
Un album de dessins romantiques du Grand Tour adjugé 55 800 euros
Samedi 15 septembre 2018 à Tours et sur le Live d’Interencheres, Maître Bertrand Jabot présentait un rare album estimé à plus de 10 000 euros. Réunissant trois cent cinquante dessins, il retraçait le Grand Tour de Rome à Naples qu’entreprit en 1821 Antoine Jean-Baptiste Desplan, architecte et élève de l’Ecole des Beaux-Arts de Paris. Après une rude bataille opposant principalement des enchérisseurs suisses, il s’est envolé à 55 800 euros.
AJBD ou Antoine Jean-Baptiste Desplan (1790-1873)
« Mon voyage de Rome à Naples fait à pied en 1821 en compagnie de Léopold Robert Peintres, Barbot Benois Thierry Architectes, Ancharsvard officier suédois, Porchet touriste amateur et César Chien Caniche – AJBD ». Derrière les lettres « AJBD » se cache le nom d’un architecte élève de l’Ecole des Beaux-Arts de Paris en 1813, Antoine Jean-Baptiste Desplan. « Il m’a fallu bien des recherches pour déterminer l’appartenance de ce monogramme calligraphié en page de titre, confie Pierre Duchemin, expert en livres anciens. En effet, aucune signature ne figurait dans l’album. C’est en consultant des anciens annuaires de l’Ecole d’Architecture de Paris que j’ai découvert l’existence de Desplan, un artiste qui reçut en 1818 la mention honorable au Grand Prix d’Architecture de l’Académie des Beaux-Arts. Je suis d’ailleurs tombé sur l’un de ses dessins dans un bulletin de Serge Plantureux qui proposait des œuvres tirées de l’Album Amicorum de Laure Odiot, épouse de l’architecte Louis Benois (1796-1873). »
Le Grand Tour en 350 dessins
En 1821, Desplan effectue un voyage à travers l’Italie sous la conduite du peintre français résidant à Rome Léopold Robert (1794-1835). En compagnie des architectes Louis Benois, Prosper Barbot (1798-1878) et Etienne-Jules Thierry (1787-1831), du peintre suédois Mikael Gustaf Ankarswärd (1792-1878) et du touriste Porchet, il explore les ruines de Pompéi, les catacombes de Rome, les trésors de la campagne romaine, le Vésuve. Autant de découverte qu’il croque à la plume, au lavis et à l’aquarelle dans des carnets de voyage réunis en un seul volume vers 1850. « Les artistes romantiques sont nombreux à avoir rapporté des dessins et peintures de leurs voyages, en vue d’en faire ensuite des œuvres d’art. Mais c’est la première fois que j’avais entre mes mains un tel ensemble. » L’album relié en demi-chagrin rouge arborait en tout pas moins de trois cent cinquante dessins légendés. Une réunion exceptionnelle qui témoignait de la mode du Grand Tour née au cours de la seconde moitié du XVIe siècle. « En montant trente ans plus tard ses dessins sur de grandes feuilles et en les regroupant de manière chronologique, Desplan souhaitait probablement laisser un témoignage à sa famille ou du moins mettre de l’ordre dans ses souvenirs. »
Un ensemble intact adjugé 55 800 euros
Samedi 15 septembre à Tours, sous le marteau de Maître Bertrand Jabot, pas moins de trente-sept enchères auront été nécessaires pour acquérir cet ensemble exceptionnel estimé entre 10 000 et 15 000 euros. «De nombreux enchérisseurs étaient de nationalité suisse, note l’expert. L’un d’eux avait même fait le déplacement en salle, probablement intéressé par le fait que le voyage de Desplan s’effectua en compagnie du peintre suisse Léopold Robert.» Devant une salle comble, c’est finalement au téléphone qu’un des enchérisseurs suisses a eu le dernier mot. Face à des institutions publiques telles que la Bibliothèque de l’Institut National d’Histoire de l’Art, il a poussé les enchères jusqu’à 55 800 euros (frais compris). « Nous étions restés prudents quant à l’estimation car Desplan reste somme toute un anonyme dont nous ne connaissons que peu de choses. Mais l’ouvrage restait incroyable de par son état de conservation et la quantité de dessins qu’il réunissait. » Resté intact, l’album qui était conservé depuis plusieurs décennies au sein d’une propriété de famille de la région de Tours, rejoindra ainsi la Suisse, pays que foulèrent nombre d’artistes embrassant la mode du Grand Tour.
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