Le 14 novembre 2025 | Mis à jour le 14 novembre 2025

Découverte d’un chef-d’œuvre du XVIIe siècle dans un château inhabité du Loir-et-Cher

par Magazine des enchères

Redécouvert dans un château inhabité, un chef-d’œuvre du peintre Laurent de La Hyre sera dévoilé aux enchères le 15 novembre à l’Hôtel des ventes d’Orléans Madeleine. Création de jeunesse, cette grande composition (2,04 x 2,70 m) est aussi un manifeste de l’artiste à inscrire dans l’histoire de la peinture française du XVIIe siècle. Juste retour des choses pour de La Hyre qui fut reconnu en son temps avant d’être peu à peu oublié jusqu’à la seconde moitié du XXe siècle. Expertisée par le cabinet Turquin, la toile est estimée entre 500 000 et 700 000 euros.

 

Tout commence il y a un peu plus de 10 ans. Stéphane Pinta, expert au cabinet Turquin, visite alors le château de Villebourgeon en Sologne (Loir-et-Cher) : « je remarque un tableau non signé, puis le prends en photo. Tout en le rattachant à l’école française du XVIIe siècle, aucun nom ne me vient. C’est des années après, lorsqu’il est arrivé dans notre cabinet, que nous avons résolu le mystère ». Ce dénouement, on le doit à un inventaire de succession il y a quelques mois. Le tableau est à ce moment encore accroché dans une cage d’escalier de la demeure, le rendant difficilement visible : « la lumière rasante ajoutait également un voile gris aidant encore moins », précise la commissaire-priseur Cécile Solibieda. Elle ajoute : « j’ai donc demandé à le faire descendre, et tout de suite, les couleurs, les mouvements fouillés, la densité de la toile se sont révélés ». La qualité d’exécution, ainsi que la scène dépeinte, le massacre des centaures par Thésée et ses hommes, sujet peu habituel, posent question, suffisamment pour demander au cabinet Turquin une expertise.

 

Sur les traces d’un de La Hyre 

À Paris, Jean-Pierre Cuzin, ancien conservateur en chef du département des peintures du Louvre, et consultant auprès du cabinet Turquin, émet pour la première fois le nom de Laurent de La Hyre (1606-1656). Deux détails du tableau sont étudiés de près. Le premier, l’homme de dos transpercé par une lance en bas à droite du tableau, ainsi qu’un guerrier avec son casque et son bouclier, en haut à gauche de la composition. « En les comparant aux personnages de deux autres tableaux, respectivement Adonis mort, avec son chien (1628-1630) et La Conversion de saint Paul (1937), nous avons reconnu le style de de La Hyre. » C’est finalement en parcourant l’inventaire après décès de Laurent de La Hyre où est évoquée une peinture non identifiée dont le sujet et les dimensions correspondent à ceux du banquet des Lapithes que le rapprochement est définitivement fait. « Pour les propriétaires, ce fut une belle surprise. Une histoire courait dans la famille qu’une des toiles de la demeure serait capable de financer les travaux de la toiture du château. Je crois bien qu’ils l’ont trouvée », raconte Cécile Solibieda.

 

Laurent de La HYRE (Paris, 1606 – 1656), « Le banquet des Lapithes ». Huile sur toile. Hauteur : 204 cm Largeur : 270 cm. Cadre en bois mouluré et doré à palmettes de la fin du XVIIIe, estampillé CHERIN. Soulèvements et manques. Estimation : 500 000 – 700 000 euros. 

 

Une œuvre de jeunesse de Laurent de La Hyre

Comment expliquer ces difficultés à identifier l’auteur de l’œuvre ? « Cette toile est une œuvre de jeunesse réalisée entre 18 et 22 ans, or à ce moment, de La Hyre apprend son art selon le style maniériste de l’École de Fontainebleau », un style qui ne se retrouve pas dans ce tableau, où se fait davantage ressentir l’influence de la peinture baroque venue d’Italie. En outre, la postérité l’a consacré comme une des figures de l’atticisme, courant qui se distingue entre autres par des compositions épurées peuplées de figures hiératiques. Caractéristiques aux antipodes de ceux de cette peinture. Par ailleurs, le jeune peintre s’empare d’un sujet ambitieux : l’affrontement sanglant des Centaures avec la tribu des Lapithes, après que le banquet des noces de Pirithoos, roi de Thessalie, avec Hippodamie, ait dégénéré. Ici, de La Hyre semble vouloir faire une démonstration de force, et donner la preuve de son talent et de son apprentissage. Stéphane Pinta résume ce geste avec ces mots : « c’est une toile manifeste ».

 

Un tableau demeuré dans l’ombre depuis 150 ans

En ce qui concerne l’état de conservation, l’œuvre « a vieilli naturellement, profitant du fait d’être exposée dans un lieu ni trop humide, ni trop sec ». Néanmoins, le tableau n’a pas bougé depuis 150 ans, et n’a probablement pas été restauré depuis son rentoilage que Stéphane Pinta situe entre la fin du XVIIIe et le début du XIXe siècle. En ce sens, la matière a tuilé par endroits, se soulevant légèrement. « Néanmoins, ces dégâts, s’ils peuvent paraître spectaculaires, ne sont pas pour autant critiques. Nous avons simplement un peu reverni le tableau et refixé les enduits en péril. »

 

Une toile estimée entre 500 000 et 700 000 euros

Reconnu en son temps – il reçut notamment des commandes du Cardinal Richelieu ou de la cathédrale Notre-Dame de Paris – Laurent de La Hyre est peu à peu mis de côté dans l’histoire de l’art pour son académisme. En outre, selon Jacques Thuillier (1928-2011), ancien professeur au Collège de France, sa postérité a pâti du choix de rester à Paris plutôt que de partir faire ses classes en Italie. Il a fallu attendre la seconde moitié du XXe siècle et l’achat en 1950 de L’Allégorie de la Musique (1649) par le Metropolitan Museum de New York pour que débute sa réhabilitation. Ce phénomène n’a pas faibli jusqu’à aujourd’hui, si bien que son Narcisse mis aux enchères en 2022 par Artcurial et estimé entre 200 000 euros et 300 000 euros, a vu son prix de vente s’envoler pour atteindre 930 000 euros. Il y a deux semaines, un tableau attribué au maître français, Sainte-Catherine d’Alexandrie, estimé entre 20 000 euros et 30 000 euros, a été vendu pour 500 000 euros. C’est dans ce contexte que le cabinet Turquin a estimé la toile entre 500 000 euros et 700 000 euros : « une estimation ambitieuse, à la hauteur de la qualité de la peinture ».

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