Chartreuses, whisky, rhum : les tendances du marché des spiritueux
Longtemps relégués à la fin des ventes de vins, les spiritueux attirent aujourd’hui leur propre clientèle de collectionneurs avisés. Plongée dans un univers varié dans lequel les bouteilles ont parfois beaucoup voyagé…
Faisons d’abord un premier tri. Seuls quatre types de spiritueux emballent les enchères pour l’instant : les Chartreuses, les whiskys, les rhums et les cognacs. Chacun de ces domaines à ses amateurs, ses règles du jeu, son offre et sa demande.
Les Chartreuses, un marché spéculatif
« Le marché des Chartreuses est très spéculatif depuis quelques années, et les achats auprès des producteurs ont été limités, ce qui a contribué à faire exploser ce marché », analyse l’expert Pascal Kuzniewski. La vente des bouteilles marquées VEP (vieillissement exceptionnel prolongé) auprès des Pères Chartreux est effectivement limitée à une bouteille par personne, lorsqu’il en reste ! L’expert en propose quelques bouteilles dans la grande vente de vins qui se déroulera du 27 au 29 décembre chez Besch Cannes Auction : « Nous présenterons une bouteille de chartreuse verte « une Tarragone » période 1936-1941 Voiron, estimée 2 000 à 2 500 euros parce que le niveau est imparfait, ainsi qu’une chartreuse verte « Une Chartreuse » édition limitée 2017 estimée entre 2 500 et 3 000 euros ». Cette édition limitée existe depuis 2015 : tous les ans, les Pères Chartreux prélèvent 120 bouteilles de liqueur jaune et 120 de liqueur verte qu’ils commercialisent. « L’idéal pour les collectionneurs est d’avoir les deux, portant le même numéro, ou une bouteille de la toute première édition qui peut valoir jusqu’à 5 000 euros », ajoute l’expert. Le niveau des foudres étant réajusté après chaque prélèvement de 140 bouteilles, les collectionneurs cherchent à avoir l’alcool le plus « ancien » possible…
Le whisky, un marché porteur
Second alcool à avoir les faveurs des enchérisseurs, le whisky. « Après une mode qui a duré quelques années, les whiskys japonais souffrent un peu… Le vrai traditionnel est écossais, et c’est un monde à part, souligne Pascal Kuzniewski, dans lequel on trouve encore des merveilles. » Dans cet univers, la date de distillation est plus importante que le millésime, et l’écart entre les deux peut être significatif. L’expert signale dans sa vente une bouteille un peu spéciale, le single malt scotch Whisky de 1982 par Michel Couvreur (100 à 150 euros), « une maison pionnière du whisky made in France qui a produit des bouteilles très intéressantes ».
Antoine Valmaury, qui chapeaute les ventes de Vinestim (maison affiliée à Primardéco) a une vision un peu différente de ce marché : « C’est un secteur porteur, avec des effets de rareté dus à des petits tirages, à la disparition de certains distilleries… Et à l’apparition de nouvelles ! Alors même si cela n’influe pas directement sur les ventes aux enchères, il y a une bonne dynamique ». Il cite également, pour preuve, le salon Whisky Live Paris qui, depuis 2004, rassemble les amateurs en septembre à Paris.
Les vieux rhums plébiscités des collectionneurs
Un autre alcool a son salon dédié : le rhum ! Il s’agit du Rhum Fest, chaque année en mai au Parc Floral de Paris. « C’est aussi un secteur très tendance, souligne Antoine Valmaury, avec un vrai appétit des collectionneurs pour les très vieux rhums ». Dans l’une de ses dernières ventes, une bouteille de rhum Bailly, distillerie de la Martinique et datée du premier millésime de la fabrique en 1924, a été vendue 5 100 euros. Un joli prix qui sera peut-être battu par une bouteille avec une histoire, dans la vente Besch Cannes Auction de décembre : « Elle m’a été apportée par un vendeur qui l’avait reçue en cadeau pour ses 20 ans, en 1998. La bouteille était datée de 1929 et venait de la distillerie Depaz, plantations de la Montagne Pelée. Mais cette distillerie a brûlé en 1998, juste quelques mois après cet achat, et tous les vieux millésimes ont disparu ! Cela lui donne une importance très particulière… » raconte Pascal Kuzniewski. Il a estimé cette rescapée 1 500 à 2 000 euros, en retenant que le fameux vendeur a un frère jumeau, qui a en sa possession une seconde bouteille !
Les deux bouteilles citées viennent de la Martinique, et ce n’est pas la seule région de production de rhum : « Les productions du Vénézuela ou de Cuba peuvent être intéressantes, mais elles n’ont pas la profondeur des très vieux rhums Caraïbes de Martinique ou de Guadeloupe, datant des années 1850 à 1950… », estime l’expert de la vente de Cannes.
Des cognacs recherchés à l’étranger
Typiquement français, le cognac est pourtant l’alcool le plus exporté des trois ! « Il a toujours bénéficié d’une belle image de marque à l’étranger, et les cognacs anciens, qui datent des années 1930 à 1940, partent en très grande majorité en Asie et en Europe du Nord », analyse l’expert de Vinestim.
« Ce qui dessert le cognac c’est le manque de lisibilité, tranche Pascal Kuzniewski, du fait de contraintes lourdes pour avoir un millésime, c’est un univers où il est compliqué d’avoir une bonne traçabilité, de savoir s’il s’agit d’un alcool jeune ou vieux et quels ont été les assemblages ». La bouteille de cognac « Timeless par J.A. Hennessy » de sa vente est ainsi annoncée comme un assemblage de 11 eaux-de-vie datant des années 1900 à 1970 (2 500 à 3 000 euros).
Investir dans les liqueurs de fruits
Pour l’avenir, les deux experts interrogés indiquent quelques pistes à surveiller. Antoine Valmaury s’étonne ainsi des prix atteints par certaines liqueurs de fruits : « des bouteilles qui ne sont plus fabriquées nulle part car il s’agissait de petites productions locales. Nous avons récemment vendu une bouteille de liqueur de mandarine, par Meunier à Voiron pour 650 euros… Il existe une clientèle de nostalgiques de ces goûts anciens ». Sa prochaine vente se tiendra le 31 janvier à Toulouse. Et l’attention de Pascal Kuzniewski se porte plutôt vers alcools de fruits ou les Fine Bourgogne, à l’image de la bouteille de 1979 issue du domaine de la Romanée-Conti, estimée 2 400 à 3 000 euros dans la vente de décembre.
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