Le 22 septembre 2023 | Mis à jour le 27 février 2024

Pourquoi j’ai décidé de devenir commissaire-priseur : Héloïse de Baudus évoque son parcours et sa formation

par Alexandra Flory

Héloïse de Baudus, élève commissaire-priseur au sein de la maison Mercier & Cie et vice-présidente de l’Association Nationale des Elèves Commissaires-Priseurs, nous dévoile son futur métier et la formation qui l’y a conduite.

 

A tout juste 24 ans, Héloïse est élève commissaire-priseur à Lille. Nous l’avons rencontrée afin de découvrir à ses côtés ce métier-passion qu’elle a choisi d’exercer il y a plus de dix ans. L’occasion d’un tour d’horizon de cette profession encore méconnue, dont le quotidien, pavé de surprise, révèle les trésors des greniers français…

 

En quoi consiste le métier de commissaire-priseur ? 

Héloïse de Baudus : Je dirais que dans ce métier il n’y a pas de semaine type ! Le commissaire-priseur peut être amené à réaliser un inventaire en extérieur, un inventaire fiscal, une journée d’expertise en salle des ventes… Il peut superviser une séance photo, concevoir un catalogue de vente, avant de tenir le marteau. La vente peut se dérouler à huis-clos ou être ouverte au public, de même que l’expertise peut s’effectuer par mail ou en présentiel. Les semaines d’un commissaire-priseur sont très variées et souvent rythmées par de nombreux échanges avec les notaires, les experts, les vendeurs, les acheteurs…

 

Comment as-tu connu le métier de commissaire-priseur ? 

H.B. : J’ai commencé à m’intéresser à l’art assez tôt en allant voir des expositions avec mes parents et c’est vers l’âge de 13 ans que m’est venue l’idée de devenir commissaire-priseur. A cette époque, j’étais au collège et l’on nous invitait à réfléchir à notre orientation scolaire. Je n’avais alors pas réellement d’idées précises du métier qu’il me plairait d’exercer, et c’est en discutant avec mon père, qui aurait aimé lui-même devenir commissaire-priseur, que j’ai eu le déclic : le fait que la profession mêle plusieurs disciplines, à savoir l’art, le droit, le relationnel et le commerce, m’a beaucoup plu. J’avais envie d’un métier qui bouge et ne soit pas monotone. J’ai donc décidé de me renseigner auprès de commissaires-priseurs pour en savoir plus sur le métier et la formation. Ces discussions ont conforté ma décision.

 

Quel est l’aspect du métier qui t’a particulièrement attiré ?

H.B. : C’est un métier très riche humainement et historiquement qui nécessite à la fois des compétences techniques et relationnelles. Les commissaires-priseurs sont d’ailleurs souvent comparés à des médecins généralistes. Lorsqu’un client amène un objet, son rôle est de rassurer et de donner des premiers éléments de réponse, qu’il peut ensuite étayer avec des recherches ou en faisant appel à un expert.

 

Bureau de l’ANECP. De gauche à droite : Valentin de Sa Morais, vice-président, Emeline Kaddour, coordinatrice des pôles, Jimmy Arens-Reuther, président, Jorick Brillant, secrétaire général, Jean-Baptiste Camby, trésorier, et Héloïse de Baudus, vice-présidente.

 

Quelles études as-tu suivies pour devenir commissaire-priseur? 

H.B. : J’ai choisi de faire une double licence en histoire de l’art et en droit à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, directement après le bac. A la fin de ces trois années, je me suis rendue compte que le droit était ce qui m’avait le plus intéressée et j’ai donc continué en Master 1 droit de la propriété intellectuelle. Les thématiques abordées sont en lien direct avec le marché de l’art et, plus largement, avec le secteur des enchères qui comprend également les ventes de biens immatériels depuis les réformes récentes dont celles des marques, des brevets, des noms de domaine, autant de sujets avec lesquels j’ai pu me familiariser en étudiant le droit de la propriété industrielle. Ensuite j’ai suivi le Master 2 Marché de l’art toujours à Paris 1 Panthéon-Sorbonne, plus professionnalisant, au cours duquel j’ai pu aborder le droit d’auteur, le droit des contrats, mais aussi l’économie, le tout appliqué au marché de l’art et à la culture. Cette dernière année a également été l’occasion de faire un stage passionnant dans le secteur public au sein de la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations (CIVS), qui est rattachée aux services du premier ministre et a été créée en 1999. J’y ai fait beaucoup de recherches généalogiques afin de trouver les ayants droit des victimes de spoliations. Cette expérience a été très formatrice et m’a sensibilisée à la question de la provenance, aujourd’hui primordiale. 

 

Existe-t-il une formation idéale pour devenir commissaire-priseur ?

H.B. : Pour devenir commissaire-priseur, il faut passer un examen dit “examen d’accès au stage de commissaire-priseur”. Les prérequis pour se présenter à cet examen sont les mêmes pour tous : il faut au moins une double licence en droit et en histoire de l’art. Mais les parcours sont très différents, ce qui fait la richesse des promotions ! Certains viennent de l’université, d’autres de l’Ecole du Louvre ; ils ont fait cinq ans d’histoire de l’art puis du droit ou l’inverse, ont obtenu une équivalence avec Sciences Po ou sortent d’un master de recherche… Nous arrivons également tous avec nos sujets de prédilection, que ce soit l’art ancien ou l’art contemporain. Nos profils sont en somme très différents et c’est la formation qui ensuite uniformise, en offrant le même bagage minimum à tous les futurs commissaires-priseurs.

