Le 23 juillet 2021 | Mis à jour le 23 juillet 2021

Tout connaître sur les cuirs de Cordoue

par Jacques Dubarry de Lassale

Utilisé pour confectionner des tentures murales ou recouvrir des sièges, meubles ou paravents, le cuir doré ou cuir de Cordoue parait les plus belles demeures européennes jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Jacques Dubarry de Lassale retrace l’histoire de cette technique luxueuse, apparue en Espagne au IXe siècle. 

 

Les premiers ouvrages réalisés dans le domaine de la décoration des cuirs sont très anciens et remontent probablement aux premières manifestations des arts appliqués. Les premiers cuirs dorés, ou cuirs de Cordoue, sont apparus quant à eux en Espagne, probablement vers le IXe siècle. En l’an 711, l’Espagne fut conquise par les Maures et, dès le IXe siècle, Cordoue devint un important centre de production des cuirs. Des panneaux décoratifs en cuir doré y sont fabriqués, connus sous le nom de « Guadameci ». Mais alors, que désigne exactement le terme « cuir de Cordoue » ? 

 

Motif de la deuxième moitié du XVIIe siècle probablement flamand. Modèle tapissant la maison de Rubens à Anvers.

 

L’essor des cuirs de Cordoue

Si l’on consulte le Dictionnaire des Arts et Sciences de J. Hubner (Leyden, 1734), les cuirs de Cordoue sont des cuirs de chèvre tannés au végétal. On les appelait Cordobanes ou cuirs de Cordoue. A partir du XIVe siècle, on répertorie des ateliers de cuirs dorés dans plusieurs villes espagnoles. En 1477, la Flandre passe sous l’autorité des Habsbourg espagnols et une influence espagnole se propage en Flandre. Philippe le Beau, père de Charles Quint et amateur d’art, acheta chez Robinet Lucas en 1504 « une tapisserie de cuyr doré faicte à la manière d’Espagne ». A partir de cette période, des noms comme celui de Valentijn Klee, fabricant de cuirs dorés, sont connus. Des factures et des inventaires concernant ces cuirs sont répertoriés. Des manufactures ouvrent leurs portes à Anvers et à Malines. Plus tard, au début du XVIIe siècle, d’autres manufactures suivront à Bruxelles, Gand et Lièges.

 

Motif symétrique 1710-1740, origine française.

 

Le succès des cuirs hollandais et flamands

Cependant, en Hollande, se prépare une petite révolution. Le premier atelier s’installe à Amsterdam en 1612, et en 1613 à La Haye. Jacob Dircxz de Swart, qui recherche des procédés nouveaux pour produire ses cuirs dorés, voit ses efforts couronnés de succès. Le 5 août 1628, il obtient un octroy pour une durée de huit ans. Sa nouvelle technique, qui va connaître un grand succès, consiste à créer au moyen de matrices des décors en relief sur le cuir. Les cuirs de J.D. de Swart sont considérés comme du travail d’orfèvre comparé à ceux produits en Espagne. En Flandre, cette technique est rapidement assimilée. A Malines, où se trouvaient déjà d’importants ateliers de cuirs dorés, l’activité prend des allures de production industrielle. Antoon et Pieter Vermeulen employaient cent-vingt personnes. A Malines en 1716, on ne comptait pas moins de onze ateliers de cette importance. Les cuirs de Malines vont être exportés dans le monde entier. L’essor du cuir doré se cantonne sur une période allant du milieu du XVIIe à la fin du XVIIIe siècle.

 

Cette feuille faisait partie d’un ensemble tapissant un mur. France ou Flandres, vers 1720.

 

L’évolution du décor des cuirs

En ce qui concerne l’aspect, on peut dire qu’avant 1628, les cuirs étaient plats avec un décor peint ou ornés de décors martelés à l’aide d’une matrice, puis peints d’une ou plusieurs couleurs. Après 1628, les décors deviennent davantage baroques avec une multitude de guirlandes de fleurs, de fruits, d’insectes, d’angelots ou de personnages. Vers la fin du XVIIe apparaissent également de grands panneaux peints sur du cuir doré plat. Au début du XVIIIe, les styles changent et les décors deviennent symétriques et légers, « à la française ». Daniel Marot est un ornemaniste dont les décors sont repris non seulement pour le cuir doré mais également pour les soieries et les autres textiles. Dès le milieu du XVIIIe, les panneaux de cuir sont collés bout à bout pour obtenir des lés qui font la hauteur d’une chambre. Vers la fin du XVIIIe siècle, les lés sont collés côte à côte afin d’obtenir des panneaux sans raccord qui couvrent la totalité d’un mur.

 

Motif au Dragon, motif rococo inspiré de la Chine, 1750.

Un patrimoine longtemps négligé

A vouloir trop copier le textile, le cuir doré perd son identité et amorce son déclin, précipité par l’évolution du goût et de la mode. A Malines en 1709, il existait encore cinq ateliers importants, mais en 1739 il n’en restait que quatre et en 1754 seulement deux. Le dernier atelier fermera ses portes en 1797. Il y a eu bien d’autres endroits où les cuirs dorés ont été fabriqués, mais ces productions avaient généralement un caractère régional. Les cuirs flamands et hollandais ont été largement exportés partout dans le monde et il faut reconnaître que leur qualité d’exécution n’a jamais été égalée. Durant les siècles qui suivront des imitations seront produites, mais la qualité demeurera inférieure. Depuis une quarantaine d’années, les cuirs dorés sont répertoriés, inventoriés et font l’objet de restaurations minutieuses. Un travail de fond a été entrepris par le Dr Eloy Koldewey afin d’alerter les personnes concernées par la conservation de ce patrimoine, négligé jusqu’à un passé récent.

 

Vers 1680. Cuir sans mise en relief, à l’aspect martelé.

 

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Les cuirs de Cordoue aux enchères

 

 

Article rédigé par Jacques Dubarry de Lassale, en collaboration avec Frédéric Poppe.

Photo en Une : Détail d’une suite de huit panneaux de cuir de Cordoue à décor de fleurs, feuillages, architectures et oiseaux sur fond d’or. XVIIIe siècle. Dim. : 75 x 54 cm chacune. Suite adjugée 6 096 euros (frais inclus) par Jean Emmanuel Prunier le 11 octobre 2020 à Louviers. 

Photos © Jacques Dubarry de Lassale.

 

 

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