Le 2 septembre 2022 | Mis à jour le 2 septembre 2022

Un tableau de Wifredo Lam inédit découvert en Sologne

par Diane Zorzi

Un tableau du peintre cubain Wifredo Lam peint dans les années 1950 a été découvert au hasard d’un inventaire en Sologne. Estimé à plus de 50 000 euros, il appartenait au photographe américain John Pole-Woods.

 

« Les trésors existent encore ! » A l’annonce de sa vente de rentrée, Guillaume Cornet ne cache pas son enthousiasme. Le commissaire-priseur de l’Hôtel des ventes de Blois s’apprête à vendre aux enchères un chef-d’œuvre du peintre cubain Wifredo Lam (1902-1982), dont l’intérêt tient autant à sa valeur artistique qu’au contexte de sa redécouverte.

 

Un tableau estimé à plus de 50 000 euros découvert au hasard d’un inventaire

A l’approche de l’été 2021, Guillaume Cornet se rend dans une maison bourgeoise à Pierrefitte-sur-Sauldre, en Sologne, afin d’y effectuer un inventaire de succession. Alors qu’il arrive sur les lieux, son regard est happé par un tableau accroché au mur du salon évoquant une œuvre cubiste dans le goût de Pablo Picasso. Passé l’émoi, le commissaire-priseur réalise qu’il s’agit d’une simple reproduction et poursuit l’inventaire, repérant d’intéressants souvenirs d’Iran, quelques bijoux et des gravures d’artistes anglais et américains. La reproduction attise néanmoins la curiosité d’une voisine présente lors de l’inventaire. Cette amie du défunt a été chargée de gérer la succession du fait de l’éloignement des trente héritiers résidant outre-Atlantique. Au cours de la nuit, elle fait progressivement le lien entre la reproduction et un colis que le défunt lui a remis avant sa mort, destiné à une petite nièce américaine. Le lendemain matin, elle fait part de son intuition au commissaire-priseur afin qu’il procède à un inventaire complémentaire. Quelques jours plus tard, lors du déballage du colis, Guillaume Cornet découvre l’original du tableau dont la copie trônait dans le salon. « L’œuvre n’est pas signée mais nous découvrons très vite qu’elle a été réalisée par Wifredo Lam grâce à une correspondance illustrée de petits dessins entre les époux Pole-Woods et le peintre, une photographie du tableau au mur dans l’appartement parisien du couple, ainsi qu’un certificat d’authenticité délivré par Madame Lou Laurin-Lam en date du 25 octobre 2007 », détaille le commissaire-priseur.

 

Un portrait féminin peint par Wifredo Lam autour de 1950

L’œuvre a été peinte autour des années 1950 alors que Wifredo Lam, installé depuis une vingtaine d’années en Europe, renoue avec ses racines afro-cubaines à la faveur d’un retour dans son île natale en 1942 et d’un passage en Haïti en 1946 où il assiste à ses premières cérémonies vaudou. Elle dévoile un portrait féminin, traité au gré de formes schématiques, qui doit autant au vocabulaire cubiste et à l’imaginaire surréaliste qu’aux arts africains et océaniens. Coiffée de cornes, cette figure féminine animale et dominatrice se détache frontalement, tel un totem, sur un fond monochrome brun évoquant la couleur du bois des masques rituels. Elle arbore un seul ovale en guise de visage, accueillant un oiseau, symbole constant dans les croyances yoruba associé à l’ « orisha » Osanyin, le dieu des herbes médicinales.

 

Wifredo Lam (1902-1982), Sans titre. Circa 1950. Huile sur toile. 73 x 54 cm. Estimée entre 50 000 et 80 000 euros.

 

Une œuvre inédite provenant de la collection du photographe américain John Pole-Woods

Estimé entre 50 000 et 80 000 euros, ce tableau de Wifredo Lam a été acquis auprès de l’artiste autour de 1954 par John et Alice Pole-Woods, un couple d’Américains qui se retira dans les années 1980 à Pierrefitte-sur-Sauldre et qui noua des liens d’amitié avec le peintre, ainsi qu’en témoigne un ensemble de lettres dispersées lors de cette vacation. Comptant parmi ses ancêtres William de la Pole, l’un des grands capitaines anglais de la guerre de Cent Ans, et le cardinal Reginald Pole, légat du pape lors du concile de Trente, John Pole fut officier dans l’armée de l’air américaine, photographe dans l’aviation et les services de renseignement, avant de s’établir en tant qu’antiquaire à Paris. Ses reportages photographiques ont fait l’objet de plusieurs expositions et l’ont conduit à arpenter le monde, de l’Afrique à l’Asie, à l’image de son ami Wifredo Lam, cet enfant du métissage qui, sa vie durant, œuvra à l’harmonie entre les peuples.

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