Le 10 mai 2023 | Mis à jour le 10 mai 2023

Meissen, trois siècles d’histoire à collectionner

par Clémentine Pomeau-Peyre

C’est en Saxe qu’est née la porcelaine européenne. À l’origine se trouve la manufacture de Meissen, qui attire encore aujourd’hui de nombreux amateurs, principalement allemands, américains, anglais ou japonais. Tour d’horizon.

 

Au XVIIe siècle, les cours européennes se tournent toutes vers la Chine lorsqu’il s’agit de céramiques luxueuses. Ce pays est alors le seul à maîtriser la recette de fabrication de la porcelaine. Electeur de Saxe, Auguste le Fort encourage ses alchimistes à percer le secret… C’est chose faite en 1707 grâce à Johann Böttger qui remplace l’argile rouge par du kaolin dans la pâte, et obtient enfin le blanc parfait et translucide voulu. Trois ans plus tard naît la « Manufacture royale de porcelaine polonaise et électorale saxonne » que l’on connaît sous le nom de Meissen (du nom du château abritant le premier site de production).  « Aujourd’hui, les pièces les plus recherchées correspondent à ces débuts de la manufacture, entre les années 1715 et 1740 environ », affirme l’expert Cyrille Froissart, qui cite pour mémoire les records enregistrés par la collection Oppenheimer en 2021 : 1,6 million pour une horloge de cheminée de 1727 et un montant total adjugé de 15 millions de dollars. 

 

Des décors inspirés de la Chine aux créations européennes

Cette première période de fabrication est en partie liée au talent du peintre sur porcelaine Johann Höroldt, qui a imaginé des techniques de glaçures ayant permis de magnifier les couleurs. C’est l’un des seuls peintres sur porcelaine de Meissen qui soit identifiable. Et si les premières pièces sorties des fours de Meissen portent des décors très « chinoisants », il va peu à peu les transformer, les adapter et créer de nouveaux motifs décoratifs européens. Dans les années 1730, c’est au tour de deux sculpteurs, Johann Kirchner et Johann Kaendler de marquer l’histoire de Meissen. Ils élaborent les premières sculptures animalières grandeur nature en porcelaine, ce qui représente une véritable prouesse technique pour l’époque. Dans le même esprit naitront les grands centres de tables et les premiers groupes de personnages. Certaines pièces de la période suivante, que l’on peut situer entre 1755 et 1770, sont un peu moins recherchées selon l’expert : « les décors de fleurs, les scènes pastorales plaisaient beaucoup dans les années 1960, mais sont un peu passés de mode, ils ont moins de succès que les statuettes figurant les personnages de la Commedia dell Arte ». 

 

 

La période Marcolini

En 1774, le comte Marcolini devient directeur de la fabrique. Sous son égide, les décors font désormais référence à l’Antiquité, à l’architecture, et les couleurs passent au camaïeu ou au ton sur ton. « Un peu décalées par rapport au reste de la production, les porcelaines de cette période Marcolini sont toujours bien cotées », glisse Cyrille Froissart. En Europe, le XIXe siècle est marqué par l’enrichissement de la bourgeoisie, et Meissen suit le mouvement de l’industrialisation en fabricant davantage, mais en puisant quasi exclusivement dans son répertoire ancien. Outre les grands services de table, il faut noter les « vases à anse de serpent » de style néoclassique, devenus des incontournables. Dans les années 1860, la manufacture déménage pour s’installer à Triebischtal où elle se situe encore.

 

 

Les groupes du XIXe siècle

Une autre période intéresse souvent les amateurs, celle « de la fin du XIXe siècle, avec des porcelaines très spectaculaires, de très grands groupes », estime Cyrille Froissart. En revanche, les créations plus classiques, directement inspirées de celles du XVIIIe siècle avec souvent des couleurs très intenses n’ont pas une belle cote actuellement. Plus généralement, Cyrille Froissart calcule que « les porcelaines plus courantes des XVIIIe et XIXe siècles se vendent moins bien qu’il y a 20 ans, mais lorsqu’une pièce très spectaculaire est proposée à la vente, son prix s’envole ». Les créations du XXe, moins présentes sur le marché, peuvent néanmoins être intéressantes : la manufacture (devenue d’Etat après la Première Guerre mondiale) a fait appel à des artistes contemporains tels que Max Esser, Ernst Barlach dans l’entre-deux-guerres, et les membres du « Collective Artistic Development » dans les années 1960.  L’expert souligne enfin qu’il existe de nombreuses manières de collectionner Meissen, « certains s’intéressent aux premières années de la manufacture, d’autres aux décors de chinoiseries ou aux statuettes… ». Ces collectionneurs sont principalement allemands, américains, anglais ou japonais. Et si quelques russes ont contribué à faire monter les prix dans les dix dernières années, ils ont désormais disparu du marché. 

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