Un paravent de Nguyen Gia Tri aux enchères à Tarbes
Le 23 novembre à Tarbes, dans les Hautes-Pyrénées, Henri Adam présentera aux enchères un panneau exceptionnel du maître laqueur vietnamien Nguyen Gia Tri. Daté de 1941, il dévoile une vue de la pagode Chùa Thây, l’un des plus anciens édifices bouddhiques du Vietnam.
En contre-bas d’une falaise, parmi des arbres et feuillages laqués d’or, s’élève l’un des premiers édifices bouddhiques du Vietnam, la pagode Chùa Thây. Au loin, la montagne Sài Son, figurée en laque brune, surplombe un lac artificiel orangé, au milieu duquel se détache le plus ancien théâtre de marionnette sur l’eau du pays. Situé à une trentaine de kilomètres de Hanoï, cet ensemble architectural fut érigé au XIe siècle, sous le règne du roi Ly Nhan Tong, en hommage au moine Tu Dao Hanh, à qui l’on doit la naissance des spectacles de marionnettes sur l’eau et qui se distingua par sa vie religieuse exemplaire. Ce vestige national est devenu au fil des siècles un haut-lieu de pèlerinage, accueillant chaque année de somptueuses cérémonies à l’occasion du Têt. Son atmosphère empreinte de sérénité séduit les pèlerins et curieux, autant que les artistes, à l’instar de Nguyen Gia Tri (1912-2003) qui en 1941 vint s’y ressourcer, livrant ce paravent à six feuilles mêlant des laques brunes, rouges, oranges, rehaussées d’or et coquilles d’œuf. « Cette œuvre dégage une harmonie et une quiétude en adéquation avec les lieux », précise Henri Adam qui présentera ce panneau exceptionnel de Nguyen Gia Tri aux enchères le 23 novembre à Tarbes et en live sur Interencheres.
Nguyen Gia Tri, l’un des plus grands maîtres laqueurs du XXe siècle
Nguyen Gia Tri a passé son enfance non loin de là, à Hadong, avant de rejoindre en 1928 l’Ecole des Beaux-Arts d’Hanoï, créée par Victor Tardieu, où il côtoie les maîtres vietnamiens Nguyen Tuong Lan, Nguyen Cat Tuong, Le Pho, Mai Thu, Phan Chan ou encore Vu Cao Dam. Il quitte néanmoins l’institution en 1930, à la suite de son engagement politique auprès du parti nationaliste vietnamien et de la mutinerie de Yen Bai, sévèrement réprimée par l’administration et l’armée française. « Cet épisode le pousse à rejeter toute influence française, y compris son professeur Joseph Inguimberty », précise les experts en arts asiatiques Pierre Ansas et Anne Papillon d’Alton. De retour sur les bancs de l’école, il obtient finalement son diplôme et organise sa première exposition en 1935. « Elle connaît de suite un certain succès, si bien qu’il lui sera commandé une œuvre pour orner ce qui est désormais la résidence officielle du Président de la Républiques Socialiste du Vietnam. » Après un séjour de cinq ans à Hong Kong, il s’installe définitivement à Saïgon, l’actuelle Hô Chi Minh-Ville, où il se tourne progressivement vers l’abstraction.
L’artiste a révolutionné après-guerre l’art de la laque par l’emploi d’incrustations de coquilles d’œuf et de couleurs chatoyantes. S’il demeure, sa vie durant, profondément attaché à sa terre natale et à ses traditions, résistant à l’appel des mégapoles européennes, il se nourrit des techniques occidentales, tentant de reproduire avec la laque les mêmes nuances subtiles obtenues par la peinture à l’huile. Il recourt pour cela au procédé vietnamien de ponçage et de polissage qui lui permet de fondre les nuances les unes dans les autres et d’insuffler du relief à l’ensemble.
Un paravent estimé entre 120 000 et 150 000 euros
Considéré comme l’un des plus grands maîtres laqueurs du XXe siècle, Nguyen Gia Tri suscite régulièrement des batailles d’enchères enflammées. En témoignent l’adjudication à 375 000 euros obtenue en 2019 à Versailles avec un paravent figurant une scène de village ou celle à 673 457 euros qui établissait en 2018 à Hong Kong un record mondial pour l’artiste. Estimé entre 120 000 et 150 000 euros, notre paravent devrait attirer de nombreux collectionneurs, si l’on considère l’engouement des dernières années pour l’art vietnamien. Dernière preuve en date : un paravent de Hoang Tich Chù (1912-2003) doublait son estimation le 18 septembre à Lyon, trouvant preneur à près de 180 000 euros lors d’une vente organisée par la maison Bérard-Péron.