 

En quoi consiste l’examen pour devenir commissaire-priseur ? 

H.B. : L’examen se décline en deux épreuves de dissertation, l’une juridique, l’autre artistique, qui déterminent s’il on est ou non admissible aux épreuves orales (économie et comptabilité, droit, histoire de l’art et d’anglais). Le concours n’a lieu qu’une fois par an et ne peut être présenté qu’à trois reprises. Son obtention permet d’accéder au statut d’élève commissaire-priseur, et l’on devient salarié d’une salle des ventes pour se confronter au métier sur le terrain. La formation dure deux ans et elle est ponctuée d’un examen intermédiaire à l’issue de la première année. Au contraire du concours, dont les épreuves étaient avant tout théoriques, les examens de fin de première et deuxième année évaluent davantage nos compétences pratiques. L’une des épreuves phares est celle du tour de salle qui consiste à expertiser vingt objets en 1h30. Pour réussir, il faut distinguer, pour chaque objet, l’artiste, la période de production, la technique et les matériaux et y apporter une estimation fidèle au marché.

 

Vente aux enchères caritative menée par Maître Marie Renoir lors de la soirée de Gala de l’ANECP, le 6 juillet 2023. L’ensemble des fonds a été versé à l’Atelier des artistes en exil afin de soutenir les artistes réfugiés iraniens. Crédit photo : Thomas Maquevic.

« C’est un métier très riche humainement et historiquement qui nécessite à la fois des compétences techniques et relationnelles. »

 

Quel organisme est responsable de la formation des élèves commissaires-priseurs ?

H.B. : Le Conseil des maisons de vente (autrefois appelé le Conseil des Ventes Volontaires) est en charge de la formation et plus particulièrement des cinq semaines de cours, durant lesquelles nous alternons entre travaux pratiques, avec des experts et conservateurs de musées, et cours théoriques en amphithéâtre, avec une semaine consacrée à des cours de comptabilité, droit, management et gestion. Plusieurs organismes interviennent au cours de la formation : l’Ecole du Louvre pour les cours d’histoire de l’art, l’ESCP (Ecole supérieure de commerce de Paris) pour le droit, la comptabilité et la gestion. Au-delà de la formation dispensée par le CMV, l’ANECP (Association Nationale des Elèves Commissaires-Priseurs) propose également des événements complémentaires tout au long de l’année : visites de galeries, conférences sur des thèmes spécialisés comme le Street art et l’art contemporain africain, ou encore des Travaux Pratiques avec des experts. La formation et l’équipe pédagogique du CMV s’adaptent en permanence en fonction du marché de l’art : changement de réglementation, ouverture du marché aux nouveaux types de biens (immatériels notamment, dont les NFTs).

 

Le métier de commissaire-priseur est-il accessible à tous ? 

H.B. : Il y a encore quelques années, il fallait acheter une charge pour s’établir en tant que commissaire-priseur. Ce n’est plus le cas aujourd’hui et ce changement légal a permis de voir fleurir de nouvelles maisons de ventes très différentes. Certaines sont généralistes, d’autres se spécialisent… La profession a trouvé un nouvel équilibre. La manière de travailler a également profondément changé avec l’avènement notamment des ventes en live qui ont élargi le spectre des potentiels acheteurs. La manière de communiquer avec le grand public a aussi beaucoup évolué. Elle ne se cantonne plus à la simple publication d’une annonce légale, mais sollicite la presse spécialisée et utilise les réseaux sociaux qui donnent une nouvelle visibilité, plus large, aux ventes.

 

Quelle est la part des femmes dans la profession ? 

H.B. : Cela fait de nombreuses années que le ratio hommes/femmes au sein des promotions entrantes est équilibré. Les femme sont aussi bien représentées dans le monde des experts que dans celui des commissaires-priseurs. Il me semble que l’on s’éloigne peu à peu de l’imaginaire collectif assez caricatural dans lequel le commissaire-priseur est comme le médecin de famille : un homme avec déjà plusieurs années de carrière à son actif. Les nouvelles générations réinventent et incarnent très bien le métier dans toute sa diversité et son potentiel d’évolution. A côté de cela, il peut persister une forme de sexisme d’une part infime de la clientèle et des collaborateurs extérieurs encore habitués au marché de l’art tel qu’il était il y a plusieurs décennies, quand les jeunes femmes commissaires-priseurs étaient moins représentées. Certains n’arrivent pas encore à concevoir qu’un commissaire-priseur puisse être une femme de 25 ans fraîchement diplômée. Mais je compte, en deux ans d’expérience en tant qu’élève, bien plus de bienveillance et de bons échanges avec les clients que de mauvais.

 

Quel conseil donnerais-tu à un étudiant qui souhaiterait devenir commissaire-priseur ? 

H.B. : Il faut être très curieux ! Regarder les catalogues de ventes en ligne et voir beaucoup d’objets pour se faire l’œil, de même que suivre les actualités des ventes et expositions. Et surtout, ne pas tenir le marteau avant d’être diplômé, ça porterait malheur… 

 

Crédit photo en Une de l’article : Sébastien Hamelin

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