Les souvenirs du Château de la Bourdonnaye aux enchères à Angers
Le 28 février à Angers, la maison Deloys dispersera aux enchères un ensemble exceptionnel de meubles et tableaux classiques provenant du Château de la Bourdonnaye, une propriété exceptionnelle du XIXe siècle située dans le Morbihan, ainsi que plusieurs chefs-d’œuvre issus de collections particulières, dont une version réduite des Trois Grâces du Baron Regnault, un tableau conservé au musée du Louvre.
[Mise à jour, 4 mars 2024] Les Trois Grâces du Baron Regnault a trouvé preneur à 160 000 euros (frais inclus) tandis que la suite de quinze enluminures de l’Ecole du Val de Loire était préempté par le musée du Louvre pour 48 800 euros.
A Carentoir, entre Rennes et Vannes, un parc romantique de 30 hectares, offrant une vue imprenable sur la campagne du Morbihan, accueille un chef-d’œuvre du XIXe siècle : le château néo-Renaissance de la Bourdonnaye. De cette propriété, achevée en 1898 et inscrite au titre des Monuments historiques, la maison Deloys s’apprête à disperser les souvenirs – un ensemble exceptionnel de meubles, objets d’art et tableaux classiques qui quitteront leur écrin à l’issue d’une vente qui se tiendra le 28 février à Angers.
La galerie de portraits du Château de la Bourdonnaye
Les collections du château sont composées de nombres portraits, à commencer par un imposant Portrait en pied de la marquise de Bethisy à la robe rouge peint en 1859 par Félicie Schneider (5 000 – 7 000 euros) qui ne devait pas laisser les visiteurs indifférents lorsqu’ils pénétraient dans les lieux. Ils pouvaient, au détour de leur visite, rencontrer également François Hugues Ferdinand, prince de Nassau, portraituré par une Ecole hollandaise vers 1700 (4 000 – 6 000 euros), ou encore le marquis de Pimodan, sculpté dans un marbre blanc par Julien Toussaint Roux (2 000 – 3 000 euros). Une Vue du Château de Blossac, un château qui appartenait à la même famille, peinte en 1859 (2 500 – 3 000 euros), deux paires de luxueuses bibliothèques XIXe siècle marquetées de style Louis XIV (8 000 – 12 000 euros), ainsi que de nombreux autres meubles, tableaux et objets d’art, estimés à partir d’une dizaine d’euros, seront également dispersés à cette occasion.
Des enluminures réalisées vers 1500 dans le Val de Loire
La pièce maîtresse du château reste néanmoins une suite d’enluminures de l’Ecole du Val de Loire, vers 1500 (50 000 – 70 000 euros). Celle-ci dévoile en quinze vignettes, exécutées à la gouache et rehauts d’or sur parchemin, les scènes de la Passion du Christ. Ces feuillets, autrefois isolés, ont sans doute été réunis dans un cadre à la fin du XIXe siècle ou au début du XXe siècle. Ils reçoivent chacun une enluminure au recto, et le texte de versets au verso. « Si l’on reconnait l’art des deux maîtres incontestés de l’enluminure à Tours à la fin du XVe siècle que furent Jean Fouquet et Jean Poyer, artistes indépendants servant la royauté ou des personnages de haute qualité, le cabinet Turquin, qui a expertisé cette œuvre, suggère que d’autres artistes, qui suivaient de près les modèles des grands peintres, aient pu intervenir sur l’ensemble présenté », explique le commissaire-priseur Florian d’Oysonville. Au XVIe siècle, les commandes émanant d’une population tourangelle lettrée, civile ou religieuse, affluent. Pour y répondre, les ateliers recrutent ainsi des enlumineurs plus modestes qui s’inspirent des réalisations des artistes les plus éminents, puisant dans les modèles qui circulent alors dans des carnets. Plusieurs vignettes ici évoquent notamment les scènes des Heures d’Etienne Chevalier, peintes par Jean Fouquet entre 1452 et 1460.
Deux tableaux du Baron Regnault, dont une version réduite des Trois Grâces du Musée du Louvre
Lors de cette vente, des œuvres issues de collections privées diverses seront également présentées, dont deux tableaux du Baron Regnault (1754-1829) provenant de la vente après-décès de son atelier du 1er mars 1830. Le premier, un panneau de 61,5 x 45,5 cm (80 000 – 120 000 euros), est une version réduite des Trois Grâces du musée du Louvre. « Regnault se retire des Salons et de de la vie publique après 1802. Il constitue alors une collection de répliques de ses grands formats exposés précédemment, et que l’on retrouve dans la vente qui eut lieu dans son atelier après sa mort. Comme souvent chez Regnault, la fable mythologique lui sert de prétexte à peindre de beaux nus sensuels », précise le commissaire-priseur.
Le second, une toile de 82 x 64 cm (40 000 – 60 000 euros), est une version réduite d’Hercule délivrant Alceste, un tableau de plus grand format dont la trace a été perdue depuis sa vente en 1912, et qui fut exposé en 1799 au « Palais des Sciences et des Arts » au Louvre, et au Salon de 1802. « Le sujet de notre tableau, tiré de la mythologie grecque, fournit à Euripide l’argument de sa plus ancienne pièce de théâtre qui nous soit parvenue (438 av. J.-C.). Alceste, femme d’Admète, roi des Thessaliens, s’offrit volontairement en sacrifice à Hadès, Dieu des Enfers, pour sauver son époux de la mort annoncée par les oracles. Ami de ce dernier, Hercule descend aux Enfers afin de la délivrer. »
Formé auprès de Jean Bardin, Nicolas-Bernard Lépicié et Joseph Marie Vien, Jean-Baptiste Regnault remporte le Prix de Rome en 1776 avec Diogène visité par Alexandre (Paris, Ecole Nationale des Beaux-Arts). Reçu à l’Académie en 1783, grâce à L’éducation d’Achille par le centaure Chiron (Louvre), il connaît plusieurs succès avec une Descente de croix, peinte pour la chapelle du Château de Fontainebleau en 1789 (Louvre) ou encore Dibutade dessinant le portrait de son amant (château de Versailles). A la suite de la dissolution des Académies en 1793, il n’expose pas au Salon de 1799, mais à l’écart, dans le palais, au sein d’expositions payantes pour les visiteurs. A côté de Jacques-Louis David, qui présente L’enlèvement des Sabines, Regnault montre cette année-là trois grand formats : Les Trois Grâces, Hercule délivrant Alceste et la Mort de Cléopâtre. La composition des Trois Grâces obtint un grand succès public et critique. L’artiste réinterprète le modèle antique, livrant une œuvre harmonieuse alliant la sensualité et l’élégance du rococo, alors condamné et banni, au style sobre et ordonnancé de David. « Si la pose des trois nus féminins est identique entre la grande version du Louvre et notre version réduite, on note cependant quelques variantes, démontrant que notre tableau est bien une réduction indépendante, plutôt qu’une esquisse préparatoire« , conclut Florian d’Oysonville. La vente aux enchères se tiendra le 28 février à partir de 13h30 à Angers, et sera retransmise en direct sur Interencheres.