
Nicolas Chwat : « Interencheres nous permet de toucher des acquéreurs aussi bien à Paris, qu’en région et à l’étranger. »
Si le Crédit Municipal de Paris, surnommé « ma tante », est la plus vieille institution financière française, il ne cesse de se réinventer. L’ex-Mont de piété mène depuis plusieurs années une stratégie de digitalisation active et a lancé en 2017 un nouveau service de ventes aux enchères en ligne, sélectionnant Interencheres pour retransmettre l’ensemble de ses vacations. Depuis, l’établissement a élargi de façon significative son audience autrefois essentiellement parisienne. Entretien avec Nicolas Chwat, Directeur des ventes au Crédit Municipal de Paris.
Diane Zorzi : Quel bilan dressez-vous quant à l’activité des ventes aux enchères au Crédit Municipal de Paris qui ont totalisé 12,5 millions d’euros d’adjudications (hors frais) en 2024 ?
Nicolas Chwat : L’activité s’est très bien portée en 2024. Nos ventes sont en grande part consacrées aux bijoux, à l’or et autres métaux précieux. Or, l’or est une valeur refuge privilégiée ces dernières années. Nos résultats ont donc été portés par l’augmentation du cours. A titre d’exemple, les ventes de bijoux et montres de prestige que nous avons organisées en décembre ont généré un produit vendu supérieur à 1,5 million d’euros. Les ventes « Hermès, Chanel et Vuitton », quant à elles, rencontrent toujours autant de succès, avec des sacs de luxe, comme le Kelly, qui ont trouvé preneur à des prix soutenus.
D.Z. : Et qu’en est-il de l’activité de prêts sur gage qui, rappelons-le, reste votre activité principale puisque 8 à 9 objets sur 10 sont récupérés par leurs propriétaires avant qu’ils ne soient vendus aux enchères ? S’est-elle densifiée en 2024 du fait du contexte économique que l’on sait fragilisé ?
N.C. : Lorsque l’accès au crédit se durcit, l’une des options les plus aisées et rapides reste le prêt sur gage – il consiste à obtenir un prêt dont le montant correspond à 50 voire 66% de l’estimation de l’objet déposé en gage. Sur les 12 derniers mois, nous avons observé une croissance plus importante de la tranche élevée, c’est-à-dire des prêts dépassant 6 000 euros. Mais au-delà de ce phénomène nouveau, le réflexe consistant à se dire que mon objet peut être utilisé comme une garantie pour obtenir un prêt s’est généralisé, notamment grâce à nos actions de communication à l’instar de notre dernière campagne d’affichage dans Paris « Votre objet s’appelle reviens ». Désormais, le prêt sur gage intéresse toutes les classes d’âge et toutes les catégories socio-professionnelles. C’est un mouvement de fond dans les sociétés occidentales. Et le fait d’accompagner et de prêter à tout le monde est dans l’ADN du Crédit Municipal de Paris. Nous acceptons une gamme d’objets très large, dont la valeur s’étend d’une cinquantaine d’euros à plusieurs millions d’euros. En règle générale, les objets sont récupérés rapidement, le prêt sur gage ayant une durée moyenne de 18 mois.
D.Z. : L’année 2024 s’est en outre achevée avec la publication d’un nouvel appel d’offre destiné à sélectionner une plateforme proposant la retransmission de vos ventes aux enchères en ligne. Après l’étude des candidatures, vous avez choisi de renouveler votre collaboration avec Interencheres, votre partenaire depuis 7 ans. Quels avantages présente pour vous cette plateforme ?
N.C. : Si l’on étudie l’audience des différentes plateformes, celle d’Interencheres se distingue par sa diversité géographique. Interencheres nous permet de toucher des acquéreurs aussi bien à Paris, qu’en région et à l’étranger. Nous entretenons en outre depuis 2017 d’excellentes relations avec les équipes dont la réactivité est appréciable, tant dans l’accompagnement technique, qu’à la presse et à la communication.
D.Z. : La retransmission en ligne constituait en 2017 une étape importante dans le développement de votre activité de ventes aux enchères. Quel bilan dressez-vous aujourd’hui de ce nouveau canal de diffusion ?
