
Une Vénus de Lucas Cranach le Jeune aux enchères à Paris
Estimé à plus d’un million d’euros, un panneau de Lucas Cranach le Jeune animera les enchères le 29 novembre à Paris. Ce tableau représentant Vénus et l’Amour voleur de miel compta parmi ses illustres propriétaires un célèbre esthète russe, le prince Anatole Demidoff.
Il aura fallu attendre 159 ans pour voir ressurgir en salle des ventes cette huile sur panneau de Lucas Cranach le Jeune (1515-1586). En 1863, l’œuvre se frottait au marteau du commissaire-priseur Charles Pillet qui dispersait alors la collection du célèbre esthète russe, le prince Anatole Demidoff. Passée entre les mains du comte de Lambertye, avant de rejoindre la propriété de la famille Payelle, elle est finalement acquise en 1978 par un grand amateur d’art, dont la collection, riche de pièces d’orfèvrerie, d’objets d’art asiatiques, de bijoux anciens ou de tableaux de maîtres, sera vendue aux enchères du 29 novembre au 2 décembre par la maison Auction Art Rémy Le Fur & Associés à Paris.
Vénus et l’Amour voleur de miel
Notre panneau met en scène Vénus et l’Amour voleur de miel. Cupidon s’est emparé d’un rayon de miel et, alors qu’il y goûte, les abeilles le blessent de leurs aiguillons. L’enfant montre la plaie à sa mère qui, pour lui répondre, compare les blessures de l’insecte à celles qu’il provoque lorsqu’il pique ses propres proies de ses flèches. « Le sujet est une allégorie de la volupté qui, dans sa brièveté, est mêlée de cuisantes douleurs », détaille la maison de vente. L’amour, lorsqu’il est tourné vers le seul plaisir terrestre, se pare d’une amertume, ainsi que le miel perd de son goût suave. Cette scène est tirée du chant XIX des Idylles du poète bucolique Théocrite, dont quelques vers en latin sont portés ici dans un cartel en haut à gauche : « Tandis que l’enfant Cupidon volait le miel de la ruche, une abeille de son dard atteignit le voleur au doigt, ainsi la brève et vaine volupté, inséparable de la douleur, nous cause du mal, tandis que nous la recherchons. » Lucas Cranach livre une interprétation paradoxale de la fable antique, traduisant le message vertueux à travers un nu féminin érotisé. Le voile diaphane en effet souligne, plus qu’il ne dissimule, les courbes sensuelles de Vénus, parée d’un seul collier luxueux. « Notre panneau, alliant érudition et portée édifiante, raffinement maniériste et codification symbolique, est un pur condensé du vocabulaire esthétique et humaniste de cette dynastie d’artistes. »

Lucas Cranach le Jeune (1515-1586), Vénus et l’Amour voleur de miel. Huile sur panneau, renforcé. 51 x 35 cm. Estimation : 1 500 000 – 2 500 000 euros.
Un panneau de Cranach le Jeune daté autour de 1540
Cette scène mythologique a été traitée une vingtaine de fois par les Cranach père et fils. Lucas Cranach l’Ancien livre une première version en 1509, aujourd’hui conservée au musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg, qui sera suivie d’une longue série, perpétuée par son fils Lucas Cranach le Jeune qui rejoint l’atelier familial en 1525. « Formé sous la direction de son père, Lucas Cranach le Jeune travailla à ses côtés puis poursuivit après lui la féconde activité familial de WIttemberg, en perpétuant le style et les motifs iconographiques qui firent son succès à la Cour de Saxe », précise la maison de vente.
Les deux maîtres partageaient une même signature – le dragon aux ailes couchés, ici apposé en haut à gauche – et une manière quasi indissociable, le fils reprenant volontiers les codes stylistiques de son père. L’attribution de notre œuvre à Lucas Cranach le Jeune ne fait néanmoins aucun doute pour le spécialiste des Cranach, Dieter Koepplin, qui date le panneau des années 1540-1550. Les enchérisseurs devront compter sur une estimation comprise entre 1,5 et 2,5 millions d’euros pour ce tableau de Lucas Cranach le Jeune, dont le record de vente a été établi en 2007 à Londres avec un Portrait de femme adjugé 2,7 millions d’euros, avec les frais.