Découverte d’un tableau de Jean-Baptiste Corneille classé Monument Historique
Autrefois attribué à Charles Le Brun, un tableau de Jean-Baptiste Corneille, classé au titre des Monuments historiques, ressurgit sur le marché. Représentant un épisode rare de l’Histoire d’Alexandre le Grand, il porte un éclairage inédit sur un artiste méconnu et pourtant éminent du XVIIe siècle. Il sera dévoilé aux enchères par la maison Tajan le 12 juin à Paris.
Mise à jour, 13 juin 2024. Le tableau de Jean-Baptiste Corneille a été adjugé 472 320 euros (frais inclus) le 12 juin chez Tajan à Paris.
L’œil du « connoisseur », cet amateur éclairé avide d’attributions, n’est pas infaillible, et il arrive régulièrement qu’une œuvre soit donnée à un artiste, avant de retrouver son authentique signature. Ce jeu, les musées comme les ventes aux enchères en sont régulièrement les témoins, avec parfois à la clé des découvertes lumineuses. Dernier exemple en date, l’arrivée sur le marché d’un tableau de Jean-Baptiste Corneille (1649-1695), autrefois attribué à Charles Le Brun. Cette somptueuse composition, classée justement au titre des Monuments historiques, porte un éclairage inédit sur un artiste encore trop méconnu.
Jean-Baptiste Corneille, un peintre éminent du XVIIe siècle
Jean-Baptiste Corneille se forme auprès de son père Michel I Corneille, élève de Vouet, avant d’entreprendre un séjour en Italie de 1665 à 1671, où il deviendra l’un des premiers pensionnaires de l’Académie de France à Rome. Sous la supervision de Charles Errard, il participe à la copie des fresques de la Galerie Farnèse, destinées à parer la Galerie des Ambassadeurs du Palais des Tuileries. A son retour en France, en 1675, il livre, en guise de morceau de réception, une représentation de La Punition de Busiris par Hercule, aujourd’hui conservée aux Beaux-Arts de Paris, avant de signer en 1679 l’un des grands May de Notre-Dame, La Libération de Saint-Pierre. Son corpus, composé essentiellement de peintures d’église, s’est enrichi récemment de la découverte d’un Saint Roch (église de Mouriès) dans lequel le peintre affirme sa manière, à travers une touche énergique et expressive, faisant la part belle aux coloris. Un attachement à la couleur dont notre tableau offre un brillant témoignage. « Jean-Baptiste Corneille achève de se distinguer de Le Brun dans ce grand format illustrant la vie d’Alexandre. Attaché à la couleur, au « beau feu », il aime les coloris acidulés, les « cangianti », couleurs changeantes qui animent la composition, ce qui souligne le parti pris du peintre dans la Querelle du coloris, à la suite du débat lancé par Philippe de Champaigne à l’Académie en 1671 », précisent les experts du cabinet Turquin.
Un épisode rare de l’Histoire d’Alexandre le Grand
Le peintre a choisi ici un épisode rare tiré de l’Histoire d’Alexandre le Grand de Quinte-Curce (livre VII) : Alexandre faisant boire ses soldats. Alors qu’ils ont passé onze jours à chevaucher à la poursuite de Bessos, le satrape de Bactriane sous le règne de Darius III, l’eau vient à manquer pour Alexandre et ses hommes. Deux courtisans, qu’ils croisent sur leur chemin, apportent de l’eau au souverain macédonien qui, constatant qu’elle ne pourrait désaltérer tous ses hommes, refuse de s’en délecter seul. Frappés par sa magnanimité, les cavaliers oublient leur fatigue et leur soif, reprennent courage et jurent de suivre Alexandre « Le Grand » partout où il irait. « Dans cette composition habile, Jean-Baptiste Corneille met parfaitement en valeur l’abnégation et le sacrifice d’un chef de guerre, décrivent les experts. D’un geste symbolique, il repousse le vase rempli d’eau et désigne de l’autre main son armée, au nom de laquelle il se doit de le refuser. »
Un tableau provenant probablement de la collection de Colbert
Cette peinture monumentale (304 x 341 cm) s’inscrit pleinement dans la lignée des grandes peintures d’Histoire réalisées sous le règne de Louis XIV, à la suite des cartons de tapisserie de la Vie d’Alexandre Le Grand de Charles Le Brun (musée du Louvre) pour la manufacture des Gobelins. C’est sur la base de cette comparaison qu’elle fut ainsi attribuée à tort à Charles Le Brun, lors d’une vente en 1993. La découverte de son pendant, Dinocrate présente à Alexandre son projet pour le mont Athos, lors d’une vente Tajan en 2008, conjuguée à celle de deux dessins préparatoires, mis en rapport par l’historienne de l’art Claudine Lebrun-Jouve, a permis de lui retrouver sa véritable signature.
L’œuvre proviendrait de la collection de Jean-Baptiste Colbert. « Un tableau de ce sujet est mentionné dans la grande salle du château de Sceaux, dans son inventaire après décès rédigé par Charles Le Brun après septembre 1683 », précisent les experts du cabinet Turquin. Le tableau est estimé de 300 000 à 500 000 euros. A noter que la dernière vente d’une peinture de Jean-Baptiste Corneille s’est tenue en 2008, avec l’adjudication à 74 352 euros du Dinocrate présenté par Tajan.
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