
L’INHA acquiert les archives du commissaire-priseur Guy Loudmer
La bibliothèque de l’Institut National d’Histoire de l’Art (INHA) poursuit sa politique d’enrichissement et acquiert un ensemble important d’archives provenant de la célèbre étude Guy Loudmer. Composé des fonds de trois commissaires-priseurs actifs de 1920 aux années 2000, il offre un témoignage précieux sur l’histoire de l’art et son marché. Décryptage avec Sophie Derrot, adjointe au chef du service du Patrimoine et responsable des fonds d’archives patrimoniaux de l’INHA.
Comment avez-vous eu accès à ces archives ?
Nous avons été contactés directement par Guy Loudmer qui souhaitait que ses documents restent en France et soient accessibles au public dans une institution de recherche.
L’ensemble est constitué des fonds de trois commissaires-priseurs : Alphonse Bellier, Raoul Oury et Guy Loudmer. Quelle place occupent ces trois acteurs dans le marché de l’art ?
Le premier, Alphonse Bellier, était actif entre 1920 et 1958. Il est une grande figure du marché de l’art de la première moitié du XXe siècle. Il a dirigé des ventes majeures telles que la vente de la collection des Picabia de Marcel Duchamp en 1926, la vente de la collection de sculptures africaines et océaniennes de Maurice Vlaminck en 1937, ou encore la dispersion de la collection Félix Fénéon en quatre ventes entre 1941 et 1947. Le deuxième, Raoul Oury, a eu une carrière plus anecdotique que son prédécesseur puisqu’il n’a été actif qu’entre 1959 et 1965. Enfin, le troisième, Guy Loudmer, a eu une carrière très intéressante puiqu’il a été non seulement commissaire-priseur, mais aussi expert. En effet, à la suite d’affaires judiciaires il a cessé son activité de commissaire-priseur et s’est installé dans les locaux de la galerie Heinz Berggruen, grand marchand d’art parisien. Il nous a donné une partie des archives de la galerie, dont des dossiers propres à Klee et Kandinsky.
Que révèlent ces archives sur le monde du marché de l’art ?
Ces archives offrent un bon aperçu de l’évolution du fonctionnement du marché de l’art au fil du temps. Elles montrent la manière dont s’est développée la communication autour des ventes aux enchères, à travers des correspondances, des extraits de journaux, des catalogues de ventes annotés par les commissaires-priseurs eux-mêmes. Elle dévoile l’aspect plus pratique des ventes avec des documents évoquant la logistique, du nettoyage à la location de la salle. Dans le fonds de Guy Loudmer, on découvre également l’ancêtre des enchères live avec les premières ventes diffusées en direct par satellite partout dans le monde autour des années 1970-1980. Enfin, les fichiers clients, les correspondances entre les vendeurs et les commissaires-priseurs, les albums photos des œuvres vont permettre de retracer le parcours de bien des chefs-d’œuvre.

Dossier de la vente de la collection de sculptures africaines et océaniennes appartenant à Maurice Vlaminck, faite à Drouot le 1er juillet 1937 par le commissaire-priseur Alphonse Bellier. Paris, Bibliothèque de l’Institut national d’histoire de l’art, collections Jacques Doucet, Archives 162. © Michael Quemener, INHA, 2018.
Avez-vous déjà repéré des éléments intéressants du point de vue de la provenance des œuvres ?
Oui, nous savons qu’Alphone Bellier est resté très actif dans le monde des ventes entre 1940 et 1944. Aussi, les archives apporteront des éléments essentiels aux études autour des spoliations et aux recherches de provenance, auxquelles l’INHA participe à travers son programme sur les acteurs du marché de l’art en France sous l’Occupation. Je reçois d’ailleurs déjà des demandes de la part de personnes qui font des recherches de provenance ou de propriétaires d’œuvres. Mais nous n’en sommes qu’au début des recherches. Le fonds, qui comprend plus de 750 boîtes, appartient depuis peu à l’INHA et n’est pas encore communicable. Il doit d’abord être inventorié et conditionné et les délais de communicabilité du fonds Loudmer sont fixés à 50 ans, afin de protéger la vie privée des acteurs de transactions récentes. Une fois traités, les fonds Bellier et Oury seront donc les seuls accessibles dans un premier temps.
Ce fonds entre-t-il en résonnance avec d’autres archives conservées à l’INHA ?
Oui, il complète non seulement la collection de cartons d’invitation et le riche ensemble de catalogues de ventes conservés à l’INHA, mais il entre également en résonnance avec d’autres fonds tels que celui de la galerie Elie Fabius, dont Bellier a vendu le stock en 1942 et qui fit l’objet d’un procès après-guerre.
En savoir plus sur l’acquisition des archives Guy Loudmer
Visuel en Une : Guy Loudmer à Drouot, lors de la vente Lucien et Marcelle Bourdon, le 25 mars 1990. Adjudication totale : 500 millions de francs.
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