N.C. : Le bilan est très bon, les ventes en ligne nous permettent de nous ouvrir à un nombre d’acquéreurs potentiels beaucoup plus important. Aujourd’hui, près de 70% de nos lots se vendent en ligne via Interencheres, si l’on met de côté les ventes dédiées à l’or dont les acquisitions s’effectuent majoritairement en salle.
D.Z. : Pourquoi les ventes de lots d’or font-elles exception ?
N.C. : Les ventes de lots d’or s’adressent principalement aux professionnels et répondent à un déroulement particulier. Le Crédit Municipal de Paris dispose d’une autorisation qui lui permet de vendre de l’or qui n’est pas poinçonné et garanti. Ce sont des lots que nous vendons au poids, et nous avons l’obligation à l’issue des enchères de briser l’ensemble des lots. Cet or est donc destiné à être refondu, ce qui lui permettra, une fois poinçonné et garanti, d’entrer dans le marché réglementaire. Il intéresse les professionnels et quelques particuliers qui souhaitent acquérir du métal précieux pour monter un bijou notamment.
D.Z. : Le Crédit Municipal de Paris organise 75 à 80 ventes aux enchères par an. Avez-vous constaté une augmentation du produit d’adjudications de celles-ci depuis qu’elles sont retransmises en ligne ?
N.C. : Nos ventes progressent, mais en réalité elles n’ont besoin pour fonctionner que de deux acheteurs ! Aussi, lorsque le marché se tasse, les ventes en ligne accompagnent le marché plus qu’elles ne compensent la baisse. Le grand attrait, sans doute, des ventes en ligne est d’avoir permis aux maisons de vente de s’ouvrir à un public plus important, du fait d’une accessibilité géographique ou horaire facilitée – en ligne, il est possible d’enchérir à l’autre bout du monde, que l’on soit en vacances, au bureau ou en week-end… Auparavant, la clientèle était plus locale, même si nous disposions des ordres d’achat et des enchères téléphoniques.
D.Z. : Avez-vous également constaté une évolution quant au profil de ces enchérisseurs ? De nombreuses maisons de vente évoquent notamment l’arrivée grâce à internet de jeunes néophytes…
N.C. : Les ventes en ligne permettent effectivement à de jeunes acquéreurs de découvrir le monde fascinant des enchères, dans lequel il y a toujours une surprise – on vient avec une idée d’acquisition précise et on découvre finalement bien d’autres choses… C’est toute la beauté des enchères ! La France est un formidable grenier pour les objets, et dans la plupart des maisons de vente il est possible de se faire plaisir à la hauteur de ses moyens. Mais si les ventes en ligne attirent de nouveaux acheteurs c’est surtout, à mon sens, du fait de la distanciation qu’elles offrent. Les salles des ventes peuvent paraître impressionnantes pour des personnes qui ne sont pas habituées à cet univers. Or, avec internet elles peuvent désormais enchérir chez elles, derrière un écran.
D.Z. : Une distanciation qui a renouvelé également l’expérience des enchérisseurs aguerris dont les potentiels concurrents peuvent désormais surgir aussi bien en salle, qu’au téléphone ou sur internet ?
N.C. : Oui, l’approche est différente car l’enchérisseur ne peut plus appréhender le nombre de concurrents face à lui. Cela apporte une incertitude supplémentaire qui nourrit d’autant plus l’adrénaline. La création des ordres d’achat secrets est de ce point de vue peut-être la plus grande révolution qu’a pu apporter une plateforme comme Interencheres. C’est une avancée très intéressante en faveur des acquéreurs. Le commissaire-priseur, quant à lui, doit faire preuve d’une agilité supplémentaire. Il doit interagir avec plusieurs auditoires et le dialogue avec un client en salle n’est pas le même qu’avec un internaute connecté. Il ne sait d’ailleurs pas si ce dernier est connecté ou s’il a déposé en amont un ordre d’achat secret qui se joue automatiquement. Cette distanciation a fait évoluer le rôle du commissaire-priseur qui a, en définitive, deux fonctions : il porte la vente pour obtenir le meilleur prix et doit dans le même temps maintenir en haleine son auditoire, un auditoire qui n’est plus uniquement en salle mais derrière les écrans.
