Le 11 juillet 2023 | Mis à jour le 12 juillet 2023

Le centenaire des Seiz Breur : une vente aux enchères exceptionnelle au Parlement de Bretagne

par Diane Zorzi

Le 13 juillet à Rennes, le Palais du Parlement de Bretagne accueillera une vente aux enchères exceptionnelle à l’occasion du centenaire des Seiz Breur, un mouvement artistique méconnu qui inscrivit l’art et l’artisanat bretons au cœur des avant-gardes artistiques du XXe siècle. Décryptage.

 

Depuis samedi, le Palais du Parlement de Bretagne accueille un événement artistique exceptionnel, réunissant quelques trois cents œuvres dans le cadre des célébrations du centenaire des Seiz Breur. Cette exposition, dont une vente aux enchères prévue le 13 juillet constituera le point d’orgue, lève le voile sur un mouvement artistique méconnu de l’entre-deux-guerres qui, par sa modernité, inscrivit l’art et l’artisanat bretons au cœur des avant-gardes artistiques du XXe siècle.

Cet événement est le fruit d’un partenariat inédit noué entre trois maisons de vente de la région : Rennes Enchères (Rennes), Thierry-Lannon & Associés (Brest, Lorient) et Salorges Enchères (Nantes, La Baule). Bretagne oblige, les commissaires-priseurs se succèderont, lors de la vente, par « vagues », souligne Carole Jézéquel, la commissaire-priseur de Rennes Enchères à l’initiative de l’événement. « Nous souhaitions créer une dynamique afin de rendre la vente attrayante. La répartition s’est faite de manière naturelle et instinctive, en fonction de notre attachement respectif à certains artistes. Ce partenariat est la preuve vivante de notre ambition partagée d’être des acteurs culturels passeurs de mémoire et d’âme en Bretagne. »

 

Les Seiz Breur, l’avant-garde artistique en Bretagne

Ce partenariat fait écho à l’esprit collaboratif qui anima, en 1923, un groupe d’artistes bretons, à l’origine de la création des Seiz Breur. Ce mouvement réunit durant l’entre-deux-guerres une soixantaine de protagonistes soucieux de redonner à l’art breton traditionnel son lustre d’antan, en lui insufflant un vent de nouveauté. « Le constat de ces jeunes artistes, réunis en un groupe que Pierre Abadie-Landel qualifiait en 1924 d’association « amicale, fraternelle et artistique » est éloquent : les arts et les arts appliqués en Bretagne, terre d’une fabuleuse richesse culturelle nourrie d’un passé préhistorique et légendaire, se retrouvent sous la sédation d’une vision folklorique héritée du XIXe siècle et « fomentée » par les élites parisiennes centralisatrices, les ayant mené jusqu’au pathologique « syndrome Bécassine » », détaille Tangui Le Lonquer, spécialiste des Seiz Breur.

Le groupe comptait des artistes qui, s’ils étaient doués de talents variés (sculpteurs, peintres, céramistes, tisserands ou architectes) poursuivaient un même dessein : créer un langage artistique unique qui refléterait l’identité bretonne, tout en l’inscrivant dans la modernité. « Ar Seiz Breur doit être replacé dans le tumultueux contexte des avant-gardes artistiques européennes du début du XXe siècle : Arts & Crafts en Grande-Bretagne, Bauhaus en Allemagne, De Stijl aux Pays-Bas, Futurismo en Italie… jusqu’à la création de l’Union des Artistes Modernes en France. »

 

 

300 œuvres de Jeanne Malivel à René-Yves Creston

Pour rendre compte de la richesse de ce mouvement artistique, les commissaires-priseurs ont réuni quelques trois cents œuvres. « L’ensemble forme en quelque sorte une mini rétrospective, détaille Carole Jézéquel. Les deux cents premiers lots sont signés d’artistes membres des Seiz Breur, dont une soixantaine sera représentée, tandis que la dernière partie est consacrée, plus largement, à l’entourage, aux artistes qui, sans avoir adhéré, étaient dans l’esprit et la mouvance des Seiz Breur. »

