Un lavis de Théodore Géricault ressurgit après 150 ans d’oubli
Un lavis de Théodore Géricault, tombé dans l’oubli pendant 150 ans, ouvrira le bal des découvertes de l’année 2024. Ce dessin préparatoire à une gravure réalisée par l’artiste lors de son séjour londonien en mai 1821 sera dévoilé aux enchères le 1er janvier par le commissaire-priseur Bruno Roquigny à Saint-Valéry-en-Caux.
[Mise à jour, 15 janvier 2024] Le lavis de Théodore Géricault a été adjugé 197 500 euros (frais inclus).
Deux panneaux du primitif italien Pietro Lorenzetti, un tableau de Jean-Léon Gérôme, une toile de Maurice Denis… Les dernières semaines ont été émaillées de découvertes spectaculaires, témoignant de la richesse des greniers français. En 2024, c’est un lavis de Théodore Géricault (1791-1824) qui ouvrira le bal. Inédit sur le marché, ce dessin préparatoire ressurgit après 150 ans d’oubli, et sera l’une des pièces maîtresses de la vente organisée par le commissaire-priseur Bruno Roquigny le 1er janvier à Saint-Valéry-en-Caux.
Un dessin préparatoire à une gravure réalisée lors d’un séjour londonien
Le dessin est connu des historiens puisqu’il a fait l’objet d’une mention portée par Charles Clément en 1868 dans son catalogue des œuvres de Théodore Géricault. « Ce lavis inédit, aux dimensions impressionnantes, prépare l’une des plus merveilleuses gravures de Géricault, réalisée pendant son séjour londonien en mai 1821« , s’enthousiasment les experts du cabinet de Bayser, spécialisé en dessin. A Londres, Géricault s’établit chez un marchand de chevaux, Elmore, qui lui met à disposition un logement au 3 John Street. « Nous tenons cette information d’une lettre de Delacroix, rédigée en 1825« , précisent les experts. C’est à quelques pas de là que serait tiré le sujet de notre dessin. « John Street se trouve précisément derrière le quartier des Adelphi, représenté ici. Géricault décrit donc une scène de son quotidien londonien. »
Les experts livrent leur description du dessin : « Les hommes et les chevaux de peine s’enfoncent dans la nuit noire de la voûte, contrastant avec la lumière qui vient éclairer de biais les robes des chevaux et les blouses. L’absence de physionomie visible unit les bêtes de somme et leurs conducteurs dans un labeur commun. Le pas est lent et déterminé. Un homme guide les bêtes, un autre surveille l’arrière, le fouet sur l’épaule, prêt sans doute à aiguiller un cheval éventuellement apeuré par l’obscurité. Le réalisme tranquille de la scène échoit sans doute à l’habitude d’un labeur quotidien. Comme le suggère la tenue des dockers, qui couvre tout le corps et protège la nuque, il pourrait s’agir de charbonniers se protégeant ainsi de la suie. Bazin catalogue ainsi un dessin sur papier lithographique représentant un tombereau de charbon sortant d’un dock d’Adelphi similaire, avec trois chevaux et un charbonnier portant le même équipement tirant l’attelage (voir Bazin, n2135, repr. p.70). Au-dessus de l’entrée du tunnel, on déchiffre sur une pancarte : « Arts manufactures and commerce/ Institued A.D. 1754./ Entrance in John Stret Adelphi ». »
Un dessin provenant de l’ancienne collection Legentil-Marcotte
Le lavis provient de l’ancienne collection d’Alexandre Legentil (1821-1889), l’héritier d’une grande maison de filatures rouennaise. « Il laisse la gestion des affaires à un homme plus doué que lui pour le commerce, Simon Mannoury, qui fait fructifier son héritage, expliquent les experts. Féru d’art, il sera secrétaire de l’Exposition Universelle de 1855. Catholique convaincu, il sera aussi l’un des principaux soutiens financiers pour la construction de la basilique du Sacré-Coeur. » En 1844, Alexandre Legentil rencontre Marie Marcotte (1828-1920) et l’épouse en octobre 1846. Ingres les portraiture tous les deux trois mois avant leur mariage. « La provenance donnée par Charles Clément, Legentil-Marcotte, indique que Legentil possédait ce dessin par son alliance avec la fille de Charles Marcotte, le grand ami d’Ingres. Charles Marcotte avait en effet des dessins de Géricault dans sa collection, et une vente d’œuvres provenant de ses descendants (Thierry de Maigret, Paris, 2010) l’atteste, avec une belle feuille pour la Course des chevaux libres et pour Les funérailles d’Hector. Clément catalogue d’ailleurs deux autres dessins par Géricault en la possession de Legentil-Marcotte (n°145 et 147 de son catalogue), dessins depuis passés en vente publique. »
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