D.Z. : Les ventes en ligne attirent de fait de nombreux néophytes qui, s’ils ont l’envie, n’ont pas nécessairement tous les codes pour enchérir. De nombreuses maisons de vente redoublent d’inventivité pour répondre aux attentes de cette nouvelle cible, en menant des actions de communication ou encore en proposant des ventes nocturnes. Qu’en est-il au Crédit Municipal de Paris ?
N.C. : Nous avons intensifié nos communications sur les réseaux sociaux et nouons régulièrement des partenariats avec des personnalités susceptibles de toucher cette nouvelle cible. En revanche, il ne nous paraissait pas indispensable de modifier nos horaires. Avec les ventes en ligne, chacun peut suivre les enchères derrière son bureau, en arrière-plan tout en continuant à travailler.
D.Z. : L’arrivée des ventes en ligne a-t-elle nécessité des changements d’organisation en interne ?
N.C. : Les ventes en ligne n’ont pas à proprement parler révolutionné l’organisation des maisons de vente, mais elles les ont conduites à opérer quelques évolutions. L’épidémie de Covid, avec ses confinements, a été en cela un accélérateur, puisqu’elle a forcé les maisons de vente et le Crédit Municipal de Paris à être les plus exhaustives possibles dans la présentation de leurs lots, les clients ne pouvant se déplacer en salle. Par la suite, tout le monde a pris le pli et a maintenu cette exigence de présentation – nombre accru de photographies, descriptifs plus fournis… Le fait d’acheter un lot sans être présent n’était pas un phénomène nouveau, puisqu’il existait déjà les ordres et les enchères par téléphone, mais avec la facilité des enchères par internet les proportions ne sont plus les mêmes. L’un des corollaires des ventes en ligne est également de pouvoir faciliter les expéditions. Interencheres a l’avantage d’avoir noué un partenariat avec ThePackengers qui permet d’obtenir automatiquement un devis de livraison dont le calcul s’adapte aux spécificités du lot en prenant en compte ses dimensions, sa nature et son estimation.
D.Z. : Quels sont les projets qui rythmeront l’activité du Crédit Municipal au cours des prochains mois ?
N.C. : Pour l’activité dédiée aux enchères, nous souhaiterions rendre nos ventes plus dynamiques, et avons d’ailleurs sollicité l’expertise d’Interencheres sur ce sujet. Améliorer la mise en avant des lots, proposer une retransmission de la vente moins linéaire en y introduisant davantage de dynamisme ; voici quelques axes d’amélioration pour 2025. Quant à l’activité de prêt sur gage, nous réfléchissons à digitaliser davantage les différentes étapes qui permettent de déposer un objet, qu’il s’agisse de la prise de rendez-vous, de l’estimation d’un objet ou du dépôt des pièces administratives. Notre volonté est de faciliter encore davantage le prêt sur gage, toujours dans une logique d’accompagnement de la société.
D.Z. : Le Crédit Municipal de Paris consacre également une part de son activité au soutien à la création artistique. Vous aviez lancé, en ce sens, l’opération « 1% marché de l’art » en 2018, qui consistait à attribuer une bourse à une sélection d’artistes franciliens correspondant à 1% du chiffre d’affaires de vos ventes aux enchères. Cette opération sera-t-elle reconduite en 2025 ?
N.C. : Le Prix 1% marché de l’art est un projet que nous avons accompagné avec beaucoup de plaisir durant cinq ans, mais nous réfléchissons aujourd’hui à d’autres actions à mener. Le Crédit Municipal de Paris est par ailleurs mécène de Paris Musée. Nous apportons un soutien financier pour accompagner les institutions dans le montage de leurs expositions notamment ; mais également dans la création de programmes d’accessibilité, avec toujours un même objectif, rendre la culture accessible au plus grand nombre.
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Crédit photo © Aurélia Blanc
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