Au catalogue se succèdent les membres fondateurs, à l’instar de Joseph Savina (1901-1983) ou encore Jeanne Malivel (1895-1926) à qui l’on doit le nom de baptême du mouvement : « Ar Seiz Breur », en référence au conte du pays gallo Les Sept Frères, un récit ancestral que cette jeune Loudéacienne affectionnait. Décédé prématurément en 1926, Jeanne Malivel est à l’initiative de l’Exposition internationale des arts décoratifs, industriels et modernes de 1925 qui marque le point de départ du mouvement. A la vente, un ensemble mobilier réalisé pour son amie Louise Gloux témoigne de la volonté de Jeanne Malivel de revisiter, par le prisme de la modernité, les meubles typiques des intérieurs bretons du XIXe siècle. Pionnière du design en Bretagne, Jeanne Malivel souhaitait « mettre du beau dans l’utile », en s’attelant aussi bien au mobilier, à la verrerie, aux textiles, qu’à la céramique, dont elle renouvelle les formes et décors, ainsi qu’en témoigne une paire d’assiettes octogonales à décor géométrique réalisée pour la manufacture Henriot Quimper. « Les œuvres de Jeanne Malivel, dont la création ne s’étend que sur dix années, sont très rares sur le marché et nous sommes parvenus à réunir une trentaine de pièces », s’enthousiasme Carole Jézéquel.

 

 

L’événement incontournable du centenaire des Seiz Breur

De nombreuses œuvres inédites composent le catalogue, à l’instar d’un globe terrestre de René-Yves Creston (1898-1964), un autre membre éminent des Seiz Breur. Provenant de la famille de l’artiste, il fut réalisé à l’occasion de l’Exposition Coloniale de 1931 « à la gloire des marins explorateurs et colons bretons – partout où le soleil passe, le breton passe. » « Creston met à profit l’Exposition Coloniale, démonstration de puissance impérialiste, pour rendre hommage à la Bretagne et à son peuple, de tout temps voyageur et découvreur, détaillent les commissaires-priseurs. Ce travail sera décliné en un immense globe terrestre exposé dans le hall du pavillon de la Bretagne à l’Exposition Universelle de 1937, culminant à 3 mètres de hauteur et mesurant 1,60 mètre de diamètre. » Acquis par Lord Mond, un chimiste britannique passionné d’art, dont une partie de la collection habille les cimaises de la National Gallery de Londres, ce globe monumental aurait été conservé au château de Coat-an-Noz, en Belle-Isle-en-Terre, avant d’être détruit, à l’exception de fragments qui subsistent aujourd’hui dans différents musées et institutions.

De René-Yves Creston, la vente dévoile également une importante série de gravures sur bois qui devaient illustrer un recueil de cinquante récits sur la légende et l’histoire de la Bretagne : Grand légendaire breton ou Les heures merveilleuses de la légende et de l’histoire de la Bretagne du romancier René Cruchon (1891-1963), connu sous le pseudonyme Ronan Pichery.

Aux côtés de ces pièces de qualité muséale, de nombreux lots affichent des estimations accessibles au plus grand nombre. Le bal des enchères débutera à 14h et sera retransmis en live sur Interencheres. Des collectionneurs du monde entier sont attendus. « Ce sera certainement l’occasion pour de nombreux amateurs du patrimoine breton de découvrir ce mouvement méconnu. » Si, en 2000, le musée de Bretagne à Rennes avait consacré une exposition d’envergure aux Seiz Breur, peu d’événements autour de ce mouvement novateur n’ont été organisés depuis. « Une exposition s’est tenue du 8 mars au 1er juillet à la Bibliothèque Forney à Paris, mais les événements n’ont pas été nombreux en dépit du centenaire », note Carole Jézéquel. La vente aux enchères organisée au Parlement de Bretagne est appelée à faire date.

Enchérir | Suivez la vente du centenaire des Seiz Breur le 13 juillet en live sur interencheres.com

 

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