
De Chardin à Colson, l’incroyable aventure d’un chef-d’œuvre de la peinture française
Un chef-d’œuvre de Jean-François Colson a été adjugé à 87 500 euros par Jean-Pierre Osenat le 18 avril dernier à Versailles. Ce tableau était un portrait présumé de Charles-François Panard, poète et chansonnier français du XVIIIe siècle.
Portraitiste fameux du XVIIIe siècle, Jean-François Colson (1733 – 1803) s’est distingué par sa précocité artistique. Côtoyant de nombreux maîtres français, il est rapidement introduit au sein des milieux bourgeois, intellectuels et artistiques, dont il portraiture d’éminents représentants. Il est engagé au service du duc de Bouillon à partir de 1771 et élu à l’Académie des Sciences, des Arts et des Belles-Lettres de Dijon au crépuscule de sa vie.
Un tableau longtemps attribué à Chardin
Ce portrait de Charles-François Panard a fait l’objet de diverses attributions, de Chardin à Duplessis. « Les tableaux de jeunesse de Colson rappellent la simplicité des œuvres de Chardin, ce qui est sans doute la raison pour laquelle notre tableau lui fut longtemps attribué« , précise Stéphane Pinta, expert au cabinet Turquin. Fils de peintre, Colson découvre précocement l’art du portrait et bénéficie des conseils de nombreux maîtres jusqu’à sa majorité. Son talent et ses relations lui permettent de répondre très tôt à de nombreuses commandes. « Dans ses premières années de carrière, la clientèle de Colson était des plus variées. On connaît de lui des portraits de gens de cour, de bourgeois, d’ecclésiastiques, de militaires, de savants, d’hommes de lettres, de musiciens, ou encore de comédiens« . Le musée des Beaux-Arts de Dijon conserve même le Portrait de Jean-Baptiste Gilles Colson, père de l’artiste, qui l’a initié à la peinture.
Un portrait typique de l’œuvre de Colson
« Dans un format rectangulaire, un homme de trois-quarts prend la pose dans une demi-obscurité rendue par un fond sombre et neutre, qui n’empêche cependant pas de voir parfaitement les traits du visage du modèle, poursuit Stéphane Pinta. La belle harmonie de couleurs sombres, créée par l’arrière-plan et le vêtement du modèle, met l’accent sur la délicatesse de la dentelle de son jabot et de ses manches. Le naturel de la pose et la sincérité de l’expression du personnage pris sur le vif nous montrent le talent d’un artiste qui préfère le réalisme à l’embellissement de son modèle« . En cela, Colson s’écarte des représentations volontiers idéalisées de ses contemporains. Le poète Charles-François Panard n’est pas figé, le regard perdu vers le ciel dans une attitude extatique, mais concentré, réfléchissant probablement à sa future création. L’homme, âgé d’une soixantaine d’années, est assis à son bureau. Les attributs que sont le livre de partitions et les feuillets indiquent sa qualité de poète et parolier, conformément aux canons de représentation du XVIIIe siècle. Le portrait est ainsi relativement sobre, mais précis et délicat. La représentation s’inscrit pleinement dans l’œuvre du peintre français, parvenu à retranscrire avec finesse les sentiments de personnages captés dans la pénombre.
Des portraits rares aux enchères
Les œuvres de Colson sont relativement rares sur le marché. Un autre portrait, La petite rêveuse, avait été adjugé pour 42 084 euros en 2000 à New York. En 2007, les Portraits présumés du marquis et de la marquise de la Tour en Woevre avaient été acquis pour 26 000 euros au marteau à Paris, dépassant ainsi largement l’estimation initiale. Estimé entre 30 000 et 40 000 euros, ce Portrait présumé de Charles-François Panard a quant à lui trouvé preneur à 87 500 euros.

Jean-François Colson (1733 – 1803),
Portrait présumé de Charles-François Panard (Courville-sur-Eure 1689 – Paris 1765),
Toile,
81.5×65 cm, Cadre ancien en bois doré. Adjugé à 87 500 euros.