par un étudiant dans les coulisses d’une salle des ventes. Ce mois-ci, Camille Tourtaud décrypte une lampe Martinelli Luce sous l’œil aguerri de Caroline Rivière, commissaire-priseur à la Galerie de Chartres.
Les commissaires-priseurs en herbe, dont l’Association Nationale des Elèves Commissaires-Priseurs (ANECP) assure la cohésion, proposent chaque mois aux lecteurs du Magazine des enchères de revivre en direct un travail d’expertise mené à quatre mains dans les coulisses des salles des ventes. Le dernier opus mettait en lumière deux encres d’Olivier Debré décryptées de concert par Mériadec Dehen et Hugo Bensaïaha de l’Hôtel des ventes Giraudeau. Ce mois-ci, Camille Tourtaud élève commissaire-priseur au sein de la Galerie de Chartres, présente une lampe Martinelli, aux côtés de la commissaire-priseur Caroline Rivière…
Première impression ?
Camille Tourtaud : Il s’agit d’un objet du quotidien au design très épuré, une jolie lampe aux formes rondes et harmonieuses. Le bras est pivotant, la lampe peut donc prendre divers aspects. La structure est en métal blanc, tandis que le diffuseur a été fabriqué à partir d’un plastique très particulier, le méthacrylate.
Caroline Rivière : Nous sommes face à un objet qui occupe l’espace et qui est très intéressant car il ne se limite pas à sa fonction d’éclairage. Outre le fait que cette lampe soit modulable en lampe de table ou de bureau, la sophistication de sa ligne et de son volume incite à penser qu’il ne s’agit pas d’un simple modèle industriel. Le travail des matériaux, notamment de la coque plastique mise à la forme, confirme le soin particulier apporté à la confection de cet objet.
Une signature ?
Camille Tourtaud : En retournant la lampe, je m’aperçois que la base porte plusieurs inscriptions. La mention centrale « Martinelli Luce » correspond à la maison d’édition de l’objet. La lampe porte également l’inscription « Design Elio Martinelli » qui signifie que l’éditeur en est également le concepteur. Figurent aussi le nom du modèle, « Serpente Mod. 599 », et la confirmation d’une fabrication d’origine italienne, « Made in Italy ».
Caroline Rivière : Là encore, les matériaux nous renseignent… L’abat-jour est en plastique et donc très probablement de la seconde moitié du XXe siècle. A cette période, le design se déploie entre une tendance scandinave très axée sur le bois, ce qui n’est pas le cas ici, et une recherche plus méridionale sur le traitement et le rendu des surfaces et des lignes, notamment en Italie (les meilleurs exemples étant peut-être en carrosserie).
Un mouvement artistique ?
Camille Tourtaud : Plusieurs indices me conduisent à inscrire cette lampe dans le design italien des années 1960. A commencer par les indications sous la base, mais aussi du fait de l’utilisation d’une matière plastique pour le diffuseur, ainsi que la forme de la lampe en elle-même.
Caroline Rivière : La ligne rompt avec tout ce qui s’est fait jusqu’alors. Elle fait la force du design de l’époque dont les formes sont très innovantes, grâce notamment, aux nouveaux matériaux qui repoussent les contraintes techniques.
Un sujet ?
Camille Tourtaud : Le nom du modèle « Serpente » évoque la modulabilité permise par son bras pivotant.
Caroline Rivière : On retrouve dans ce modèle la force du design italien qui puise ses sources et références dans une culture très riche. Ici, la ligne serpentine des maniéristes de la Renaissance est réduite à l’essentielle, c’est-à-dire à son fonction.
Une date de fabrication ?
Camille Tourtaud : Les lampes d’Elio Martinelli les plus connues ont été conçues en Italie dans les années 1960. Pour ce modèle, nous connaissons la date de création exacte : 1965.
Caroline Rivière : Les indications portées sur la lampe et sa patine orientent effectivement vers un modèle assez ancien.
L’état de conservation ?
Camille Tourtaud : Cet exemplaire est en bon état, nos avons remarqué quelques petites rayures et de légers frottements dus à son utilisation. Nous n’avons cependant pas testé son montage électrique.
Caroline Rivière : Elle est même en très bon état et c’est une chance ! Le plastique est un matériau encore jeune à l’époque, les designers ont très peu de recul sur son vieillissement. On le voit sur certains jouets qui nous sont confiés et sont complètement déformés. Ici, l’abat-jour n’a pas bougé.
Une estimation ?
Camille Tourtaud : Cette lampe est passée aux enchères le 22 octobre à la Galerie de Chartres avec une estimation comprise entre 300 et 500 euros et a trouvé preneur à 695 euros (fris inclus). Ce type de lampe plaît tout aussi bien aux collectionneurs de design italien des années 1960 qu’aux amateurs de décoration intérieure. En effet, son design et sa couleur lui permettent de s’intégrer à tout type d’intérieur qu’il soit moderne ou ancien.
Caroline Rivière : Et puis elle est abordable, plus fonctionnelle et plus inédite que sa célère cousine née la même année, la Pipistrello…