Sur les traces de la Tanzanite avec Hector Yaiche, gemmologue de terrain
Hector Yaiche est gemmologue de terrain : il sillonne le monde à la recherche des zones minières, afin de nourrir la documentation scientifique relative aux pierres. Des aventures qu’il relaie sur son compte Instagram Hectorgemologist. Nous l’avons rencontré à la veille d’un périple aux environs du Kilimandjaro, sur les traces de la Tanzanite…
Hector Yaiche est expert en bijoux depuis 2018 au sein de la Société Valeurs et patrimoine. C’est donc tout naturellement que nous l’imaginions, à son bureau, scruter au quotidien les pièces de joaillerie que lui confient les commissaires-priseurs et sa clientèle de particuliers et professionnels. Cette image, un après-midi de juillet allait lui donner une toute autre tonalité, alors que nous rencontrions notre protagoniste à quelques heures d’un voyage pour le moins atypique. L’expert en bijoux s’apprêtait à prendre l’avion pour la Tanzanie, à la recherche d’une pierre précieuse découverte en 1967 aux environs du Kilimandjaro et reconnaissable à sa teinte bleue-violette : la Tanzanite.
A la recherche des pierres précieuses
Avec Hector Yaiche, nous découvrons un métier méconnu pratiqué par une poignée d’initiés : la gemmologie de terrain. Le jeune homme a fait ses gammes avec le spécialiste mondial en la matière, Vincent Pardieu, qu’il a rencontré en 2019 à Madagascar alors qu’il explorait, à Ilakaka, la plus grande zone minière de saphir au monde. « Vincent Pardieu est la référence mondiale en gemmologie de terrain, reconnaît Hector Yaiche. Il a fait plus de 150 expéditions et possède la plus grande collection de gemmes récoltées sur le terrain au monde. Après cette première expérience à son contact, j’étais véritablement mordu ! » Ces Indiana Jones modernes sillonnent le monde à la recherche des zones minières, pour y prélever des échantillons à des fins scientifiques, et rencontrer les hommes à l’œuvre, des mineurs aux tailleurs de pierres et négociants. « Ces investigations ont pour objectif de nourrir la documentation scientifique autour des pierres. Elles nous permettent de les caractériser plus précisément, en identifiant leur zone d’origine », résume l’expert.
Du Sri Lanka à la Tanzanie…
Après un « passage obligé » au Sri Lanka, où les gisements de saphirs, rubis, topaze, quartz ou encore grenats ont, par leur richesse, valu à l’ancienne Ceylan d’être baptisée l’ « île aux Joyaux », Hector Yaiche part désormais sur les traces de la Tanzanite, dont on ne connaît qu’un seul gisement au monde. « L’idée première était de prélever des échantillons et de faire connaître au grand public tout l’écosystème autour de la Tanzanite, de l’extraction à la taille et à la vente. Mais en préparant ce voyage, je me suis rendu compte qu’il restait de nombreuses zones inexplorées », s’enthousiasme le jeune homme qui entreprend ce périple avec son caméraman, Sylvain Mulet, président de la Société Gem Come True.
Sur les traces de la Tanzanite, au pied du Kilimandjaro
Les deux protagonistes débuteront ainsi leur reportage au pied du Kilimandjaro, où les Masaï, qui ont mis au jour le premier gisement, ont accepté de les accueillir et de leur donner libre accès aux mines. Ils poursuivront ensuite l’exploration vers le sud de la Tanzanie, où d’autres zones minières restent à documenter près du lac de Rukwa, avant de partir sur les traces des grenats au Malawi et des rubis au Mozambique. « Selon des sources locales relayées il y a quelques mois dans un article sur Colored Stone, il existerait un gisement d’émeraude méconnu, ainsi qu’un gisement de rubis qui n’a jamais été étudié et qui produirait une variété de rubis incroyable, semblable aux rubis birmans, la référence mondiale en termes de qualité. »
Le défi n’est pas des moindres et a nécessité de longs préparatifs. « Partir sept semaines et explorer quatre pays constitue l’une des plus grandes expéditions gemmologiques françaises, souligne Hector Yaiche. Le plus important est de s’assurer d’avoir des contacts sur place, tels qu’un guide et un traducteur, les mineurs ne maîtrisant pas l’anglais. Il convient également de s’enregistrer auprès des ambassades, afin de signifier sa présence, et s’assurer de la sécurité des lieux que l’on envisage de parcourir. » L’expert a ainsi revu sa copie à quelques semaines du départ, retirant le nord du Mozambique de son programme, du fait de la présence accrue du djihadisme. « Il est primordial d’accepter de ne pas se rendre sur certaines zones, en dépit de leur intérêt scientifique, et de comprendre l’atmosphère des lieux, en écoutant les locaux qui connaissent bien mieux que nous le fonctionnement de leur région. »
S’il souhaite donner la parole aux mineurs, et regrouper leurs témoignages, Hector Yaiche sait néanmoins qu’il est primordial de conserver une part de mystère. « Les mineurs sont généralement très heureux de partager leur travail et leur savoir, mais nous sommes vigilants quant à la divulgation de leur identité. Cette confidentialité est vitale pour ceux qui découvrent de nouvelles pierres et qui risquent de susciter les convoitises alentours… » L’exploration des zones minières n’est en effet pas sans risque, tant celles-ci nourrissent un commerce des plus lucratifs et participent à la vie de leurs habitants. « Il y a des règles de survie à adopter, reconnaît Hector Yaiche. On ne se déplace par exemple pas le soir, mais tôt le matin, pour quitter les zones autour de 14 ou 15h et éviter ainsi de rencontrer quelques mineurs alcoolisés ». Sur son compte Instagram, « @Hectorgemologist » propose à ses abonnés de suivre son avancée quotidienne, par l’intermédiaire de contenus didactiques. Le huitième épisode de sa série vidéo « Gemmes » sera quant à lui diffusé sur YouTube à son retour, le 19 septembre.
Photo en Une : Hector Yaiche lors de sa première expédition à Ilakaka, à Madagascar.
Crédits photos Madagascar © Léonard Cornuz
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